Rasmussen a-t-il branlé du chef (dans le bon sens)?

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Comme d’habitude plein de verve, l’ambassadeur russe auprès de l’OTAN Dimitri Rogozine, parlant à Bloomberg.News le 2 septembre 2009, nous en apprend de belles. Il nous dit, simplement, que la Russie est prête à participer, avec les pays de l’OTAN, à la planification de la guerre en Afghanistan; non seulement, il le dit mais il semblerait, parfois, presque l’exiger…

Rogozine dit qu’il en a parlé, de cette idée, au nouveau secrétaire général de l’OTAN, le 11 août, et que celui-ci a semblé approuver, bref qu’il a branlé du chef, semble-t-il, dans le bon sens, disons de haut en bas.

«“It is in the interests of NATO to make Russia a permanent participant in all the discussions, professional discussions, closed discussions that are being held on Afghanistan in Brussels and Mons,” Rogozin said. […] Rogozin said he broached Russia’s proposals to Anders Fogh Rasmussen, a former Danish prime minister who became NATO secretary general on Aug. 11. Rasmussen responded with an “approving nod,” he said.

»Rasmussen gave his account of that Aug. 11 encounter at a briefing today in Brussels, calling it a “a very successful, very fruitful and very useful meeting.” NATO is “reflecting on which further steps could be taken,” Rasmussen said.»

Evidemment, du côté officiel, du moins des contacts officiels qu’on peut avoir avec la structure de l’apparence otanienne, les réponses sont prudentes et encombrées de conditionnel – mais pas inintéressée: «“It would certainly be appropriate to look at doing more on Afghanistan in the NATO-Russia Council framework,” alliance spokesman James Appathurai said by telephone in response to Rogozin’s proposals.»

Rogozine a la langue bien pendue et il doit bien aimer l’effet qu’on peut attendre de telle ou telle remarque qu’il laisse échapper, comme par inadvertance; comme celle-ci, où il nous rassure en nous disant que la Russie ne partira pas en guerre contre l’OTAN si l’on accepte pas sa proposition («Russia wouldn’t close off its airspace if NATO bars it from the war-planning discussions, Rogozin said, refusing to envision “such dramatic scenarios”») – pour déboucher sur une autre proposition:

«As part of a “new impetus” in NATO-Russia cooperation on Afghanistan, Rogozin also proposed a stepped up “dialogue of our intelligence agencies to break down terrorist and paramilitary networks, to localize their actions and ultimately neutralize them.”»

Les Russes ont bien compris que l’Afghanistan est devenu en quelques mois le calvaire et l’obsession des USA, en partie du reste du monde occidentaliste, de l’OTAN également par conséquent. Ainsi poussent-ils leur avantage en faisant de l’entrisme, car proposer de participer à la planification de l’OTAN pour ce qui concerne l’Afghanistan, c’est mettre un pied dans le saint du sain des structures de l’Alliance. Ils le font au nom de leur vaste expérience du domaine (même si la campagne de 1980-88 n’est pas une référence convaincante), de leurs intérêts communs dans la lutte contre le terrorisme, contre l’islamisme, etc.

Tout se passe comme si les Russes avaient incubé la nouvelle politique de l’administration Obama, et de l’OTAN par conséquent, malgré les fruits maigrichons qu’elle a donnés jusqu’ici. Du coup, leur tactique change et, de la distance critique, passe à l’entrisme arrangeant. Ce n’est pas une mauvaise idée. Aujourd’hui, les Russes ont intérêt à être partout avec les Occidentaux, notamment pour attiser, par leur présence, les différences et les désaccords qui ne manquent pas.

Certes, on ne doute pas qu’il y ait une part de pureté dans l’intention, que les Russes soient réellement préoccupés par la situation en Afghanistan, la question du terrorisme, etc. Il reste que la principale question est l’extension rapide désormais de la crise suscitée à l'Ouest par la guerre en Afghanistan, avec des échos et des effets bien différents selon les membres de l’alliance. Que les Russes le veuillent ou non, qu’ils le calculent ou pas, leur présence dans diverses enceintes occidentales concernant l’Afghanistan ou le reste est un facteur qui contribue indirectement à éclairer les tensions d’ores et déjà existantes entre Occidentaux. Comme quoi, l’OTAN sert à tout.


Mis en ligne le 4 septembre 2009 à 11H50