Origines de notre psychologie de la finitude

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Origines de notre psychologie de la finitude

27 septembre 2010 — On se référera d’abord à deux événements, qui constituent une introduction d’actualité au problème que nous voulons traiter. Il s’agit d’abord d’un débat sur la croissance, ensuite d’avertissements sur des perspectives alarmantes et immédiates de pénurie alimentaires suite aux événements catastrophiques de cet été (incendies en Russie, inondation au Pakistan). Ces deux événements illustrent deux facettes de l’accélération de notre crise, qui introduisent une perspective historique et une analyse psychologique des “origines proches” de cette situation, – ce que nous nommons la situation de la perception de “notre finitude” en tant que système et civilisation.

• Le premier événement est une conférence tenue à Lyon sous l’égide de Libération (France) et de The Independent (Royaume-Uni). Le quotidien britannique rapporte, ce 25 septembre 2010, les grands thèmes et affrontements qui ont caractérisé cette conférence, entre une vision localiste et une vision globaliste des moyens de “sortir” des conditions de crise systémique qui caractérisent la situation… Les deux vues, dont on comprend évidemment les arguments, sont toutes deux caractérisées par la nécessité d’une action rigoureuse contre les dégradations accélérées en cours.

«Stop economic growth in its tracks, start living locally, at a slower pace, and share more – that was the remarkable demand yesterday at the beginning of the Sustainable Planet Forum, a three-day international conference on environmental issues in the French city of Lyon, which The Independent is co-sponsoring.

»In the radical corner was Paul Ariès, one of France's more colourful political figures, an anti-globalisation campaigner who edits a magazine entitled Le Sarkophage, which is a French pun on the word for coffin and the name of the President of the Republic, Nicolas Sarkozy. (You can guess the content.)

»In the Conservative corner was Peter Ainsworth, the former shadow Environment Secretary who left Parliament at the last election after 18 years as the MP for East Surrey. He is active on numerous environmental issues and has long been seen by environmentalists in Britain as the epitome of a Green Tory.»

• Le second événement est un rapport de l’ONU sur les suites à craindre des catastrophes de l’été, illustrées déjà par des “émeutes de la faim” au Mozambique (13 morts). Dans cette analyse, les catastrophes sont évidemment citées comme cause directe, mais les causes aggravantes, qui constituent en réalité le mécanisme infernal qui transformeraient une difficulté à laquelle on pourrait faire face en une éventuelle situation pressante de pénurie alimentaire, sont évidemment à chercher dans la pathologie (pas d’autres mots) qu’est le mécanisme spéculatif du système, – le système qui vient justement d’être renfloué des effets de la catastrophe financière (15 septembre 2008) dont il est lui-même la cause, – imbroglio fondamentalement déstructurant et de caractère maléfique que l’on connaît bien. C’est le Guardian du 24 septembre 2010 qui documente cette affaire, ainsi que la réunion d’urgence tenue à Rome à ce propos.

«The world may be on the brink of a major new food crisis caused by environmental disasters and rampant market speculators, the UN was warned today at an emergency meeting on food price inflation.

»The UN's Food and Agriculture Organisation (FAO) meeting in Rome today was called last month after a heatwave and wildfires in Russia led to a draconian wheat export ban and food riots broke out in Mozambique, killing 13 people. But UN experts heard that pension and hedge funds, sovereign wealth funds and large banks who speculate on commodity markets may also be responsible for inflation in food prices being seen across all continents…

C’est un bon symbole que la réunion d’urgence sur la possible pénurie alimentaire se tienne à Rome. Cela rappelle effectivement le “Club de Rome”, créé en 1968 et qui rendit en 1972 un rapport fameux sur la “décroissance”, objet du débat lyonnais constituant l’autre nouvelle présentée en introduction. Mais nous voulons nous détacher de la sphère économique, résolument, pour présenter d’abord la perspective “historique proche” de la situation actuelle, – qui rend compte d’un sentiment urgent de la perception de notre finitude, de la finitude catastrophique et eschatologique du système.

Notre souci en cette circonstance est d’offrir une autre “perspective historique proche” de la crise que celle à laquelle l'on se réfère en général (nous-mêmes, d’ailleurs) ; les deux sont valables mais concernent deux domaines différents et la seconde, celle que nous développons ici, est rarement documentée, sinon même mentionnée. En général, on offre l’effondrement de l’URSS comme borne d'ouverture de la période actuelle, laquelle est marquée dans tous les cas et d'une façon inattendue par rapport aux origines par la réalisation en cours désormais, très puissante et très rapide, de la finitude de notre système. Nous voudrions donner une autre perspective, qui n’est pas antagoniste mais complémentaire (les deux s’additionnant), et qui, de notre point de vue, déclenche spécifiquement et précisément le processus psychologique qui nous amène à la situation présente, où la prise de conscience de la crise de notre finitude est très rapide… La prise de conscience actuelle, en dehors des processus officiels chaotiques vis-à-vis de la crise de l’environnement qui ne montrent que l'impuissance des directions politiques, est très rapide, justement parce que la préparation psychologique a été intense quoique souterraine depuis 1973. Comme on voit, 1973 c’est presque 1972 et le Club de Rome ; mais la chose, si elle a une proximité significative, est psychologiquement très différente, en ampleur et en contenu.

Nous nous rappelons cette anecdote professionnelle comme un fait marquant, – information et symbole à la fois, – marquant l’ouverture de cette perspective historique. Il s’agissait d’un reportage photographique de United Press International d’avril 1973 montrant des unités du Marine Corps s’entraînant, dans le désert du Mojave, aux USA, aux conditions de “la guerre dans le désert”. Les manœuvres étaient explicitement décrites comme entraînant ces troupes à la possibilité d’une intervention armée, non pas dans un cadre politique et stratégique pur, mais dans un cadre stratégique élargie où des considérations économiques de survie de notre système jouaient un rôle majeur. Il s’agissait de l’hypothèse d’une intervention au Moyen-Orient pour protéger ou investir des champs pétroliers menacés d’une façon ou l’autre, y compris par un embargo institué par les producteurs de pétrole, pour assurer la protection et la sauvegarde des économies occidentales basées sur la consommation de pétrole. C’était l’époque ou l’OPEP, avec les deux grands acteurs qu’étaient l’Iran du Shah et l’Arabie Saoudite, – l’un, force contestatrice réclamant l’augmentation du prix du pétrole, l’autre, force conservatrice habituellement opposée à cette tendance mais cette fois beaucoup plus nuancée, – laissait envisager effectivement la possibilité d’un embargo pétrolier, avec le facteur politique supplémentaire de forcer les USA à intervenir plus en faveur des Arabes dans le conflit latent entre Israël et les pays arabes.

Effectivement, les événements se précipitèrent, avec des manipulations diverses, dont celles de Kissinger aux USA favorisant en sous-main en embargo qu’il dénonçait officiellement (cela permettait aux USA de renforcer leurs liens avec l’Arabie et l’Iran à la fois, et leur approvisionnement en pétrole par le fait d’une part, à forcer les Européens à s’aligner sur les USA dans une position commune sur l’énergie que les USA dicteraient, d’autre part). Début octobre 1973 eut lieu “la guerre d’Octobre”, entre l’Egypte et la Syrie d’une part, Israël d’autre part. Les USA y tinrent un rôle ambigu et le bruit courut que Kissinger avait encouragé l’Egypte à attaquer pour débloquer la situation politique dans la région. Là-dessus, l’OPEP institua un embargo pétrolier pour renforcer la partie arabe, – ce qui permit à Kissinger de développer sa tactique de pression sur Israël, avec comme conséquence les accords, après la guerre, avec l’Egypte et la Syrie, puis, selon cette dynamique, l’initiative Sadate de 1977 et le traité de paix Israël-Egypte de 1979.

Cette crise-là d’octobre 1973, avec d’ailleurs une culmination dramatique le 25 octobre 1973 et la mise en alerte globale des forces armées US à la suite de l’annonce de la possibilité d’une intervention russe pour éviter l’anéantissement de la IIIème Armée égyptienne par Israël malgré le cessez-le-feu de l’ONU, cette crise s’avéra complètement différente de ce qui avait précédé. Contrairement aux précédents conflits israélo-arabes, c’était une crise globale avec une dimension systémique à cause de l’embargo qui menaçait le fonctionnement de l’économie mondiale (même en 1956 avec l’affaire de Suez, le cas de l’embargo contre la France et le Royaume-Uni constitua un aspect complémentaire et limité du cas politique). Pour la première fois une crise aux dimensions globale n’était pas limitée aux seules deux superpuissances.

Ainsi pouvait-on juger qu’il s’agissait d’une époque nouvelle, et on le perçut immédiatement, dans notre vie courante. L’embargo eut des conséquences immédiates, quotidiennes, avec les “dimanches sans voiture” en Europe, des programmes d’économie d’énergie lancés, des changements d’heure été-hiver, etc. Pour la première fois, une crise mondiale n’était pas perçue en termes d’anéantissement réciproque (guerre nucléaire stratégique) qui, à cause de son extrémisme prospectif, semblait assez irréelle et abstraite même si son poids sur la psychologie était énorme. Notre souvenir des événements est bien qu’il s’agit d’un immense événement de déstabilisation ; pour la première fois, l’on sentit que les deux superpuissances et le diktat de la dissuasion nucléaire ne suffisaient plus à maintenir le contrôle de la situation internationale, à nous maintenir dans les bornes de la raison contrainte mais toujours arrogante, elle-même dans les bornes du système du technologisme et de l’apparat du système de la communication… En termes psychologiques (beaucoup plus fortement qu’en termes stratégiques), la guerre de haute intensité dont la référence est la dimension mondiale était redevenue possible, et, avec elle, la déstabilisation d’une situation jusqu’alors contrôlée que la perspective impliquait. La perspective concernait bien la mise en cause de notre système général.

Ce qui suivit, selon ce point de vue de la séquence, fut effectivement une déstabilisation politique immédiate, et dans divers domaines, comme si cette déstabilisation concernait la marche générale des événements et non la seule question du Moyen-Orient et du pétrole. C’était le fait général de la “déstabilisation” qui nous frappait. Les troubles furent considérables dans de nombreux domaines et de nombreuses régions. Il y eut une offensive de déstabilisation en Europe d’un terrorisme provocateur, manipulée massivement à partir de cette époque par les USA avec le relais des “réseaux Gladio” et l’utilisation manipulatrice des groupes d’extrême gauche (jusqu’au paroxysme de l’affaire Moro en Italie en 1978, de la vague de terrorisme des “tueurs du Brabant” en Belgique en 1983-1985, – autant de manipulations déstabilisatrices). La situation aux USA fut également chaotique, avec le Watergate et la “crise de régime” aboutissant à la démission de Nixon (1974), la catastrophe vietnamienne (1975), la crise de la CIA (1975), jusqu’à une seconde crise pétrolière avec la chute du Shah (1978) et l’affaire des “otages de Téhéran” (1979-1980). Il y eut des événements locaux participant de cette même dynamique (la “révolution des oeillets” au Portugal, en 1974). Un activisme extérieur soviétique à partir de 1975, jusqu’à la guerre en Afghanistan (1980), parachève ce tableau de la déstabilisation commencée en 1973. La présidence Reagan ne fut nullement ce renouveau qu’on aurait pu penser stabilisateur que nous décrit la narrative officielle. Au niveau intérieur, cette administration conduisit l’intégration de l’ultralibéralisme extrême par la dérégulation et la privatisation, libérant des forces économiques et financières dévastatrices qui mirent en place le cadre des crises actuelles. D’une façon plus générale, la psychologie “décliniste” (symbolisée par le livre de Paul Kennedy – Naissance et Déclin des Grandes Puissances, en 1987) domina la période aux USA.

Un autre signe capital du changement intervenu en 1973 fut sans aucun doute la “banalisation” du conflit nucléaire, ce qui impliquait l’échec psychologique de la dissuasion. A partir de 1980-81, des mouvements anti-nucléaires très puissants, d’abord aux USA, puis en Europe de l’Ouest et même en Europe de l’Est, crédibilisaient la perception de la possibilité d’une guerre nucléaire livrée comme une guerre conventionnelle. Ce n’était plus la “terreur nucléaire”, c’est-à-dire une sensation d’impuissance théorique face à la possibilité d’un conflit nucléaire perçu comme la fin de l’espèce mais contenu par l'arrangement de la dissuasion, mais l’angoisse activiste devant la possibilité bien réelle d’un conflit nucléaire engendrant des dégâts évidemment colossaux. La terreur religieuse et eschatologique, mais théorique, de l’“impensable” avait été remplacée par l’angoisse de la possibilité du conflit. Même Reagan fut sensible à cela, qui montra de la sympathie pour les mouvements anti-nucléaires et suivit une attitude très ambiguë dans ce domaine, qui fit une bonne part de son entente avec Gorbatchev.

Effectivement, en novembre 1983, on se retrouva proche d’un conflit nucléaire, non pas à la suite d’une crise spécifique mais à cause d’un enchaînement psychologique lié à des événements “collatéraux” (destruction du Boeing 747 de la Korean Air Lines le 31 août 1983, déploiement des premiers missiles balistiques US Pershing II et missiles de croisière Glicoms en novembre 1983 en Allemagne et au Royaume-Uni). Cet épisode extraordinairement déstabilisant, loin de marquer l’antagonisme Est-Ouest comme le fait penser la narrative type-neocon classique, prépara au contraire le climat nouveau qui s’installa à partir de 1985, avec l’idée qu’il fallait à tout prix tenter de reprendre le contrôle de l’antagonisme nucléaire, éventuellement par des accords USA-URSS. (On aurait effectivement l’accord sur l’élimination des armes nucléaires de théâtre entre les USA et l’URSS en décembre 1987.)

…Enfin, bien entendu, il y eut le destin de l’URSS avec Gorbatchev, l’aventure épique que tout le monde connaît, galopant à partir de mars 1985 et l’arrivée à la tête du PC de l’URSS de Gorbatchev, jusqu’à l’effondrement de l’URSS. Selon le point de vue de cette autre interprétation historique que nous proposons, on placerait plutôt cet événement dans le contexte de la déstabilisation constante depuis 1973, notamment et essentiellement de la psychologie, plutôt que dans la logique linéaire et manichéenne de la Guerre froide depuis l’origine. Là, également, des événements impossibles et “impensables” dans les années de la “première Guerre froide” (1948-1962) et durant la “détente” comme on la concevait à partir de la bipolarité nucléaire, se poursuivirent à un rythme extraordinaire dans l’empire soviétique, jusqu’à son effondrement.

Les deux événements de 1989

D’une façon assez révélatrice, toujours selon cette démarche de l’analyse, la résurgence de la possibilité de la guerre dans ces années-là ne conduisit nullement à la seule peur de la guerre, une crainte d’une nouvelle Guerre mondiale si vous voulez, mais à une “peur” nouvelle qui serait plutôt définie comme une angoisse générale concernant le système lui-même, sa viabilité et sa pertinence et, d’une façon générale, le destin même de cette civilisation née selon notre approche du “déchaînement de la matière” et correspondant à l’“idéal de puissance” identifié par Guglielmo Ferrero. L’effet de ces événements s’avéra plus grand dans le domaine psychologique que dans le domaine stratégique (géopolitique), comme on devrait commencer à s’en apercevoir. Deux événements contradictoires, la même année 1989, marquent cette différence et la dualité de perception qui affecta notre jugement, tandis que le facteur psychologique évoluait de son côté selon deux orientations différentes.

• En avril 1989 se tint au Brésil un sommet mondial, avec la présence des chefs d’Etat et de gouvernement, sur la crise de l’environnement et la crise climatique. Ce sommet fut une réussite, marquant une très forte prise de conscience de la gravité de la crise, avec le sentiment d’une situation générale en cours de déstabilisation, et même de déstructuration. Même les dirigeants anglo-saxons (Thatcher et Bush-père) partageaient haut et fort cette crainte, avec une Thatcher qui se montra particulièrement alarmiste. On aura un écho de ce “climat” général dans deux textes que nous publiâmes à l’époque (automne 1988), et qu’on retrouve sur ce site, mis en ligne le 5 mars 2004. On voit que même le Pentagone était sensible à ce problème de la déstabilisation générale due aux conditions potentiellement eschatologiques de la crise de l’environnement, avec notamment la doctrine Discriminate Deterrence.

• …Mais Dicriminate Deterrence et le reste firent long feu, et aussi l’esprit de cette période, le courant psychologique qu’on identifie ici. La chute du Mur, le 9 novembre 1989, changea tout cela. La psychologie manichéenne et engendrée par le système, type-Guerre froide, profita de ce formidable événement pour reprendre sa place (la première, sinon l’exclusive), en renversant complètement la proposition précédente et en le proclamant dans une formidable offensive réflexe du système de la communication sur l’air des lampions, – “On-a-ga-gné”, “la Fin de l’Histoire”, le triomphe du capitalisme bientôt transformé en hyperlibéralisme-turbo. Tout ce qui était fondamentalement la cause de cette crise générale de déstabilisation/déstructuration entretenant les alarmes depuis 1973 pour culminer à l’automne 1988-printemps 1989, devint brusquement la recette sublime d’un monde meilleur où le capitalisme vertueux l’avait emporté sur le communisme maléfique.

C’est évidemment ce deuxième courant psychologique qui assura son empire sur la période qui suivit, les années de la décade 1990. Son imposture se manifesta avec la guerre du Golfe ou le triomphe des armes capitalistes, le saccage de l’URSS devenue Russie par le même capitalisme, le triomphalisme de l’“hyperpuissance” US à partir de 1995, etc. Dans cette séquence, l’attaque du 11 septembre 2001 ne pouvait apparaître effectivement que comme le prétexte, éventuellement arrangé aux petits oignons, d’une poussée ultime, globalisée et universelle, de la doctrine de “l’idéal de puissance”, via le Pentagone et la déstructuration engendrée par sa “guerre sans fin”, avec l’hyperlibéralisme dans ses bagages, à installer dans les espaces extérieurs ainsi domptés… Comme l’on sait, les événements ne s’accordèrent pas au scénario. Le reflux commença en 2004, pour prendre une toute nouvelle direction en 2006, puis avec la crise de septembre 2008 et tout ce qui suit jusqu’à nous.

Ainsi peut-on observer que ce qui revient aujourd’hui, au pas de charge, c’est cette psychologie étouffée au cours de l’année 1989, notamment avec les événements mentionnés en tête de ce texte après les grandes catastrophes climatiques de l’été 2010. La force de la dynamique et la prise de conscience de la dimension eschatologique des événements s’affirment à une très grande vitesse, désormais aussi rapide que les effets de la crise générale de l’environnement infiniment plus rapide que prévu. La cause de cette puissance se trouve dans la description que nous avons faite, avec l’observation que le courant psychologique qui la nourrit a une solide ascendance en prenant de plus en plus le pas sur le courant psychologique de l’affrontement manichéen, idéologique et politique, d’antagonismes en général produits par le virtualisme qu’enfante le système de la communication du système général. Il s’agit par conséquent d’un affrontement psychologique titanesque, correspondant parfaitement à la perception que nous en avons nous-mêmes, mais dont l'issue nous paraît désormais réglée, notamment parce que la crise de l'environnement (la crise climatique) est un événement catastrophique et eschatologique que rien n'arrête et qui progresse à une vitesse absolument stupéfiante, démentant toutes les prévisions.

(Voir notre F&C du 20 septembre 2010 : «Nous vivons des temps exceptionnels parce que la division ne se fait plus, aujourd’hui, ni entre droite et gauche, ni entre capitalistes et anticapitalistes, ni entre Nord et Sud, ni entre américanisme et le reste, – mais de plus en plus entre ceux qui ont l’intuition et donc la conviction de la venue de cette crise de système et de civilisation, et ceux qui n’y prennent pas garde, ou l’ignorent, ou la refusent, ou la réfutent, par fatigue de la psychologie, par impuissance, par inattention, par autisme volontaire, par crainte ou par scepticisme, par référence à des “valeurs” idéologiques semblant comme autant de bouées de sauvetage.»)

En d’autres termes, nous pensons qu’il n’y a pas à s’étonner du tournant qui est train de se produire dans la conscience de la crise, qui est la conscience de notre finitude en tant que civilisation, et la conscience d’une civilisation irrémédiablement pervertie par le système auquel elle s’est offerte après l’avoir enfanté. Ce rappel “psycho-historique” nous enseigne que la psychologie qui est en train de s’installer vient de loin, qu’elle a été l’objet d’une dissimulation (“cover-up”) pendant deux décennies. Une “réalité“ chasse l’autre, avec la vertu inestimable, pour celle qui s’installe, d’être une référence à la vérité de notre situation.