Réflexions et commentaires pour un lecteur l’autre (II)

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Réflexions et commentaires pour un lecteur l’autre (II)

3 septembre 2007 — Après la fin de notre campagne de donation et avant un message circonstancié de conclusion et de spéculation sur l’avenir, nous donnons ici un court message qui poursuit, en un sens, le précédent (d’où notre titre). Il est écrit à partir de certaines réactions de lecteurs sur un même sujet, que nous réunissons pour mieux présenter le débat. Nous faisons quelques commentaires ensuite.

On verra que ce sujet et le commentaire qui l’accompagne, qui ne paraissent pas vraiment essentiels pour la suite de nos débats, le sont tout de même en ce sens qu’ils préparent les réflexions qui suivront.

Les interventions de nos lecteurs

Il s’agit de l’intervention de plusieurs lecteurs à propos de cette remarque, dans notre texte du 25 août :

«A ces demandes d’explication comme à d’autres, nous pourrions répondre par le simple bon sens : en quoi tout cela concerne-t-il nos lecteurs? Mais non, jouons le jeu. Nous le faisons, nous l’avouons, selon un réflexe professionnel, — pour vous informer de nos conceptions, de notre façon de voir, autant que de notre situation. Et puis aussi, disons ce mot que nous répéterons : par courtoisie.»

Voici ce que disent plusieurs lecteurs, sur le Forum de ce même texte:

• De Daniel Dejasse, du 25 août, extrait d’un courrier par ailleurs extrêmement aimable pour nous : «Ceci dit, in cauda venenum, j'ai été estomaqué de lire sous votre plume, je cite: “A ces demandes d’explication comme à d’autres, nous pourrions répondre par le simple bon sens : en quoi tout cela concerne-t-il nos lecteurs?” Cette remarque peut révéler pas mal de choses, dont peut-être cette fameuse arrogance dont parlait une lectrice, mais en aucun cas du bon sens. Il est évident à mes yeux que tout cela concerne les lecteurs dans la mesure où on leur réclame — et avec insistance! — de l'argent. Ceci dit de ma part également sans la moindre acrimonie et au contraire.»

• De “JF”, du 1er septembre: «J'ai été trois années durant abonné à votre lettre papier. J'ai donné plusieurs fois au site.

»Je vous cite : “A ces demandes d’explication comme à d’autres, nous pourrions répondre par le simple bon sens : en quoi tout cela concerne-t-il nos lecteurs? Mais non, jouons le jeu. Nous le faisons, nous l’avouons, selon un réflexe professionnel, — pour vous informer de nos conceptions, de notre façon de voir, autant que de notre situation. Et puis aussi, disons ce mot que nous répéterons : par courtoisie.”

»Si vous êtes sincère sur la question “en quoi tout cela concerne-t-il nos lecteurs”, alors il y a un gros problème de base.»

• Puis un autre lecteur, “Patrice Z.” intervient, qui prend le contre-pied . Il parle d’une façon générale, pour la justifier, de notre demande de soutien. Nous reproduisons son message in extenso parce qu’il nous est bien utile (nous l’en remercions) pour introduire certaines de nos considérations à venir. Nous soulignons en gras le propos qui concerne la question précise débattue ici. (Il faut signaler que d’autres lecteurs sont intervenus dans le même sens, par exemple “Flupke” sur le Forum général à la date du 24 août): «€10.000 par an, c'est tout ce que vous attendez pour la qualité de votre travail sur ce site? Je ne vous connais que depuis quelques mois et pensais que vous renouveliez votre invitation aux dons 4 fois par an... J'ai donné €50. Cela représente la moitié de l'abonnement annuel de The Economist auquel j'ai renoncé (après 15 ans d'habitudes) depuis que je vous lis. Cela représente un mois d'un quotidien qui ne m'offrirait pas plus de lectures d'intérêt que ce que propose votre site quotidiennement. En même temps, ces €50 représentent le 200ième de ce que vous avez reçu. Avec 100.000 visites par mois, vous devez pourtant avoir largement plus de 200 lecteurs réguliers (plutôt de l'ordre de 2.000-3.000?) Avec le même don, vous devriez avoir aujourd'hui €100.000? Je déplore comme vous que la valeur du travail ne soit pas reconnue, a fortiori celle d'un éveilleur de conscience, dont la quantité et la qualité des analyses mises à disposition chaque jour ne cesse de m'étonner (et me passionner). Contrairement à d'autres lecteurs, je ne cherche pas à comprendre ce que vous allez faire de €10.000, je me dis seulement qu'il faut avoir la foi pour travailler comme vous le faites pour une telle somme et en plus recevoir des critiques à ce sujet. Votre travail m’est très précieux, merci d’accepter de le faire dans ces conditions.»

• Enfin, à nouveau Mr. Dejasse, qui nuance son propos initial… «Avec un peu de recul je comprends mieux, je pense, Monsieur Grasset, votre remarque qui veut que la cuisine interne de dedefensa.org ne concerne pas les lecteurs. Il y a, là derrière, l'idée qu'il est assez normal de payer pour un travail de qualité, que l'on apprécie et que l'on consomme sans modération, qu'il ne viendrait à l'idée à personne qui paie un euro pour son quotidien habituel d'écrire à la rédaction et de demander que diable peuvent-ils faire de cet argent. Certainement.

»Seulement voilà, nous sommes sur internet qui fourmille de sites très intéressants et gratuits, la plupart du temps moins souvent mis à jour et nécessitant un travail rédactionnel moins intense, je l'admets. La plupart du temps mais pas toujours. Comment font-ils? Je ne sais pas — ça ne me concerne pas — mais le fait est. Est-ce normal? Tout dépend du sens que l'on donne à ce mot. C'est la règle, donc la norme, donc normal si l'on veut. Ne parlons donc pas de l'esprit d'internet mais de la réalité d'internet. Sans cette gratuité il est évident qu'internet ne serait pas du tout ce qu'il est: il faudrait effectuer un choix drastique dans ses abonnements et les sites seraient infiniment moins consultés.

»A qui désire donc malgré tout obtenir une participation financière des internautes et donc leur faire vaincre leurs habitudes, leur égoïsme, leur paresse, la concurrence malgré tout puisque dedefensa.org n'est malgré tout pas seul à procéder ainsi (si je donne à dedefensa, pourquoi pas aussi à Wikipedia par exemple) il est nécessaire, hé bien oui, d'un peu se justifier. Le procédé a d'ailleurs été utile puisque vous avez presque atteint vos objectifs financiers, dans la dernière ligne droite qui a suivi la parution de cet article.»

Notre réaction

Figurez-vous qu’en vous lisant successivement, nous sommes passés par les diverses couleurs de l’arc en ciel. Avec les premières interventions, nous avons songé à réagir avec vigueur, en maintenant évidemment, — ce que nous faisons de toutes les façon, — cette affirmation prise comme polémique : «A ces demandes d’explication comme à d’autres, nous pourrions répondre par le simple bon sens : en quoi tout cela concerne-t-il nos lecteurs?»

La suite des courriers a dit beaucoup des choses que nous voulions dire, et, peut-être, d’une façon plus apaisée et donc plus juste. Effectivement, un appel à donation n’est pas un droit donné un lecteur de nous interroger sur nos arrangements intérieurs mais une façon de tenter d’éviter la solution du site payant qui imposerait à tout le monde le rapport commercial que nous voudrions éviter. C’était le sens de la phrase, que nous répétons à nouveau, d’un précédent message: «N’appréciez-vous pas à sa juste valeur une occasion où, pour une fois, l’argent a une autre valeur que l’intérêt stupide et cupide dont tous les imbéciles et crapules du monde entier qui nous conduisent vers l’enfer font leur vertu en nous promettant la nôtre pour le paradis des boursicoteurs de Wall Street?»

Aussi limiterons-nous notre commentaire, parfaitement apaisé pour le coup, à ces quelques points :

• Monsieur “Patrice Z.” a parfaitement résumé notre situation (financière et autre) et les arguments auxquels lui-même fait appel pour justifier notre démarche de faire appel à une demande de soutien. Ajoutons que les chiffres qu’il évoque sont assez proches de la réalité et laissent présager la logique de notre évolution future, que nous présenterons dans un très prochain “message”.

• Monsieur Dejasse, qui fait une excellente mise au point sur le point de départ de ces intervention, pose justement le problème plus général soulevé par notre appel en évoquant l’existence d’une foultitude de sites gratuits. Alors, pourquoi soutenir dedefensa.org? C’est une question qui concerne nos lecteurs. Nos précisions, ont-elles aidé à une première réponse positive dans notre donation, comme il l’écrit? Peut-être, et alors tant mieux. Disons qu’en plus d’être un acte de courtoisie rendant compte d’une réalité dont nous ne sommes nullement comptables à l’égard de nos lecteurs, notre réaction a été un acte utile.

• Concernant ces sites intéressants du point de vue de l’information et de l’analyse et pourtant gratuits dont parle monsieur Dejasse, il commente : «Comment font-ils? Je ne sais pas…». Nous poursuivrions par cet autre commentaire : nous non plus, nous ne savons pas comment ils font, et pourtant ils font… Cela nous conduit à cette observation de pure logique où, peut-être, certains trouveront des arrière-pensées: ceux qui font un véritable travail et qui, pourtant, ne demandent aucune rétribution, il faut bien qu’ils l’obtiennent d’une autre façon. Mais nous préférons choisir d’autres termes, dans un sens différent qui concerne notre cause, pour tirer la leçon de ce constat. Nos demandes de soutien, qui gênent ou choquent parfois l’un ou l’autre lecteur, constituent en fait la garantie la plus assurée que nous puissions donner de notre indépendance. Elles sont en elles-mêmes une preuve intangible de la “transparence” que réclament également nos lecteurs. Cette preuve d’indépendance, est-ce important pour eux? Là aussi, la question dépend d’eux et d’eux seuls. Notre sentiment est que cela devrait être un point essentiel dans le jugement que nos lecteurs portent sur le site, pour compléter celui qu’ils ont évidemment à la lecture de son contenu. L’étonnant, évidemment jusqu’au soupçon, eût été que nous n’abordions jamais ce point ni n’exprimions jamais la nécessité de nos besoins. Le soupçon eût été alors justifié de supposer qu’ils étaient satisfaits (nos besoins) d’une autre façon, peut-être au prix de notre indépendance.

Très rapidement suivra un autre message sur nos projets, après un bilan renouvelé et plus circonstancié de notre campagne de donation.