Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
20375 juillet 2015 – C’est un vrai, un excellent article, plein d’une nostalgie teintée d’amertume, de désenchantement sans véritable rancune, de conviction d’une époque de la fin des Temps qu’il faut affronter avec une sorte de fatalisme qui n’est pas exempt d’une lucidité courageuse, – qu’on se plairait, malgré tout cela, malgré ce poids terrible, à croire féconde... Et tout cela, fait rarissime, de la plume d’un Américain, chroniqueur certes semi-“dissident” mais de si bonne réputation qu’on l’accepta parfois à la marge du Système et que le Système put paraître regretter de ne pouvoir l’engager sous son aile, malgré l’incompatibilité qui rend vain et même obscène et déplacé un tel désir. (Sur TomGram le 2 juillet 2015, sous les titres de Engelhardt, What Happened to War? – The Superpower Conundrum, The Rise and Fall of Just About Everything.)
Tom Engelhardt parle du déclin et de la chute des USA, cette formation fédérale avec comme ambition de se détacher du monde perverti dominé par l’Europe, et qui s'est transformée en une “énigme” (Conendrum) en devenant dominatrice faussaire d'un soi-disant “empire” et imposteuse de son rôle, cette énorme ‘hyperpuissance’ de papier mâché et remâché qui enseigne au monde la corruption, la perversion et l’inversion. Mais il nous dit aussi, Engelhardt, et fort justement, que le déclin et la chute des USA ne se font pas comme l’histoire nous a accoutumé à voir de la chute d’un Empire, – disant ainsi que l’Amérique n’est pas “empire” au sens historique du mot, – et qu’ainsi, c’est l’Histoire qui est entrée en jeu, – c’est-à-dire la métahistoire, – et que c’est la fin des USA mais aussi la fin d’à peu près tout le reste, l’ensemble formant une civilisation qui est devenue le côté sinistre et sombre d’elle-même, invertie, véritable contre-civilisation.
Engelhardt se souvient avec nostalgie des années 1950, avec ses parents qui avaient affronté l’affreuse Grande Dépression et qui voyaient avec bonheur la Grande République s’en remettre, se relever, et s’affirmer comme le “modèle” du monde nouveau, – le monde nouveau enfanté par le Nouveau-Monde. L’Amérique d’alors, industrieuse, bâtissant usines et infrastructures, fournissant à chacun l’American Dream clef-en-mains avec les maisons individuelles mais strictement standardisées. Engelhardt n’exerce pas sa verve critique à ce point, bien qu’il le devrait parce que ce “renouveau”-là, post-Grande Dépression, n’était qu’une étape de plus sur cette même voie à l’extrême de laquelle nous nous trouvions, un simulacre de plus. Il est tout à sa nostalgie de ses jeunes années et de l’ardeur de sa famille... Cela se conçoit et désarme la critique du lecteur informé.
«Take a slow train – that is, any train – anywhere in America, as I did recently in the northeast, and then take a high-speed train anywhere else on Earth, as I also did recently, and it’s not hard to imagine the U.S. in decline. The greatest power in history, the “unipolar power,” can’t build a single mile of high-speed rail? Really? And its Congress is now mired in an argument about whether funds can even be raised to keep America’s highways more or less pothole-free.
»Sometimes, I imagine myself talking to my long-dead parents because I know how such things would have astonished two people who lived through the Great Depression, World War II, and a can-do post-war era in which the staggering wealth and power of this country were indisputable. What if I could tell them how the crucial infrastructure of such a still-wealthy nation -- bridges, pipelines, roads, and the like -- is now grossly underfunded, in an increasing state of disrepair, and beginning to crumble? That would definitely shock them.»
(Que diraient les parents Engelhardt s’ils lisaient la nouvelle que les USA sont devenus un pays que nombre d’Américains sont prêts à quitter, selon le développement que ne manque pas de faire Sputnik.News le 1er juillet 2015 : «TransferWise, a UK-based money transfer service, surveyed 2,090 American adults between May 15 and 19. Consisting of both native-born and foreign-born US residents, the respondents were asked about their long-term residency plans. The results reveal a surprising new finding about Americans’ attachment to their nation: namely that “Despite the BBQs and fireworks, many Americans are feeling less patriotic this Fourth of July than you might expect.” More than a third of respondents, at 35%, said they would consider leaving the US and live in a foreign country, with 14% adding that they would be open to doing so within the next five years.
»The percentages increase significantly for America’s younger generations, those between the ages of 18-34, usually identified as belonging to the so-called millennial generation. A whopping 55% of millennials said they would consider expatriation. They said that higher salaries would factor into their decision to relocate. [...] Sixty-five percent of those surveyed also noted that given the “right reasons” they would also consider expatriation. The reasons cited include better quality of life, lower cost of living, and new experiences. A whopping 85% of respondents also noted that the US needs to make itself more appealing, with the majority, at 58%, saying more affordable health care was needed. Others suggested lower taxes and improved education... [...]
»The new data correlates with the substantial increase of American expatriates in recent years. According to data from the US State Department, the number of US citizens living abroad has more than doubled in the past fifteen years, with a recorded 4.1 million expatriates in 1999 and 8.7 million this year. The number of Americans renouncing their citizenship has also seen a significant increase, though not as substantial as that of those who are choosing to expatriate. The Department of Treasury puts that number at 2,417 on 2014 — a 14% increase from 2013. An additional 1,336 renounced their citizenship in just the first quarter of 2014.»)
Mais laissons les parents disparus à la nostalgie de leur fils, en étant heureux pour eux qu’ils n’aient pas vécu ce qui se passe aujourd’hui au cœur de l’American Dream, et revenons à l’artiste du chroniqueur. Toute nostalgie bue, donc, Engelhardt enchaîne sur la question de la force militaire et des guerres, ce par quoi, principalement, Washington-Système affirme maintenir l’hégémonie complète des USA sur le monde. Engelhardt s’étonne : cette puissance sans rivale n’a effectivement pas de rival, ni même de rivaux en formation. Il expédie un peu vite la Russie et la Chine comme puissances per se mais note très justement, – selon les mots même de Poutine et des dirigeants chinois, – qu’aucune d’entre elles deux n’entend assurer une hégémonie concurrente de celle des USA. Simplement, ces deux puissances ne veulent plus supporter la prétention hégémonique mondiale des USA, repoussant d’ailleurs ce concept d’“hégémonie mondiale” puisque partisanes d’un monde multipolaire, et entendent par contre assurer une hégémonie régionale en accord avec leur niveau de puissance, pour assurer leur sécurité. En d’autres termes, la puissance militaire US n’a pas de rivale hégémonique mondiale ; et pourtant, voyez combien cette position et cette prétention conduisent à l’échec, à une sorte d’“impuissance de la puissance”, marquée par l’extraordinaire succession d’échecs des forces US depuis 9/11.
«Whatever may be happening to American power, there really are no potential rivals to shoulder the blame. Yet, uniquely unrivaled, the U.S. has proven curiously incapable of translating its unipolar power and a military that, on paper, trumps every other one on the planet into its desires. This was not the normal experience of past reigning great powers. Or put another way, whether or not the U.S. is in decline, the rise-and-fall narrative seems, half-a-millennium later, to have reached some kind of largely uncommented upon and unexamined dead end. [...] Why, in this new century, does the U.S. seem so incapable of achieving victory or transforming crucial regions into places that can at least be controlled?...»
Il y a eu, explique Engelhardt, un changement radical dans la méthodologie et la faisabilité au sens propre du mot de “la guerre”. Au fond des choses et si l’on veut s’en tenir à la puissance des armes qui est tout de même la condition de la faisabilité de la guerre, il est arrivé ceci que la puissance des armes a dépassé la possibilité d’une guerre livrée sans restriction comme elle doit l’être selon le “déchaînement de la Matière”, les guerres déstructurantes révolutionnaires, et déstructurantes/dissolvantes de la stratégie US de la guerre d’attrition par anéantissement. Dans ce cas de l’art de la guerre porté au niveau de la science d’anéantissement de la guerre, la guerre devint impossible, parce que la puissance désormais disponible signifiait l’extinction de l’espèce, la fin de toutes les guerres, l’anéantissement de tous les acteurs... «The unimaginable had happened. It turned out that there was such a thing as too much power. What in World War II came to be called “total war,” the full application of the power of a great state to the destruction of others, was no longer conceivable. The Cold War gained its name for a reason. A hot war between the U.S. and the USSR could not be fought, nor could another global war, a reality driven home by the Cuban missile crisis. Their power could only be expressed “in the shadows” or in localized conflicts on the “peripheries.” Power now found itself unexpectedly bound hand and foot.»
Cette impasse pouvait être gérée à deux (URSS et USA) parce que cette responsabilité partagée engageait la nécessité d’une approche rationnelle du problème par le seul fait d’un équilibre, d’une “complexité objective” à établir entre les deux. Lorsque l’URSS disparut, les USA se trouvèrent seuls tributaires de cette responsabilité, qu’ils évacuèrent aussitôt, – leur exceptionnalisme et l’inculpabilité de leur psychologie les en dispensent. Autrement dit, il n’y eut plus de responsabilité pour cette situation de puissance dépassant la possibilité d’une guerre, alors que par ailleurs les USA, justement assurés de cette “puissance” dont ils ne distinguaient plus la paradoxale impuissance où elles les mettaient, se lancèrent dans une série ininterrompue d’actions agressives et bellicistes ouvertes où ils ne connurent que l’échec. Certes “la puissance militaire US n’a[vait] pas de rivale hégémonique mondiale”, s’enorgueillissaient-ils, mais simplement parce que personne ne veut de cette hégémonie mondiale impliquant une responsabilité insoluble d’une “puissance produisant de l’impuissance”.
Le Pentagone, avec les amis du complexe militaro-industriel, avaient leurs réponses : le technologisme, la course aux technologies avancées, qui promettaient un peu moins de puissance pour bien plus de précision, d’identification, de frappes chirurgicales, – etc., autant d’expressions qu’il y a de ces wonder weapons. Les USA n’ont jamais vraiment brillé dans l’ambition d’une diminution contrôlée de la puissance pour ajuster les moyens aux buts. L’opération du technologisme avancé ajusté à la nécessité d’une moindre puissance tout en conservant l’hégémonie de la puissance s’est avérée absolument catastrophique, notamment au niveau de la tâche impériale de rallier “les cœurs et les esprits” de ceux que l’on soumet, pour en faire des vassaux consentants et actifs, et bientôt des collaborateurs dans le bon sens du mot jusqu’à devenir de véritables “citoyens impériaux”. (Ce qui fit le génie de Rome dans l’administration de son immense empire fut l’extension progressive de la citoyenneté romaine devenant ainsi “citoyenneté impériale”, peu à peu dans les conquêtes successives, jusqu’à l’accorder universellement à tous les citoyens libres de l’Empire, – édit de l’empereur Caracalla, en 212. Seul l’activisme chrétien, pénétrant l’Empire comme font les termites, en l'investissant à son avantage, affaiblit cet ensemble si bien structuré jusqu’à ce que l'antique et glorieuse Rome succombât d'elle-même devant les poussées des “barbares”... C’est, dans tous les cas, entre les diverses thèses sur l’énigme de la chute de l’empire romain, celle qui nous convient le mieux par rapport à notre rangement des choses.)
Avec l’exemple des drones, Engelhardt démontre aisément l’échec de cette tentative qui produit l’effet inverse à celui qu’on recherche : l’Empire est sans cesse sur la défensive agressive face aux territoires qu’il domine pourtant de toute sa puissance, toujours en armes pour réprimer ce qui doit l’être et ce qui devra sans doute l’être à tout hasard, infectant ses pays sous influence de ses pratiques culturelles à sens unique, de ses paranoïas, de ses obsessions, de ses frustrations sans fin et de son hybris par-dessus tout, rejetant ce que les vassaux pourraient lui apporter, – et bombardant, bombardant et encore bombardant, – toutes ces bombes chargées d’hybris en même temps que de phosphore, napalm et autres gâteries... Bref, une caricature invertie d’Empire, un anti-Empire ; et le drone, finalement à son image : s’il est système de précision pour tuer, il produit l’effet inverse à celui qu’on en entend par l’inversion exceptionnellement précise de ses effets psychologiques.
«The drone, one of those precision weapons, is a striking example. Despite its penchant for producing “collateral damage,” it is not a World War II-style weapon of indiscriminate slaughter. It has, in fact, been used relatively effectively to play whack-a-mole with the leadership of terrorist groups, killing off one leader or lieutenant after another. And yet all of the movements it has been directed against have only proliferated, gaining strength (and brutality) in these same years. It has, in other words, proven an effective weapon of bloodlust and revenge, but not of policy. If war is, in fact, politics by other means (as Carl von Clausewitz claimed), revenge is not. No one should then be surprised that the drone has produced not an effective war on terror, but a war that seems to promote terror.»
En face de ce travail intelligent et détaillé de Engelhardt sur l’échec pseudo-paradoxal de la “puissante impuissante” des USA s’impose comme une sorte de caricature ou de satire invertie, à quelques heures de publication de son article et sans qu’il en soit informé bien entendu, le document sur la stratégie-2015 du Pentagone, le précédent datant de 2011. Ce document est risible, loufoque, d’une bassesse de jugement inimaginable, incroyables, document prétendant à la stratégie universelle d’un “empire” basé sur des narrative effrayantes d’obligations déterministes et mille fois démontrées dans leur complète fausseté (l’“attaque” russe de l’Ukraine, cet énorme bobard comme un cadavre empaillé dans leur armoire qu’il faut pourtant respecter par déterminisme-narrativiste) ; ou sur des montages des USA qui ont évidemment échappé aux USA (Daesh, dont le destin depuis sa naissance est largement détaillé par les documents de la DIA déclassifiés récemment, destin fabriqué par les USA de bout en bout, comme pour mieux pouvoir lui glisser des mains). La décrépitude grotesque de la pensée militaire aux USA est sans doute le plus grand échec parmi ceux que déplore Engelhardt, pour autant de raisons qu’on veut et aussi, il faut le souligner, à cause de la fatigue qu’il procure aux pauvres experts-Système qui sont plus que jamais obligés de faire une appréciation sérieuse de cette chose, de la considérer comme “pour-du-vrai”, comme on disait, nous souvient-il, dans une cour de récréation du temps d’avant la postmodernité des banlieues et le mélange intime de la théorie des genres.
Prenons la peine d’accorder tout de même quelque place à la nouvelle, telle que donnée par RT-français à cause de l’intérêt qu’elle éveille chez les Russes, le 2 juillet 2015... «Le Pentagone a placé la Russie au niveau de l’Etat Islamique dans son nouveau document de Stratégie militaire nationale où Washington a énuméré les plus grandes menaces à la sécurité internationale. [...] Le document indique que les Etats-Unis peuvent recourir à la force non seulement pour protéger leurs propres intérêts, mais aussi pour contrer ceux qui lancent un défi au droit international. Selon le Pentagone, ces derniers sont “des États révisionnistes” tels que la Russie, l’Iran, la Chine, la Corée du Nord et les organisations extrémistes, telles que l’Etat Islamique. [...}
»... Le Pentagone accuse aussi la Russie de “ne pas respecter pas la souveraineté de ses voisins”. “Les militaires russes minent la sécurité régionale”, affirme le ministère américain de la Défense. [...] Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis mettent au même niveau la Russie et les terroristes. Ainsi, en septembre dernier, le président américain Barack Obama a déclaré devant l'Assemblée générale de l'Onu : “L'agression russe en Europe rappelle une époque où les grandes nations piétinaient les petites pour poursuivre des ambitions territoriales. La brutalité des terroristes en Syrie et en Irak nous force à regarder au cœur des ténèbres”.»
Le sérieux du document “stratégique” est en effet authentifié par les confidences de John Kerry à Sergueï Lavrov dont nous avons rapporté quelques péripéties. Voici donc ce que pensait le secrétaire d’État, par anticipation de l’automne 2014, du document à venir du Pentagone dont il ne savait évidemment rien, sur sa classification des grands ennemis stratégiques des USA que lui-même connaissait et raillait pour Lavrov... On peut suivre quelques dédales de cette affaire dérisoire, qui situe le dérisoire similaire de la susdite “pensée stratégique”, le 25 septembre 2015 à propos du discours d’Obama, le 29 octobre 2014, et surtout le 20 novembre 2014, notamment avec cet extrait :
«Parlant de ce fameux discours de l’ONU et de ce non moins fameux classement, Lavrov a expliqué aux députés [russes] qui l’auditionnaient qu’il avait demandé des explications à Kerry, le secrétaire d’État, lors d’une de leurs rencontres récentes : “qu’est-ce c’est donc que cette affaire de mettre la Russie en deuxième menace mondiale, après Ebola et avant ISIS ?” La réponse de Kerry fut, selon Lavrov, du type “aucune importance”, ou bien “n’en tenez aucun compte”, ou bien “ce truc n’a aucun intérêt ni aucune signification” – selon l'humeur qu’on en a. ‘Sputnik’, du 19 novembre 2014, rapporte : “[Kerry] said: ‘Don't pay any attention’”. ‘Russia Today’ (RT) du 19 novembre 2014 donne une autre traduction (en anglais) pour aboutir au même propos : “[Kerry] answered, ‘Pay it no mind’”.»
Le document Stratégie-2015 du Pentagone ? «Don’t pay any attention», «Pay it no mind’”»... Il existe une disparité si extraordinaire, si grotesque entre la vérité de la situation et la torture épouvantable que le déterminisme-narrativiste fait subir à la “réalité” du monde qu’il nous semble que nous sommes dans une zone de l’activité intellectuelle où l’on est à chaque instant guetté par un point de rupture psychologique. Il est vrai, il devrait être acté et bien compris, que des personnalités de haut rang, exerçant des fonctions opérationnelles importantes, savent exactement ce qu’il en est. Si le commandant de la Direction du Renseignement Militaire (DRM) français expose, “comme en passant”, la vérité de la situation ukrainienne et de l’activité des Russes, l’on peut être assuré que la hiérarchie militaire et les divers composants et réseaux proches d’elle en sont informé et n’y voient guère d’objections à faire. Cela se sait et cela se dit, y compris dans les restaurants de Bruxelles, et cela finit par peser d’un sacré poids. Même le président-poire en perd quelques gouttes de transpiration présidentielle en cet épisode caniculaire à la gloire de l’Europe-de-Bruxelles dont on sait que le berceau n’est rien de moins que du type dit-Platon-sur-l’Acropole.
Certes, on dira que ce refus de la vérité du monde par la puissance (les USA, avec délégation du bloc BAO) qui affirme en être la porteuse et la garante à la fois n’est qu’un aspect de son destin decline-and-fall, mais nous estimons qu’il est le plus caractéristique, le plus effrayant et le plus profond. Cet aspect nous semble comme avoir un air de finalité pour le destin de l’“empire”, mais à condition de considérer que l’“empire” c’est bien plus que l’“empire“... C’est-à-dire, bien entendu, que son destin est le nôtre, irrésistible et inarrêtable, nous qui avons tant aimé ce truc de carton-mâché et de papier-pate. Cela nous ramène à notre vieux complice Engelhardt : Eh, Engelhardt, qu’en est-il du destin de la planète Terre ?
Dans son article, dans l’introduction, se trouvaient posées quelques questions d’importance ... «The rise and fall of great powers and their imperial domains has been a central fact of history for centuries. It’s been a sensible, repeatedly validated framework for thinking about the fate of the planet. So it’s hardly surprising, when faced with a country once regularly labeled the “sole superpower,” “the last superpower,” or even the global “hyperpower” and now, curiously, called nothing whatsoever, that the “decline” question should come up. Is the U.S. or isn’t it? Might it or might it not now be on the downhill side of imperial greatness?...»
Sa réponse circonstanciée se trouve, comme c’est évidemment logique, dans les derniers paragraphes, dits de conclusion : «... In these years, the destructive power of the gods has descended on humanity a second time as well – via the seemingly most peaceable of activities, the burning of fossil fuels. Climate change now promises a slow-motion version of nuclear Armageddon, increasing both the pressure on and the fragmentation of societies, while introducing a new form of destruction to our lives.
»Can I make sense of all this? Hardly. I’m just doing my best to report on the obvious: that military power no longer seems to act as it once did on Planet Earth. Under distinctly apocalyptic pressures, something seems to be breaking down, something seems to be fragmenting, and with that the familiar stories, familiar frameworks, for thinking about how our world works are losing their efficacy. Decline may be in the American future, but on a planet pushed to extremes, don’t count on it taking place within the usual tale of the rise and fall of great powers or even superpowers. Something else is happening on Planet Earth. Be prepared.»
Ainsi rejoignons-nous à la fois une thèse qui nous est chère, à la fois une conclusion que nous pourrions apporter à cette thèse telle que nous l’interprétons, confortant ainsi l’idée que nous sommes au terme d’un cycle. Il s’agit notamment, pour la facilité de nos références, de la thèse d’Arnold Toynbee sur la succession des civilisations, à laquelle nous nous référons régulièrement et que nous complétons en affirmant catégoriquement l’idée effleurée par Toynbee que notre civilisation, qui n’a plus de sens et qui aurait dû être remplacée par une autre (une nouvelle) civilisation née de son propre sens, empêche cette régénération de l’essentiel, – une civilisation se distingue d’abord par le sens qu’elle propose à la vie collective, – par la surpuissance développée par le biais du technologisme, avec la communication comme appoint, interdisant à toute autre forme de civilisation de se développer. (Voir notamment sur cette thèse du 27 juillet 2002> au 15 octobre 2013 et 14 novembre 2013.)
Bien évidemment, plus les évènements progressent, plus les thèses sur l’aspect eschatologique de la catastrophe civilisationnelle que nous sommes en train de vivre se confirment dans leur diagnostic final selon leurs diverses composants et variantes, selon leurs divers points de vue, plus secondaires deviennent ces composants, variantes et divers points de vue qui forment les explications ou tentatives d’explication du déroulement du phénomène (le “comment ?”), et plus se dessine la question fondamentale de la Cause Première de ce destin (le “pourquoi ?”). “Quelque chose est en train de se produire sur la Planète Terre”, observe justement Engelhardt, – et nous insistons sur le “en train de se produire” car c’est bien là notre thèse substantivée dans l’idée de l’effondrement du Système, – en cours, sans que ne sachions comment, et sans même qu’il soit nécessaire que nous sachions comment. Il est donc peu utile de passer de son temps avec le “comment ?” en cours pour briller dans les séminaires ou alimenter les divers fora de lecteurs, pour mieux nous immerger dans l’enquête sur le “pourquoi ?”, pour remonter vers elle par la filière de la description métahistorique des évènements et par ces filières remonter le flux du temps passé d'où vient l'enseignement du fondement des choses.
Les évènements peuvent être perçues différemment mais les psychologies sont déjà imprégnées de l’inéluctabilité de la chose. “Préparez-y vous”, complète encore Engelhardt, et nous ne voyons pas de meilleure voie intellectuelle (pour la résistance dans la communication, le choix est simple et pour notre compte, déjà fait) de nous “y préparer” qu’en abordant cette question de la Cause Première de cette catastrophe. Pour notre compte, comme le savent nos lecteurs, cette question, nous l’avons profondément à l’esprit et nous l’abordons autant que faire se peut dans le flot des évènements courants en les référant aux grandes structures cosmiques que nous jugeons distinguer dans la tradition du monde ; elle est évidemment métaphysique, de l’ordre du spirituel et avec le privilège unique de ces temps exceptionnels d’affecter directement tous les aspects du phénomène cosmique où nous figurons parce que ce phénomène est directement le cadre de notre vie présente.