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14362 décembre 2010 — Le 26 juillet 2010, nous mettions en ligne la quatrième partie de La grâce de l’Histoire. Nous commencions notre texte de présentation par ces mots : «Ne parlons plus de délais tenus ou dépassés, comme nous faisions dans la mise en ligne de la Partie précédente de “La grâce de l’Histoire”…». Aujourd’hui, six mois plus tard, ces mots apparaissent dérisoires et ridicules, tant tout ce que nous avions annoncé comme programmation et rythme de mises en ligne des différentes partie du livre n’ont plus aucun rapport avec la réalité. Nous nous abstiendrons aujourd’hui de ces piteuses explications en forme de tentative d’excuses, – tant elles sont piteuses, justement, et parfaitement inutiles devant l’évidence.
Nous ne pouvons que répéter, en grossissant encore le trait, que ce livre est devenu pour l’auteur, à côté d’autres obligations impératives, une charge considérable, – “charge” pris dans le sens du poids énorme de la tâche entreprise, qui est presque pour lui une mission, qui est à la fois une nécessité et une justification essentielle de son rôle. D’un point de vue plus pratique, nous dirons que l’ensemble du développement de l’ouvrage s’est considérablement élargi et étendu, essentiellement pour ce qui concerne la sixième partie dont on a pu lire très récemment un extrait, et qu’à cause de cette modification réellement fondamentale la chronologie de ce travail est notablement allongée et, d’autre part, modifiée dans son rythme par rapport aux prévisions initiales. Pour le bon côté des choses, nous dirons que ce livre “vit” alors même que les lecteurs de dedefensa.org le découvrent à mesure, tout ou en partie selon le choix qu’ils ont fait de participer ou non à cette entreprise.
Pour l’heure, voici donc la Cinquième Partie, intitulée «La transversale du technologisme». Elle traite évidemment de l’une des deux grande composante du système général du “déchaînement de la matière” (l’autre étant le système de la communication, que nous analysons dans notre précédente livraison, «Le pont de la communication»). Manifestement, ce système du technologisme est la plus puissante de ces deux composantes, l’axe central de l’investissement par la matière de la destinée du monde, sous couvert de la modernité. Son importance est primordiale parce qu’il est la cause directe et indubitable de l’immense et unique crise de civilisation où nous sommes entrés, dans son point paroxystique. (Nous disons bien “immense et unique”, parce que nous pensons qu’il n’y en a jamais eu de semblable auparavant, pour la raison évidente que la cause centrale de cette crise, – justement, le système du technologisme, – est à la fois la cause de cette crise, et la cause qui interdit, par la puissance de “la matière déchaînée” qui le caractérise, et dans tous les cas jusqu’à sa propre destruction complète, l’émergence d’une alternative de civilisation, ou d’une renaissance de civilisation qui rétablisse une situation propice aux enseignements de la Tradition pour l’espèce humaine.)
Pour donner une idée générale du contenu de cette Cinquième Partie de La grâce de l’Histoire, il n’est de meilleure référence qu’un texte de Philippe Grasset, du 30 janvier 2010, où étaient résumées les conceptions générales sur le système du technologisme par rapport à la période métahistorique considérée, à partir d’une appréciation d’un texte de William Pfaff. Nous donnons ici un large extrait de ce texte, justement comme définition de la thèse centrale de cet aspect du récit.
«Pour autant, il me semble que l’argument de Pfaff est contestable lorsqu’il avance des remarques qui font penser que c’est la conception de la politique expansionniste (avec aspect messianique) qui a précédé les créations technologiques et, d’une certaine façon, dans tous les cas ont peut le supposer, les aurait suscitées. A mon sens, il est impossible de dissocier le technologisme de ce que je nomme, en empruntant l’expression à Guglielmo Ferrero, “l’idéal de puissance” qui, après s’être manifesté principalement dans le pangermanisme, se manifeste notamment dans la politique expansionniste panaméricaniste dans son sens véritable et non continental (expansionnisme US naissant au XIXème siècle et commençant à s’affirmer à la fin du XIXème siècle, wilsonisme, néo-wilsonisme, expansionnisme du Pentagone et du complexe militaro-industriel, néo-conservatisme, peu importe). Le technologisme nourrit “l’idéal de puissance” comme l’énergie développée à partir du “choix du feu” nourrit la machine; et “l’idéal de puissance”, à son tour, alimente en vertu le technologisme, en lui fournissant les “idées”, voire les “idéaux” pour le justifier. On parlerait d’un “dynamisme matérialiste” (plus que “matérialisme”) et d’un “utopisme matérialiste”. Les deux sont intégrés.
»Le cadre général est qu’il y a eu, à cet égard, une rupture radicale à la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècles à cause de divers événements (Révolution française et développement de la machine à énergie thermodynamique), qui ont accéléré d’une façon décisive le développement du binôme technologisme –“idéal de puissance”, et justement selon une dynamique irrésistible qui lie d’une façon définitive les deux phénomènes. (“Définitive”, jusqu’à ce que l’un et/ou l’autre des deux phénomènes parvienne(nt) au terme de sa course jusqu’au collapsus, comme la possibilité de plus en plus probable en existe aujourd’hui.) En ce sens, qui est celui du rythme, de la puissance dynamique, de l’emportement déchaîné, ce qui se passe depuis le XIXème siècle ne ressemble à rien en substance à ce qui a précédé. C’est une dynamique qui passe d’une puissance à l’autre (Allemagne et USA principalement), avec des références nationales certes, mais faussaires et sans nul souci de la spécificité nationale avec sa légitimité régalienne (d’où la puissance conceptuelle de la “globalisation” au terme du processus, avant d’arriver au moment du collapsus possible/probable). C’est d’ailleurs la définition de la modernité. Cela correspond parfaitement au mot (souligné en gras dans la citation) qui avait terrifié Stendhal et lui avait fait abandonner, autour de 1825, son engagement pro-américaniste pour une position contraire. (Dans ‘Stendhal et l’Amérique’, Michel Crouzet, éditions de Fallois, Paris, 2008.)
»“[Stendhal] s’oppose au credo fondamental de l’époque. Saint-Simon a eu le coup de génie de voir que l’industrie considérée d’un point de vue “historial” était l’achèvement des Lumières, ou si l’on veut un langage plus moderne, le point où la pensée métaphysique se réifie et s’abolit dans la pensée de la technique qui occupe et ferme tout l’horizon. Les Lumières, c’est désormais l’industrie, a indiqué brillamment H. Gouhier.” (Cette formule soulignée en gras, où l’on pourrait remplacer “industrie” par “technologisme”, valant bien “le communisme, c’est le socialisme plus l’électricité” du père Lénine – le communisme n’étant dans ce cas qu’une annexe de la dynamique décrite, sans capacité technologique suffisante pour jouer un rôle central, et ayant servi plutôt d’“Ennemi” utile, comme on dit “idiot utile”, pour justifier la poursuite de l’expansion de l““idéal de puissance”/technologisme. Notez bien que, par rapport à cette citation, et en raison de l’importance que j’accorde aux idées comme atours somptueux du technologisme, j’aurais une réserve sur l’observation: “…le point où la pensée métaphysique se réifie et s’abolit dans la pensée de la technique qui occupe et ferme tout l’horizon”. Je pense au contraire qu’il y a eu tentative, par l’idée dans l’emploi que je définis, de grandir jusqu’à la métaphysique “la pensée de la technique”, ou technologisme; l’échec n’en sera que plus piteux et catastrophique – car, comme l’on dit, “plus dure sera la chute”.)
»La grande question est de savoir où se situe l’étincelle de départ de ce changement de substance: dans la matière ou dans l’esprit? Dans la machine faisant le “choix du feu” ou dans les idées révolutionnaires déstructurantes, d’ailleurs plus cohérentes et plus efficaces du côté de la Grande République (Révolution américaine) que du côté de la Révolution française? (La Révolution française, accident colossal et essentiel mais accident tout de même, et accident paradoxal, parce qu’elle est antagoniste de la substance structurante de la tradition française, qu’elle n’a pas fondamentalement modifiée, la France retrouvant sa substance structurante après la Révolution.) Mon idée est que les choses sont évidemment mélangées et nullement tranchées mais que, dans ce marché faustien, la matière a bien entendu le dessus à cause de l’incomparable puissance dynamique du technologisme, qu’elle dispose du reste en réalité, conduisant les esprits qu’elle emprisonne à inventer les idées pour parer un mouvement qui est pur dynamique matérialiste déchaînée des beautés rassurantes et quasiment métaphysiques des idéologies et de la morale. L’“idéal de puissance” est la parure richement enluminée d’une politique dont la source impérative se trouve dans la puissance du technologisme. De ce point de vue, il n’y a pas d’“histoire du technologisme”, il y a une histoire générale annexée et transformée par le technologisme, et qui s’affirme “Histoire” pure pour éviter le doute radical de l’esprit prisonnier de la matière (avec tentatives épisodiques de proclamer “la fin de l’Histoire” dans le bonheur accompli, pour tenter d'achever le cycle). La tromperie est complète, et, bien entendu, beaucoup plus sophistiquée que dans l’argument de Wills…»
Dans la thèse de La grâce de l’Histoire (tout comme dans le concept d’“idéal de puissance” de Guglielmo Ferrero), le système du technologisme joue un rôle opératoire fondamental. Il est l’expression même de la puissance de la matière, sa transcription en dynamique de pression et de changement, et il devient dans l’interprétation que la raison humaine subvertie par la matière en fait la puissance vertueuse du Progrès. Il réalise l’intégration parfaite de la modernité dans le système général du “déchaînement de la matière”, avec pour la modernité (et la raison humaine qui la justifie) le rôle désormais bien rôdé d’“idiote utile”, ou de faux nez.
Il ne fait aucun doute, et c’est une partie non négligeable de cette analyse dans cette Cinquième Partie, que le système du technologisme a été habillé d’une dimension mystique, voire métaphysique, dans la démarche du système général, pour tenter de garantir sa pérennité et sa légitimité, pour lui donner un aspect “convenable”. Il a permis l’établissement d’une véritable dictature de la matière sur la civilisation à partir du tournant entre le XVIIIème et le XIXème siècles. L’armement joue, dans cette évolution, un rôle considérable, aussi bien pour son rôle direct dans les conflits, que dans ses dimensions économiques et également mystiques. C’est d’ailleurs autour d’un artefact symbolisant à la fois la matière dans sa fonction la pus dictatoriale et brutale, la technologie dans ses premières manifestations, l’armement dans sa fonction de légitimation de la mort, qu’est construit le développement de cette partie sur « la transversale du “technologisme”… Il s’agit de «la guillotine permanente» dressée par la Révolution au centre de Paris, présente jour et nuit durant la Terreur, active dans le sens qu’on devine également presqu’aussi bien “jour et nuit”, comme symbole de l’ère nouvelle de la civilisation.
Cette Cinquième Partie clôt l’aspect essentiellement historique et “transversal” de l’étude. La Sixième Partie reprend le propos historique dans son contexte général et élargit la réflexion aux matières les plus fondamentales qui sollicitent aujourd’hui notre attention. Le cadre est évident, à partir de la perspective historique qu’on a tracé ; il est métahistorique, il attribue à cette crise des caractères absolument fondamentaux qui conduisent aux interrogations les plus fondamentales.
Nous vous reparlerons dans deux ou trois jours, dans une perspective semblable mais dans un cadre différent, de La grâce de l’Histoire. Nous mettrons en ligne un texte sur la situation du site dedefensa.org, sur ses perspectives, etc., et l’on verra que La grâce de l’Histoire y tient effectivement un rôle de grande importance.
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