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1568La candidature de Vladimir Poutine, ainsi que son régime d’une façon générale, ont connu un moment très délicat en décembre dernier. Poutine semble avoir pris la mesure du danger et s’est activé considérablement durant la campagne. Les prévisions statistiques semblent le donner vainqueur direct (selon The Independent du 24 février 2012 : «However, despite a rising protest movement in recent months, Mr Putin is expected to win with between 50 and 60 per cent of the vote.» Ces prévisions d'une victoire de Poutine au premier tour sont en général acceptées.)
Le même article de The Independent décrit le rassemblement massif, de plus de 100.000 personnes, qui a été réuni pour soutenir Poutine le 23 février. Le candidat assistait à la manifestation… Bien entendu, selon l’approche habituelle des médias-Système, dont The Independent fait sans aucun doute partie en cette occasion, cela est agrémenté d’appréciations ironiques sur des bus réquisitionnés et payés pour convoyer des manifestants, sur des employés sommés par leur direction d’y assister et ainsi de suite. Nostalgie, bien sûr, pour ces manifestations d’opposition qui paraîtraient si pures par comparaison, à moins d’ajouter quelque crédit aux rumeurs selon lesquelles elles sont massivement financées par les ONG US, elles-mêmes financées par le trésor public US, – cette sorte de rumeurs qui, dans toutes les occurrences précédentes, dans les diverses révolutions “de couleur” et autres, se sont toujours vérifiées.
«They came from Moscow, from towns nearby, and from as far away as the Ural Mountains. Tens of thousands of them marched in the snow to show support for Russia's "national leader" yesterday morning, and later over 100,000 gathered to hear the man himself speak. In a robust show of strength that was designed to prove that it is not just the newly-formed opposition that can rally the masses, Vladimir Putin addressed his supporters yesterday at the Luzhniki Stadium, 10 days before presidential elections.
»Most of the seats in the 80,000 capacity stadium were full, and thousands swarmed on the football pitch itself, which had been covered with plywood boards. After some warm-up acts – patriotic crooners, tough coal miners, and a war hero pilot – the man himself appeared. On Tuesday, Cristiano Ronaldo had taken to the pitch to play a Champions League tie for Real Madrid against CSKA Moscow. Mr Putin was not to be outdone. In a beige sweater and black overcoat, he bounded along the walkway like a fighter coming out to the ring, giving thumbs-up signs along the way and shaking hands with a few admirers. Arriving at a podium near the centre circle, he launched into a passionate 10-minute speech in which the major themes of his political agenda were crystallised.
»“We're here to say that we love Russia, and say it so that the whole country hears us!" As snow fell from a slate-grey sky Mr Putin, who has been Prime Minister for the past four years but now wants to return to the presidency, insisted that he was the only man who could guarantee Russia stability and see off threats from nefarious foreign powers. “We ask everyone not to look abroad, not to run to the other side and not to betray your motherland,” said Mr Putin. “We won't allow anyone to meddle in our affairs or impose their will upon us, because we have a will of our own.”»
Il semblerait donc que Poutine a réussi à tenir à distance et à prendre le dessus sur les tentatives de déstabilisation désormais classiques des organisations frontistes de l’américanisme. On a remarqué dans l’extrait ci-dessus combien il parlait de la nation, de la sécurité nationale, d’une Russie forte, etc. Ce thème patriotique face aux dangers extérieurs est effectivement devenu le thème central de son discours, ce qui apparaît à certains, sinon comme une surprise, du moins comme une démarche assez inhabituelle. Russia Today, qui publie par ailleurs une analyse du contenu d’articles que Poutine vient de publier à ce sujet (voir le 20 février 2013) souligne, dans un article de Dmitry Polikanov le 21 février 2012, cette orientation que l'auteur juge inhabituelle («National security mantras»), cette orientation marquée in fine par un appel à la mobilisation…
«The election campaign in Russia has eventually reached a stage at which national security issues are on the agenda. Normally they are not the utmost priority for the majority of Russians and are resorted to at times when some mobilization of the general public is needed. Patriotic slogans and “Bastion of Russia” rhetoric is generally well-accepted by conservative and traditionalist voters, as well as representatives of the young generation, who also feel nostalgia for a mighty nation to be proud of.
»Hence, Vladimir Putin could not merely skim over this topic in his series of explanatory articles about Russia’s future, as national security and the state of the army pictures should add to the overall mosaic of his comprehensive development program.
»As usual, the premier’s vision of security challenges is a reflection of fundamental perceptions shared by the majority of Russians. There are a few of them. One is a profound belief in the inevitability of Russia’s greatness – the country is doomed to strive for power and authority in global affairs. Without such muscle-flexing, weak Russia would immediately fall victim to foreign hawks who seek its disintegration. So, as Putin puts it, there is no need to leave them room for temptation – Russia should have a strong and sophisticated army...»
Cette évolution de la rhétorique électorale de Poutine a correspondu à une orientation nouvelle, imprimée par le candidat pour donner à sa candidature une force nouvelle et, juge-t-il, irrésistible. Cela correspond à l’orientation que nous jugions nécessaire pour permettre à Poutine de s’affirmer à nouveau. Nous notions ainsi, le 6 décembre 2011 :
«On sait que le parti de Poutine et de Medvedev vient d’essuyer un sérieux revers, tout en conservant la majorité à la Douma (de 64% à 49,8% des voix, mais avec une majorité de justesse en siège). C’est un sévère avertissement pour la direction russe, qui doit encore préparer les présidentielles de mars. Les attaques contre Poutine-Medvedev portent sur les conditions intérieures (niveau de vie, corruption, état de la démocratie, etc.). Quel peut être l’effet des crises extérieures sur cette situation intérieure ? Si le tandem Poutine-Medvedev a à la fois le sens politique, le sens de l’Etat et le sens de la gravité de la crise, sa stratégie devrait plutôt se tourner vers l’exposé d’une situation catastrophique du monde, où la Russie est nécessairement engagée comme le montrent les cas évoqués ici. De ce point de vue, le tandem se présenterait pour ce qu’il est réellement, la seule direction russe capable d’affronter la tempête qui souffle, et qui ne fait que commencer, en appelant à une sorte d’union nationale derrière lui, selon une technique et une conception de type “gaullien”. Dans ce cas, on peut être assuré que la Russie appuierait de plus en plus dans le sens de la fermeté face aux USA. Selon notre appréciation, et selon les précédents qu’on a connus à cet égard, c’est effectivement dans ce sens que devrait évoluer la politique russe, avec une équipe parfaitement coordonnée et bien servie par des exécutants type Lavrov et Rogozine qui n’ont pas peur d’“aller au charbon”, qui sont au contraire attirés par cette sorte de perspective.»
Mise dans la perspective d’autres nouvelles mobilisatrices en Russie (voir ce 20 février 2012), l’évolution des thèmes de la campagne de Poutine correspond, outre sa dimension électoraliste, à une situation réelle. Elle correspond plus précisément à une évolution extrêmement ferme de la politique extérieure russe depuis le début de l’année, bien entendu sur les crises du Moyen-Orient, mais aussi sur d’autres dossiers (celui des anti-missiles de l’OTAN où la Russie met en place une riposte dont l’OTAN ne semble pas encore avoir pris conscience) ; parallèlement, Poutine a détaillé diverses mesures de renforcement des forces armées, indiquant également que les thèmes choisis durant cette fin de campagne sont bien plus que des choix conjoncturels de campagne. L’alliance en cours de formation entre la Russie et la Chine est un autre signe dans le même sens, bien entendu.
Finalement, ces différents aspects montrent combien la Russie prend la situation en cours avec le plus grand sérieux et d’une façon extrêmement alarmiste, certainement comme jamais depuis la fin de la Guerre froide, même durant l’épisode géorgien d’août 2008. (Région également de plus en plus tendue, avec un réarmement de la Géorgie par les USA, et à nouveau Saakachvili tablant tout son avenir politique sur une hostilité à l’encontre de la Russie selon les vœux des USA. L’idée est renforcée par les bruits sur l’utilisation de la Géorgie par les USA, avec des bases dans le pays, en cas de conflit contre l’Iran, ce qui serait considéré comme une provocation grave par la Russie.)
L’élection présidentielle en Russie qui, il y a un an, s’avérait somme toute assez tranquille, est désormais un centre de tension de plus, cette fois par la tension qu’elle reflète dans la nouvelle position de la Russie. Nous ne parlons à ce point du résultat de cette élection, mais bien du climat qui l’a gagnée très rapidement. (Il va de soi, évidemment, que ce climat est favorable à Poutine, mais dans ce cas il ne s’agit pas de l’essentiel de notre remarque.) La phrase mise en exergue de Polikanov («Normally they are not the utmost priority for the majority of Russians and are resorted to at times when some mobilization of the general public is needed»), qui semble indiquer que l’appel à la sécurité nationale aurait été plutôt une tactique et un choix électoral, pourrait s’avérer, volontairement ou pas, comme l’expression d’une réalité pressante. Au-delà des interférences électorales, il y a effectivement une sorte d’appel implicite à la mobilisation de la population face aux dangers qui se précisent, qui se justifie par l'évolution très rapide d'une situation d'une extrême gravité.
Mis en ligne le 25 février 2012 à 05H44