Psychanalyse de Billary, – ou de Maureen Dowd?

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Maureen Dowd est la pétulante columnist du New York Times, qui n’a pas sa langue dans sa poche, avec un peu de venin s’il le faut, libérale à tous crins, anti-Bush, jubilatoire et mauvaise comme une teigne. Une commentatrice comme il en faudrait beaucoup dans ces temps de conformisme amorphe, accusatrice, bien informée, perspicace, parfois d’une mauvaise foi à tout casser et ainsi de suite. Il faut la lire, en prendre le miel, souvent d’une qualité rare, et se garder du fiel qui ne fait pas de cadeau. Par conséquent, personnalité attachante, avec ses qualités et – par bonheur – ses défauts.

La dernière de Dowd, dans le NYT du 23 décembre, est à savourer sur un divan de psychanalyste. Maureen a travaillé avec les Clinton en 1992 et en 1996 et en garde, semble-t-il, un souvenir doux-amer. Elle s’appuie sur cette expérience pour lâcher une bordée de jugements à consonance psychanalytique contre Bill Clinton entré avec tonitruance dans la campagne présidentielle de sa femme, – est-il le sauveur aimant ou le saboteur jaloux des ambitions de sa femme? – et, par défaut, bordée également contre Hillary, que Maureen soupçonne in fine de succomber une fois de plus au charme pervers de son époux infidèle et égocentrique.

Dowd constate que la campagne d’Hillary est devenue la campagne de Billary. Elle ne dit pas que l’intervention de Bill, avec perspective de participation massive au gouvernement d’Hillary en cas de victoire, va sauver ou couler la campagne d’Hillary, elle dit que cette intervention change complètement la proposition politique d’Hillary. L’ego de Bill est absolument dévastateur… («Once it was about Hillary, but now, of course, it’s about Bill. […] Hillary advisers noted that when Bill was asked by a supporter in South Carolina what his wife’s No. 1 priority would be, he replied: C’est moi! “The first thing she intends to do is to send me ...” he began. […] While making a speech in Iowa, The Associated Press’s Ron Fournier reported, Bill used the word “I” 94 times in 10 minutes, while mentioning “Hillary” just seven times. At a London fund-raiser, one Hillaryite said, it took him nearly half an hour to mention her.»)

Alors, que veut Bill?

«Certainly Bill wants to repay Hill for those traumatic times when he had to hide behind her skirt. And certainly he feels that his legacy is tied to her. He suggests to Matt Bai in today’s Times Magazine that she can be F.D.R. to his Teddy Roosevelt, getting through the ideas that fell flat the first time.

»Is Bill torn between resentment of being second fiddle and gratification that Hillary can be first banana only with his help? Their relationship has always been a co-dependence between his charm and her discipline. But what if, as some of her advisers suggest, she turned out to be a tougher leader, quicker to grasp foreign policy, less skittish about using military power and more inspirational abroad? What if she were to use his mistakes as a reverse blueprint, like W. did with his dad?

»When Bill gets slit-eyed, red-faced and finger-wagging in defense of her, is he really defending himself, ego in full bloom, against aspersions that Obama and Edwards cast on Clintonian politics?

»Maybe the Boy Who Can’t Help Himself is simply engaging in his usual patterns of humiliating Hillary and lighting an exploding cigar when things are going well.

»“They’re not Scott and Zelda Fitzgerald, who had jealousy as the lifeblood of their marriage,” said one writer who has studied the pair. “The lifeblood of their marriage is crisis, coming to each other’s rescue.”»

Et Hillary, que veut-elle? Est-elle, elle la dure par excellence, la victime de son cannibale de mari? Est-elle celle qui ne sait rien lui refuser, toujours tenue à lui par un amour qui n’en finit pas de finir?

«It’s hard to feel sorry for Hillary because the very logic of her campaign leads right to Bill. When she speaks of her “experience,” she is referring not to the Senate but to the White House, thereby making her campaign a plebiscite on the ’90s.

»Running this way, she is essentially asking people to like her if they liked him. Whether she knows it or not, this is a coattails strategy. It’s almost as if she’s offering herself to Clinton supporters as the solution to the problem of the 22nd Amendment.»

(Le 22ème amendement de la Constitution est l’amendement qui interdit à un président d’assurer plus de deux mandats, ce qui interdit en principe à Bill Clinton de se représenter. Mais une ambiguïté subsiste. L’amendement ne dit pas si l’interdiction porte seulement sur plus de “deux mandats consécutifs” ou sur plus de “deux mandats en tout”.)

Dowd a-t-elle raison? Avec GW, nous avons eu un psychodrame implicite, entre le fils (GW, président des USA n° 43), voulant prendre sa revanche sur son père (George Bush, président des USA n° 41); avec Hillary, si elle est élue, allons-nous avoir une nouvelle tragi-comédie psychanalytique entre les présidents des USA n° 42 et 44, 42 estimant que c'est lui qui a fait élire 44 et qu’il est finalement aussi bien 44 que la vraie 44? Dowd conclut: «If voting for Obama is a roll of the dice, as Bill suggests, voting for Billary is a sure bet: an endless soap opera.»

D’accord, il y a un problème, avec une situation effectivement extraordinaire que nous avons déjà évoquée, en cas d’élection d’Hillary, de la probabilité d’un Bill interférant constamment dans la politique de son épouse. Notre avis est aussi qu’il doit y avoir un problème de Dowd vis-à-vis du couple Clinton, qui mériterait également un séjour sur le divan du psychanalyse. Mais l’un n’empêche pas l’autre, au contraire, et voilà comment le commentaire met dans la politique un peu des passions humaines, un peu d’une tragédie racinienne travestie en “télé-réalité” à l’américaine.

Au fait et pour rappel, il s’agit de pourvoir, en pleine crise du monde, au poste de l’homme (de la femme) le (la) plus puissant(e) du monde. Ainsi va le monde.


Mis en ligne le 24 décembre 2007 à 13H15