Peindre le “meilleur des mondes” à l’intention de Washington D.C.

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Il s’avère que l’administration GW Bush, dont on sait qu’elle fonctionnait sur le mode “faith-based” (défini par Ron Suskind), équivalent en plus chic de notre virtualisme, avait obtenu l’ardente coopération des services diplomatiques des Etats-Unis. Et la pratique, bien entendu, continue. C’est le thème d’un excellent et exclusif article du Washington Times sur la pratique en question, en date du 16 septembre 2009.

L’article montre, à partir de diverses interviews, confidences, etc., combien cette pratique s’est généralisée, comme pratique d’“autocensure” pour conformer les nouvelles aux convictions et croyances diverses du “centre”, à Washington. Il s’agit aussi bien d’une démarche du conformisme des psychologies que d’un souci de préserver ses chances de progresser dans la hiérarchie, de la part de ceux qui sacrifient à ces pratiques.

«U.S. embassies are discouraging or suppressing negative reports to Washington about U.S. allies, sometimes depriving officials of information they need to make good policy decisions, current and former diplomats say.

»One diplomat told The Washington Times that he has decided to resign in part because of frustration with “rampant self-censorship” by Foreign Service officers and their superiors that has gone so far as to ban “bad news” cables from countries that are friendly with the United States.

»The diplomat, who asked that his name not be used for fear of retribution against himself and colleagues, said that, in one instance under the George W. Bush administration, an embassy in the Middle East did not report local government interference in elections. Senior management censored accounts of low morale at another Middle East mission that had been the target of terrorist attacks, he said.

»More than a dozen diplomats serving in Washington and abroad told The Times that they agreed with most of the officer's critique, and that the censorship has continued to a lesser extent in the Obama administration. All asked not to be named to avoid retribution.»

Divers moyens ou canaux avaient été et ont été établis pour lutter contre cette tendance et encourager les vues critiques et dissidentes parmi le corps diplomatiques. Force est de constater que les messages sont caviardés et que les services sont “moribonds”…

«The resigning officer said that, during one of his tours, his ambassador, a political appointee of President Bush, “flat out banned any ‘bad-news’ cables, and made it known at all levels that we were only to produce 'good-news stories' about our [host] country,” a U.S. ally. The officer said he had written “several cables critical of senior leaders” in his host country and about “interference by the government in the electoral process,” but many of them “were either quashed or radically altered.” On the other hand, he said, negative cables are common regarding countries with strained relations with Washington, such as Burma, Zimbabwe and Venezuela.

»Susan Johnson, president of the American Foreign Service Association (AFSA), the diplomats union, pointed out that the State Department has a dissent channel, through which officers can express disagreements with policy or other issues. However, there seems to be a widespread perception in the Foreign Service that the channel is almost “moribund,” she said.»

Il est certain que cette tendance à peindre la situation extérieure conformément à la vision des autorités centrales a toujours plus ou moins existé. Nous avons le souvenir, du temps où Le Monde avait encore quelque autorité, avant le 11 septembre 2001, de l’exemple qu’on nous avait donné d’un jeune diplomate français à l’OTAN qui n’écrivait aucune de ses dépêches pour Paris sans avoir lu Le Monde du jour, pour s’en inspirer au moins dans l’esprit… A côté de cela, bien entendu, ce que décrit le Washington Times est d’une toute autre substance, parce que reflet d’une tendance générale et proche d’être systématique. Il s’agit d’un mouvement général, répondant aussi bien à des exigences dissimulées qu’à des psychologies, celle du caractère américaniste, particulièrement formées à l'alignement sur les perceptions officielles. Le phénomène a déjà été signalé au niveau militaire, où la pratique des bonnes nouvelles des guerres en cours, qui favorisent l’avancement en général, est très largement répandue. Mais que le phénomène touche les services diplomatiques US, réputés pour leur puissance, leur autonomie de vue, leur intérêt objectif pour les sujets les plus vastes, surtout dans les postes à l’étranger, voilà qui est une nouvelle bien inquiétante pour le système de l’américanisme. Cela l’est d’autant plus que cela touche une psychologie générale largement auto-suffisante et inclinée à voir le monde à partir des seules conceptions américanistes, et à l’image des conceptions américanistes. Il nous paraît évident qu’il faut faire de ce que nous disent ces révélations une des causes majeures de nombre d’avatars, d’erreurs d’évaluation, de décisions contre-productives, et, en général, la cause d’une rupture de perception formidable entre la direction du système de l’américanisme et le reste du monde.


Mis en ligne le 16 septembre 2009 à 14H29