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758… Oui, où est-il alors qu’il devrait être dans l’équipe Obama? C’est ce que signale, le 4 décembre, Michael Hirsh, sur son site de Newsweek. Car Hirsh assure tenir de source sûre que Stiglitz aurait dû être contacté par l’équipe Obama pour monter à bord, qu’il ne l’a pas été, et qu’on se perd en conjectures à ce propos… (Ou bien, au contraire, on a compris.)
«This is not speculation. A source close to Stiglitz told me Thursday that the Columbia University economist has been left out in the cold, even though he was expecting at least an offer. (Stiglitz, traveling in Brazil, could not be reached.) Especially since Stiglitz supported Obama long before most of the others named to his cabinet (at a time when Summers was a key advisor to Hillary Clinton). “Who knows why? Obama has been choosing center-right people,” said the source, an associate of Stiglitz's who would speak only on condition of anonymity. She went on to say that Stiglitz's long-time enmity with Summers—whose ideas, Obama said last week, “will be the foundation of all my economic policies”—may be a factor. “Larry's had it in for Joe for decades,” she said.
Michael Hirsh nous fait ensuite une description de la carrière de Stiglitz, de certaines de ses réflexions, de ses prévisions et ainsi de suite. Le Prix Nobel d'économie 2001 a fait
»Keynes is dead, but we still have Joe Stiglitz. And so the question is: what is he doing in New York? Sure, I know the rap on Stiglitz: while he's personally a gentleman, he's too often “off the reservation,” won't stay on the message, and doesn't play well with others—especially Summers. (Summers is said to have pressured former World Bank president Jim Wolfensohn to fire Stiglitz in the '90s; he left under pressure in late 1999.) Unquestionably, Stiglitz has occasionally gone overboard in his criticisms, such as when he suggested, outrageously, that the eminent economist Stanley Fischer—a former senior IMF official who taught both Summers and Fed Chairman Ben Bernanke at MIT—had pushed for capital-markets liberalization in the '90s so he could secure a fat job at Citigroup afterwards. But Obama has made a point of declaring that he wants dissonant voices in his administration. So why not Joe Stiglitz?»
Ce n’est pas la première fois que le nom de Stiglitz est mentionné pour l’équipe économique d’Obama. Aujourd’hui, ce même Stiglitz est nécessairement associé à une politique économique réformiste, voire de rupture, par rapport à l’orthodoxie des Summers et autres. Que l’on ait songé à lui pour une place dans l’équipe Obama, qu’il n’y soit pas finalement alors que la crise s’aggrave très vite et demande des mesures décisives, indiquent certainement une période d’hésitation chez Obama et un choix plutôt contraint par la prudence, sinon par la peur de ce qui pourrait paraître aux conformistes du système de l’aventurisme. C’est un peu l’explication que suggère Steve Fraser, sur TomDispatch le 1er décembre: «...Obama seems overcome with inhibitions and fears.»
C’est une indication intéressante sur les conditions de formation de l’administration Obama. La chose nous est présentée comme une opération magistrale, menée avec sang-froid et calme, avec la rapidité que requiert la situation. A la lumière de cet événement (hésitation autour de Stiglitz) et d’autres, nous serions tentés de nuancer largement ce jugement. Nous avons déjà avancé l’idée que la rapidité d’Obama à prendre les affaires en main après son élection est moins le produit de sa volonté froide et bien contrôlée, que de la pression des circonstances. Qu’il y ait eu des hésitations pour constituer son équipe économique, soit sous la direction incontestée de Summers, éventuellement sous une certaine influence de Stiglitz si Stiglitz avait été (était?) choisi, montre qu’Obama est beaucoup moins sûr qu’il ne paraît. En effet, il ne s’agit évidemment pas d’une simple question de personnes mais d’orientations fondamentales qui peuvent différer grandement.
Pour l’économie dans ce cas mais sans doute aussi pour d’autres domaines essentiels, Obama n’apparaît nullement comme un homme avec un “dessein”, un “projet”. Les commentateurs nomment cela (l'absence de dessein) du “pragmatisme” ou du “réalisme”, ce qui est bien mal connaître le sens des mots. Nous parlerions plutôt d'une absence de culture politique profonde, d’ailleurs représentative de ce que nous désignons comme les “hommes politiques postmodernes” dont, par exemple, Sarkozy fait également partie. (En contrepartie de cette absence de conviction politique, ce type d’homme politique montre souvent des qualités d’action, de maîtrise de la communication, voire de charisme et du sens de la popularité.) Les choix d’Obama ne sont nullement une attention portée à la réalité, comme désignent les mots de “pragmatisme” et du “réalisme”, mais au contraire une ignorance avérée, peut-être involontaire, de la réalité, justement par inculture politique, puisque la réalité nous montre la catastrophe que la politique des hommes qu’il a nommés a engendrée.
On peut alors penser, eu égard aux qualités d’Obama, son goût de l’action et son sens de la communication et de la popularité, qu’il pourrait rapidement se trouver face à des dilemmes nécessitant d'autres décisions concernant son équipe, avec la crise qui le presse et s’aggrave, et les réactions populaires qui vont suivre. Il n’est nullement assuré que l’équipe économique qui a été nommée sera celle qu’on retrouvera à la fin de ce mandat de quatre ans de l’administration Obama.
Mis en ligne le 6 décembre 2008 à 11H41