Résistance & autodestruction

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Résistance & autodestruction

2 juillet 2012 – Il était tentant d’écrire comme titre, parce que la formule vient naturellement sous la plume, comme une sorte de recette vitale si l’on veut : “Résistance à l’autodestruction”. Ce n’est pas le cas. Nous voulons, avec ce titre, séparer deux phénomènes, – la “résistance” d’un côté, l’“autodestruction” de l’autre ; nous voulons montrer que les deux phénomènes se trouvent confrontés dans certains évènements très précis et sensationnels, et que pourtant ils se trouvent liés (on n’ose écrire “complices” mais c’est techniquement le cas) par des rapports objectifs d’interférences souvent inconscientes, “mécanique” dirions-nous, que les rapports de cause à effet entre eux sont extraordinairement faussés sinon invertis, sinon déstructurés en certains aspects positifs et d’autres négatifs, – et qu’il faut démêler et distinguer tout cela… Bref, la chose n’est pas évidente, même si elle n’est pas nécessairement compliquée. C’est à tenter de l’éclairer que nous allons consacrer ce texte, qui poursuit en l’élargissant le commentaire en Bloc Notes, du 28 juin 2012.

D’abord, il faut proposer deux définitions, concernant les deux termes proposés dans le titre. Ces définitions supposent que nous avons choisi “un camp”, et cela ne fait aucun doute dans notre esprit, et cela ne fera guère de doute pour nos lecteurs, d’ailleurs instruits par la lecture quotidienne de notre site ; pour plus de précision utiles pour notre propos, disons que nous choisissons le “camp” qui n’en est pas un, qui n’a pas besoin de carte de membre, de doctrine, de serment, qui ne se définit que par ce quoi il est contre, qui prétend, en résistant, œuvrer pour la sauvegarde du monde de quelque façon que ce soit, qui est le camp que nous avons déjà qualifié : “antiSystème” (avec la majuscule à sa place et un caractère grammatical invariable puisqu’il n’y a qu’un Système). La résistance prétend affronter une force aveugle et mécanique de déstructuration, une force non-humaine de dissolution et d’entropisation du monde ; une force que nous identifions de façon concrète et explicitée avec le “déchaînement de la Matière”, qui peut être désignée selon nous, et selon une référence métaphysique sans aucune réticence, comme la représentation et l’expression du Mal. Les définitions se font, pour notre compte et sous notre responsabilité, dans ce contexte.

• Qu’est-ce que la “résistance” ? Tout fait s’opposant au Système, tout acte, toute dynamique, toute pensée explicitée, tout commentaire antiSystème, méritent le terme de “résistance” durant le temps où ils s’expriment et se développent de façon à ce que nous puissions, nous, les identifier comme tels, comme posant un fait de résistance au Système. Les exemples sont connus, et substantivés par nous sous l’expression de “système(s) antiSystème”. Ron Paul, les “indignés” et Occupy, le sénateur John McCain quand il s’oppose au F-35, Marine Le Pen et Mélenchon durant le premier tour de la campagne présidentielle française, Poutine dénonçant l’“agression douce” et en appelant à la spiritualité, Kadhafi et Assad s’opposant aux attaques du bloc BAO, al Qaïda dans certaines de ses activités… – voilà autant de “systèmes antiSystème”, – et pas mal, sinon presqu’autant de contradictions et d’antagonismes que de systèmes antiSystème. (Rappelez-vous les insultes Marine-Mélenchon, l’attaque du bloc BAO contre Kadhafi et Assad revigorant al Qaïda contre Kadhafi et Assad puis, bientôt, contre le Système, McCain habituellement et couramment abruti belliciste complètement bouffé par le Système en général, etc.)

• Qu’est-ce que le phénomène d’“autodestruction” ? Un phénomène inhérent au Système, donc à une entité (par définition non-humaine), qui produit une dynamique de déstructuration dont l’effet attendu est successivement et effectivement la déstructuration, la dissolution et l’entropisation du monde. Cette dynamique de déstructuration et la suite sont opérationnellement une dynamique de surpuissance, selon un terme (“surpuissance”) indiquant que la puissance dispensée est supérieure à tout ce qui peut lui être humainement opposé. Mais nous disons également que cette dynamique de surpuissance engendre une dynamique d’autodestruction, selon un processus physique logique, – qui peut, qui doit être impérativement apprécié également d’un point de vue métaphysique pour être bien compris. Du point de vue physique, en effet : pour rendre opérationnelle sa surpuissance, le Système se structure lui-même, mais comme sa dynamique de surpuissance est essentiellement déstructurante, il se détruit lui-même ; la dynamique de surpuissance nourrit la dynamique d’autodestruction, selon un processus nécessairement en accélération constante, jusqu’à la Chute. (On peut ajouter, pour la précision, que le processus dans cette phase finale accélère en se simplifiant : en créant des structures pour opérationnaliser sa surpuissance, le Système crée souvent, et de plus en plus souvent à mesure de sa dégradation, des structures qui, selon les circonstances, se retournent directement contre lui et deviennent directement antiSystème, ajoutant encore par cette accélération à son déchaînement autodestructeur de surpuissance déstructurante.) L’essentiel est dans le caractère non-humain du Système, qui est la représentation de notre contre-civilisation arrivée à son terme du “‘déchaînement de la Matière’, […] représentation et [...] expression du Mal”. Nous justifions cette situation par la conception, que nous explicitions le 10 septembre 2010, notamment en nous référant au philosophe Plotin, selon laquelle l’homme lui-même n’est pas substantiellement mauvais, mais qu’il n’est mauvais que par proximité du Mal rendue possible par ses multiples faiblesses.

La “résistance” s’effectue dans tous les cas, selon des attitudes de défense vitale, des positions de contradiction, des réactions de survie, des réflexe psychologique suscités par l’insupportable, etc. Elle existe le plus souvent d’une façon inconsciente, par référence antagoniste à des effets de la dynamique-Système devenus effectivement insupportables et contre lesquels on se rebelle, on se révolte, contre lesquels on résiste. Mais il est bien entendu intéressant de chercher à déterminer ce qu’on pourrait désigner comme une sorte de “géographie psychologique” de la résistance, pour comprendre l’extraordinaire volatilité et l’extraordinaire variabilité des points, des dynamiques, des situations, des actions de résistance. La contradiction apparente, l’ambiguïté générale règnent absolument… (C’est là que le concept de l’inconnaissance est précieux, sinon indispensable : il ne sert à rien, sinon à se perdre dans des dédales inextricables conduisant le plus souvent à retomber sous l’empire du Système, d’essayer de comprendre toutes les arcanes des actes et des situations humaines. Une seule chose importe : distinguer à cet instant et dans cette situation, à chaque instant et dans chaque situation, ce qui est objectivement antiSystème ; peu importe d’où viennent les choses et où elles vont.)

L’intérêt de la résistance est moins de détruire, ou d’espérer détruire le Système, que de contribuer à l’accélération et au renforcement de son autodestruction. Pour cela, par exemple, plus on oppose de résistance au Système, plus on pousse le Système à créer des structures pour opérationnaliser sa surpuissance, plus on active sa dynamique d’autodestruction qui est le fait irrésistible chez lui de la déstructuration. Nombre de ces phénomènes sont invisibles, indiscernables, anonymes, automatiques, dissimulés, etc. ; d’autres sont plus visibles et semblent appartenir à la logique politique habituelle s’ils sont sortis du rapport de cause à effet, alors qu’ils entrent effectivement, selon ce rapport, dans le grand affrontement autour du Système… Lorsque le Directeur général du MI5 craint l’action de nouvelles structures d’al Qaïda lors des Jeux Olympiques, notamment des structures nées lors de et grâce à l’attaque du bloc BAO des régime Kadhafi et Assad, il est lancé dans un processus de destruction de ce qu’il a lui-même créé (“lui-même” comme créature du Système à cet instant, donc le Système), – et il faut apprécier cela, au-delà de la circonstance politique, comme une manifestation du pur processus d’autodestruction du Système.

L’opérationnalité de la résistance antiSystème se concentre naturellement dans l’application du principe fameux, et lui-même naturel, de l’art martial japonais aïkido : “retourner la force de l'ennemi contre lui...”, – et même, plus encore pour notre cas, “aider la force de cet ennemi à se retourner naturellement contre lui-même”, parce qu’il est entendu, selon le principe d’autodestruction, qu’il s’agit d’un mouvement “naturel”.

Il résulte de tout cela que la posture de “résistance” est évidemment naturelle, qu’elle n’a pas vraiment besoin de s’organiser, de s’armer, de s’endoctriner, etc., sinon par les processus naturels de l’opérationnalité de la chose en général animés par le Système lui-même (c’est le MI5 ou son compère le MI6, dans ce cas l’un et l’autre au service du Système, qui arme les anti-Kadhafi, lesquels vont devenir en partie structures d’al Qaïda, etc.). La “résistance”, pour notre fait, selon notre point de vue, selon la position que nous avons choisie d’occuper, est d’abord et essentiellement psychologique : avoir connaissance sélectivement de tout cela, en prendre conscience, renforcer soi-même sa propre psychologie antiSystème, tout cela éventuellement pour les autres également, pour qui s’en saisit, par le système de la communication. (Ici, on raffine le concept d’inconnaissance qui n’est pas refuser toute connaissance, de ne rien connaître mais de se tenir hors des rets du Système, c’est-à-dire de distinguer [de connaître] l’essentiel qui sera nécessairement antiSystème et de refuser de connaître l’accessoire qui est un piège entraînant dans le labyrinthe-Système.) Il s’agit de se préparer psychologiquement à cette terra incognita par définition et par nécessité absolues qu'est l'après-Système, dont la chute clôt un cycle métahistorique.

Le “printemps arabe” au soleil de la métahistoire

L’on comprend bien, comme on l’a déjà signalé, que cette réflexion enchaîne sur celle de notre Bloc-Notes du 28 juin 2012 et la prolonge nécessairement. (Ainsi, bien entendu, que diverses autres réflexions dans ce sens, très nombreuses sur ce site.) Pour mieux mesurer l’importance et la nécessité de cette réflexion, on développe deux causes conjoncturelles fondamentales qui modifient complètement le cadre historique où elle évolue, et transforment à mesure, en les haussant, les concepts qui sont définis (“résistance” et “autodestruction”). C’est à ce point, avec l’exposé de ces deux causes conjoncturelles, que nous voulons renforcer l’argument fondamental qui nous impose de ne plus considérer qu’un seul objectif, qui est la destruction du Système par tous les moyens possibles… Aux considérations tactiques ci-dessus succède la considération stratégique qui impose la “résistance”, c’est-à-dire le moteur historique qui devient métahistorique en présence du Système, lequel doit alors être nécessairement conçu comme non-humain ou extra-humain… La question venue à l'esprit étant alors : en plus des sapiens, habitués à ce rôle métahistorique, le Système lui-même est-il “maistrien” ? Et l'on sait que poser la question, bien entendu, c'est y répondre…

• L’extraordinaire accélération du temps historique de ces dernières années, depuis 2001 et, surtout, depuis 2008, est la première cause conjoncturelle fondamentale. Il s’agit d’une accélération, non pas tant dans le fait même d’évènements développés qui le seraient de plus en plus vite, mais à l’occasion d’événements qui aussi bien ont lieu très rapidement (l’attaque de la Libye par le bloc BAO), aussi bien n’ont pas lieu et semblent traîner sans fin (l’attaque-surprise contre l’Iran débattue depuis 2005), et qui sont tous issus de la poussée surpuissante du Système… L’accélération du temps historique se situe d’abord dans la communication, avec ses effets directs et indirects, et formidables, sur la psychologie par la perception, par une accumulation de “nouvelles”, d’“actions déclamatoires”, d’agitations formidables enfermées dans des impasses qui ne cessent de se verrouiller sous la poussée surpuissante du Système. L’accélération est dans ce cas de type tourbillonnaire, sans intérêt pour le sens, sans attention pour les effets. Le “printemps arabe”, qui est lui-même un facteur d’accélération (c’est pourquoi nous parlons, à son propos, de “chaîne crisique”) a introduit un élément important et séduisant, on dirait presque exotique par la multiplicité des narrative qu’il permet, – une sorte de Conte des Mille et Une Nuits à tiroirs multiples : pétrole, désordre créateur, laïcs contre religieux, vieilles monarchies pourries flottant sur des dunes de dollars baignées d’un océan de corruption, développements mafieux et ainsi de suite. Avec le “printemps arabe”, l’ultime narrative historique est atteinte ; des évènements réels qui ne créent rien de stable mais accélèrent le mouvement, complètent le rôle fondamental de la communication et substantivent le tourbillon au son hollywoodien de la “démocratisation-droitdel’hommiste” ; c’est dire si l’on frétille au Guardian, chez Hillary et dans la superbe propriété marocaine de BHL. Voilà le tourbillon qui tourbillonne à propos de quelque chose, en défaisant des structures, donc en déstructurant sous les applaudissements généraux et généreux des salons, sans qu’il soit noté que cette déstructuration se fait aux dépens de structures (régimes Ben Ali, Moubarak, etc.) d’ores et déjà établies par le Système, ou entrées dans le fonctionnement du Système.… L’accélération ne cesse de se substantiver mais elle ne donne aucun effet substantiel qui pourrait prétendre même à présenter une situation nouvelle porteuse d’espoir de re-stabilisation, elle reste basée sur la communication et influe essentiellement sur les psychologies. La formidable accélération du temps historique, avant de créer des situations nouvelles, si elle en crée, – cela, c'est pour plus tard, pour après, – touche la perception et persuade les psychologies de cette accélération. Nous sommes tous (dans le Système ou comme antiSystème, ou les deux à la fois) à attendre, en l’espérant ou en la craignant, la “prochaine dernière” ou la “prochaine ultime”, – la prochaine crise, la prochaine guerre, la Grande Révolution Démocratique, la Grande Guerre, la Crise Finale, la Chute et ainsi de suite… Cette unification de l’attente psychologique est un phénomène remarquable, gage de l’accélération du temps historique. Nous attendons tous le Grand Evénement et ne cessons de presser le temps historique d’accélérer pour l’atteindre, alors que le temps historique ne produit plus rien sinon une sorte de “désordre paralysé et emprisonné”.

• Ainsi se concrétise de plus en plus rapidement et en un verrou qui ne peut plus avoir qu’une explication et une clef transcendantales, un blocage déjà largement anticipé par de nombreux penseurs, historiens, philosophes, etc. Une civilisation d’une telle surpuissance (nous la nommons “contre-civilisation” et elle est également baptisée Système, – on ne prête qu’aux riches et aux puissants) interdit toute alternative par succession ; aucune alternative d’une autre civilisation, aucune renaissance par une nouvelle civilisation n’est possible. (Ne parlons pas, bien entendu, de “révolution” ou de “réforme”, termes absolument dérisoires dans un tel déchaînement.) L’on sait pourtant que cette civilisation-là, la nôtre, la contre-civilisation, est absolument épuisée, vidée, absolument sclérosée et paralysée, à bout de sens exactement comme l’on dit “à bout de souffle” ; et, pour cette raison, devenue civilisation inéluctablement catastrophique puisqu’insensée et sans successeur possible, – et, d’abord, psychologiquement catastrophique, comme annonce et accélérateur de la catastrophe.

(On trouve, par exemple, cette idée chez Arnold Toynbee, – voir notre article sur “la civilisation-imposture” du 15 juillet 2002. Historien des civilisations, Toynbee observait une succession cyclique des civilisations (il en décompte 19), chacune d’entre elles “permettant”, à cause d’une circonstance historique ou l’autre, à la suivante de la remplacer, c’est-à-dire de la relayer, de poursuivre la chaîne ; mais la chaîne est en train de se rompre, observait Toynbee à la fin des années 1940… Il développa sur la fin de sa vie, – avec une prudence due sans doute à des raisons politiques sans grandeur, – l’argument que l’absence de sens de notre civilisation la rendait extrêmement vulnérable sinon promise à l’effondrement [autodestruction], alors que sa puissance technologique, sa surpuissance matérielle sans égale, interdisaient l’intervention de toute autre civilisation, donc tout espoir de succession et de régénération par une autre civilisation.)

• Ce blocage est verrouillé par la surpuissance du Système qui, à ce niveau historique général, se révèle ainsi également autodestructeur. Pour préciser la chose, on observera que le caractère déstructurant du Système que nous décrivons n’est pas le phénomène habituel des civilisations décadentes, se déstructurant passivement ou bien aidées en cela par la civilisation qui se pose en successeur. (Selon cette approche explicative classique, nous partageons sans restriction l’avis de Guglielmo Ferrero sur l’action déstructurante et dissolvante du Christianisme sur l’Empire romain ; dans sa Nouvelle histoire romaine (Hachette, 1936), Ferrero écrit: « …En effet, la nouvelle religion était pour l’empire une force dissolvante, car elle prêchait que le chrétien doit fuir les charges publiques, les honneurs, les fonctions qui mettaient sa foi en danger. Le Christianisme détruisait l’empire par l’abstention.») D’une façon complètement différente, le Système théorise et opérationnalise absolument la déstructuration, qui est nécessairement sa propre déstructuration au bout du compte puisqu’il est dominateur et comptable de tout, dans sa globalisation absolue, et sa propre déstructuration organisée par lui-même, si besoin en structurant lui-même.

(La théorie du “chaos créateur”, dénoncée avec une véhémence qu’on croirait presque fascinée et admirative par les adversaires du Système, est un exemple impeccable de la chose. Les neocons maniaco-dépressifs ont fait leur travail d’“idiots parfaitement utiles” et parfaitement autodestructeurs du Système, en appliquant la recette, en Irak notamment, où le résultat net, comptable, de la guerre, fut, selon l’économiste Joseph Stiglitz d’arriver à des dépenses dépassant $3.000 milliards et inversant complètement la recette-Système du renforcement économique par la guerre. Cette aventure compte pour beaucoup dans le déclenchement de la crise de l’automne 2008, et dans son caractère catastrophique. C’est ce qu’on appelle une déstructuration active, une autodestruction impressionnante d’efficacité. Cela, c’est sans précédent dans la psychologie de la chose, et bien sûr dans l’histoire des civilisations, puisque la guerre en Irak fut entreprise et acclamée comme la marque du triomphe de “l’Empire” [du Système] au faîte de sa puissance et nullement perçue comme un signe de sa décadence accélérée jusqu’à l’effondrement par autodestruction.)

• … Il en résulte pour ce point que l’histoire des civilisations telle que l’identifia Toynbee est bloquée, la chaîne est brisée. C’est la fameuse “fin de l’histoire” de Fukuyama, – prophète par inadvertance puisque sa prophétie annonce le contraire de ce qu’il dit, – par étouffement du seul acteur historique restant et du seul acteur historique possible dans les conditions historiques qu’il impose de toute sa surpuissance… Mais cet “acteur historique” unique (le Système) est un faussaire, car l’on sait bien qu’il est “extra-humain”, une entité échappant à l’histoire humaine. Le Système a triché et il a lui-même bâti sa propre impasse, il a tué l’histoire qu’il possédait et maîtrisait absolument, – surpuissance mais autodestruction…

• La seconde “cause conjoncturelle fondamentale” transformant “à mesure, en les haussant, les concepts qui sont définis ci-dessus (“résistance”, “autodestruction”), est donc une extraordinaire contraction de l’histoire, se transmutant en une Histoire fondamentale, ou métahistoire … L’accélération du temps historique dans l’impasse imposée par le Système fait tomber les masques en mettant en évidence l’impuissance de l’histoire à trancher le nœud gordien que constitue l’équation surpuissance-autodestruction du Système. Il est impossible de sortir de cette impasse autrement que par le haut puisque le reste n’est que néant et “désordre paralysé et prisonnier”. Le Système s’est découvert, les masques sont tombés… Les anciennes lignes de fractures, les affrontements qui pouvaient faire croire à un cheminement historique normal (Europe contre USA, “lutte contre l’impérialisme US”, etc.), sont marginalisées à une vitesse extrême et basculent aussi vite dans le domaine de l’inconnaissance ; il ne reste que le Système en lui-même, “le Système nu” comme on dit “le roi est nu”. L’histoire ainsi réduite au néant et au “désordre paralysé et prisonnier”, le Système identifié comme une entité échappant aux normes humaines, il ne fait plus le moindre doute que nous quittons l’histoire en lambeaux pour passer dans le domaine de la métaphysique de l’histoire, de la métahistoire, de l’Histoire majusculée pour faire bref… Ce basculement vers le haut nous conforte dans l’appréciation du Système comme entité non-humaine, puisque le Système reste toujours présent, comme adversaire unique et absolu, lui-même expulsé de l’histoire humaine après l’avoir saccagée comme un idiot capricieux et surpuissant fait d’une de ses possessions qu’il traite comme un jouet. En même temps, cette opération nous oblige à tout réviser de nos conceptions et de nos perceptions, politiques, idéologiques, religieuses, etc., avec le seul acte possible de lutter contre le Système (la “résistance”) puisque cet acte est directement lié au Système (seul moyen de “la résistance”, aider la force d’autodestruction du Système selon l’acte fondamental de l’aïkido), – et le Système devenu lui-même et à visage découvert, métahistorique et métaphysique. Puisque nous évoluons dans la métahistoire, tous les acteurs (toutes les forces) inclus sont eux-mêmes métahistoriques, et, principalement pour ce qui nous occupe, tout ce qui est antiSystème et systèmes antiSystème.

…Et tout cela, modestement, nous ramène à une posture opérationnelle recherchant le choix systématique de toutes les situations antiSystème, pour faire aïkido, – mais par le haut, certes, par la porte lumineuse de la métahistoire… Ainsi, se dit sapiens, alias “système antiSystème”, me voilà, à l’instar de monsieur Jourdain, faisant de la métaphysique sans le savoir.