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107722 décembre 2010 — De tous côtés, il apparaît que le traité START-II sera ratifié, demain, par le Sénat des Etats-Unis. Selon Spacerwar.Com, relayant AFP le 21 décembre 2010 : «A landmark nuclear arms control treaty between the United States and Russia had enough backers Tuesday to win ratification by the US Senate, according to an AFP count. Nine of President Barack Obama's Republican adversaries have said in recent days that they will support the new Strategic Arms Reduction Treaty (START), and no Democrat has broken with the pact, giving the accord the votes to pass.»
D’une façon générale, le vote éventuellement favorable devrait être salué comme une grande victoire, et d’Obama, et du pouvoir bipartisan retrouvé aux USA, ce qui est une complète sottise de pure propagande politicienne bien entendu. Aucun autre commentaire ne mérite d’être développé pour ce point.
Plus intéressant est l’éditorial du Washington Times du20 décembre 2010. Le Washington Times a été et reste un adversaire constant de la ratification de START-II et, d’une façon générale, un journal de tendance républicaine dure assez proche des neocons. (L’éditorial a été rédigé alors qu’il restait une incertitude sur le sort de la ratification du traité. Les objections qu’on y trouve restent, pour les adversaires d’Obama, toujours valables quel que soit le vote de demain, et encore plus valable si le traité est ratifié.)
«On the critical linkage to missile defense, Mr. Obama sent a letter to the Senate on Sunday claiming the treaty “places no limitations on the development or deployment of our missile-defense programs.” Moscow directly contradicted this last spring when the Kremlin issued a statement that START II “can operate and be viable only if the United States of America refrains from developing its missile defense capabilities quantitatively or qualitatively.” It's curious why the White House isn't troubled by such a fundamental disconnect between prospective treaty partners. But instead of seeking clarity from Moscow, Mr. Obama is focusing on convincing senators there is no problem. Once the vote is taken, of course, Mr. Obama can do as he pleases.
»The gist of the issue is the treaty's preamble language, which states that the parties recognize “the existence of the interrelationship between strategic offensive arms and strategic defensive arms, that this interrelationship will become more important as strategic nuclear arms are reduced, and that current strategic defensive arms do not undermine the viability and effectiveness of the strategic offensive arms of the Parties.” Treaty supporters assert this language isn't operable but merely an embellishment.
»If that's the case, they should have no objection to an amendment striking the paragraph, or even just the reference to "current" strategic defensive arms. If the president is as good as his word on missile defense, he should have no objection, either. If treaty supporters do object, senators should stand firm against ratification until all the troubling secrets of START have been revealed.»
@PAYANT D’une façon générale, Obama a obtenu de belles victoires durant ces quelques semaines d’agonie du 111ème Congrès. Cela doit être salué comme il se doit par l’establishment un instant reconstitué dans l’ivresse de l’entente bipartisane. Hormis cela, tout cela est peanuts… Les “victoires” de BHO sont en général pavées de concessions draconiennes faites aux républicains qui scandalisent nombre de partisans du président (on les nomme des démocrates) et qui susciteront des affrontements graves chez les républicains du 112 ème Congrès (celui qui commence le 1er janvier 2011)…
(Sur le cas intéressant de la loi prolongeant l’exemption d’impôts pour les contribuables disposant de hauts revenus, point sur lequel Obama a une fois de plus employé sa tactique coutumière de céder l’essentiel aux républicains, il faut lire le commentaire de l’ultra-républicain Jeffrey T. Kuhner, dans le Washington
Mais passons au plat de résistance : le traité START. Demain, ce sera sans doute, – à moins d’une surprise de dernière minute, – une “victoire diplomatique majeure” pour Obama et pour le pouvoir washingtonien. C’est-à-dire qu’il en sera ainsi jusqu’au 31 décembre 2010. Ensuite, sera ouverte la chasse aux canards. On sait que les dernières manœuvres autour du traité ont été accompagnées d’une lettre d’Obama aux républicains, leur promettant un programme complet d’antimissiles. Comme nous avons fait nous-mêmes, le Washington Times cite des termes de cette lettre et les compare aux termes d’une déclaration officielle russe du printemps dernier, tout cela autour du passage du préambule du traité liant vaguement les missiles offensifs aux missiles antimissiles. Il est difficile de trouver quelque concordance que ce soit entre les deux interprétations.
On peut être assurés que les systèmes antimissiles seront l’argument fondamental de sécurité nationale de toute la droite interventionniste et belliciste US dès le 1er janvier 2011, dans les débats au Congrès. Il s’agira d’un instrument idéal, pour lui-même d’une part, à cause du poids politique (anti-russe, anti-iranien, pro-OTAN, etc.) que cette affaire implique, pour peser d’autre part avec le plus de force possible contre les réductions de dépenses de défense qu’une partie des élus républicains veulent lancer, en mettant enfin Obama en difficultés avec les promesses contenues dans sa lettre. Le programme antimissiles va devenir un sujet de division au sein du parti républicain lui-même, une arme d’attaque contre Obama et ses promesses pour “acheter” les votes républicains, un point central du débat sur les réductions du budget militaire et ainsi de suite.
D’une façon plus générale encore, et encore plus intéressante, ce débat sur les antimissiles va constituer effectivement un biais incontournable pour conduire à un débat sur les dépenses de défense, autant que sur l’essence même de la politique extérieure des Etats-Unis. Et ce débat se fera dans des conditions explosives, entre les partisans de la poursuite de cette politique sans aucune restriction, et même au contraire avec des buts et des ambitions renforcés, et les partisans d’une réduction du déficit qui doit passer par des réductions des dépenses publiques qui concernent évidemment la défense et cette politique expansionniste. A ce moment-là, nous serons bien loin de l’euphorie qui, normalement, devrait accompagner le vote de ratification de demain.
La partie russe, maintenant, ou plutôt la partie internationale du traité. La Russie se réjouira de la ratification probable du traité START-II, sans le moindre doute, mais, également, espérons-le pour elle, sans la moindre illusion. (La Douma devrait ratifier à son tour le traité START avant la fin de 2010 si le Sénat US le ratifie.) En fait, la particularité de ce traité qui prétendrait par son cadre et sa structure assurer la continuité des grands traités stratégiques USA-URSS et USA-Russie (successivement, avec plus ou moins de succès, SALT-I, SALT-II, START-I), est qu’il apporte au contraire une rupture de cette continuité.
L’objectif des grands traités stratégiques nucléaires à deux était d’assurer une stabilité entre les deux principales puissances nucléaires. Ils devaient constituer un tout embrassant la situation stratégique des deux puissances dans son ensemble. Pour cette raison, dès le départ (traité SALT-I de 1972), il inclua dans ses contraintes de limitation les systèmes antimissiles qui, avec leurs capacités théoriques contre les missiles stratégiques offensifs à longue portée type ICBM, pouvaient interférer dans l’équilibre établi entre ces missiles offensifs. De ce point de vue, l’exigence russe d’inclure les systèmes antimissiles dans le nouveau traité START-II était fondée, mais elle n’a pas été vraiment rencontrée, ou bien elle a été rencontrée de la plus détestable des façons, par une observation de préambule écrite en des termes si vagues que chacune des parties peut l’interpréter à sa façon, l’une et l’autre radicalement contraires, et qu’elles ne s’en privent pas. On peut donc dire que ce nouveau traité START est différent en substance des grands traités stratégiques qui précédèrent, et on a vu plus haut de quelle façon polémique il peut l’être et il le sera sans aucun doute, avec l’agitation concernant les antimissiles du côté US.
Pire encore, il est encore plus fondamentalement différent des traités précédents en ce sens qu’il concerne nécessairement la situation européenne, justement à cause de cette affaire des antimissiles. L’ambigüité fondamentale de l’affaire des antimissiles est que, d’un côté (côté US), elle est située comme complètement en dehors du nouveau traité START puisqu’elle est présentée dans le cadre d’une prévention contre d’hypothétiques missiles de pays dits “voyous” par les USA, principalement l’Iran. Les Russes, eux, estiment que ces antimissiles, quelle que soit la mission qu’on leur assure selon une rhétorique opérationnelle de circonstance, peuvent servir dans des missions d’interception contre des missiles russes. Cette observation vaut certainement pour la quatrième phase, dans le programme théorique exposé par Obama dans sa lettre aux sénateurs républicains, qui concerne l’interception des missiles stratégiques à longue portée (ICBM) à organiser autour de 2020.
Tout cela est bien entendu purement théorique et les résultats obtenus jusqu’ici par les divers essais de missiles antimissiles font douter fortement que tous ces programmes puissent être menés à bien. Mais l’équilibre stratégique nucléaire est construit quasi entièrement sur des capacités théoriques puisqu’il est fait pour interdire tout affrontement stratégique nucléaire, et ce sont ces capacités théoriques qui entrent en ligne de compte. Par conséquent la question des antimissiles va jouer un rôle central, non pas de stabilisation mais de contestation, dans le cadre prétendument stabilisé du traité START.
C’est là que l’Europe entre en scène puisque tous les pays de l’OTAN se sont imprudemment engagés (à Lisbonne, le mois dernier) dans un programme antimissiles OTAN qui sera nécessairement une partie du programme US, ou coordonné avec celui-ci, et un programme OTAN sur lequel les USA voudront avoir la haute main et l’auront. Ainsi l’OTAN et les pays européens entrent-ils par la grande porte dans une voie de contestation stratégique qui implique leur tuteur américaniste d’une part, leur partenaire russe d’autre part. La “solution” trouvée par l’OTAN et les USA (l’administration Obama), c’est-à-dire la coopération OTAN-Russie, est une façade sympathique de pure communication qui ne tiendra pas une seule seconde devant les exigences du Pentagone et les débats cruels qui auront lieu au Congrès, où tout le monde (Pentagone et Congrès) se retrouvera d’accord pour exiger un complet contrôle des systèmes antimissiles par les USA. L’administration Obama, d’une faiblesse indescriptible, ne pourra que céder. On entrera alors en plein dans le domaine de la contestation, voire de la confrontation, entre les USA et la Russie. L’Europe se trouvera au milieu de ce désordre contradictoire, une fois de plus sans unité, sans stratégie, sans coordination, embarquée dans un programme OTAN sur lequel elle n’aura aucun contrôle, etc.
La situation qui se dessine est la pire possible pour à peu près tous les partenaires, y compris l’administration US dans sa situation présente, – et mise à part bien sûr l’industrie d’armement US et ses commanditaires, aux USA et en Europe, soi disant idéologues et sans aucun doute fort bien rémunérées. C’est la situation du désordre, de la compétition, de la sujétion, etc. Mais il n’y a rien qui puisse étonner personne. Finalement, il s’agit d’un prolongement logique dans une situation général effectivement caractérisée par le désordre, où la situation de la sécurité européenne aussi bien que les rapports entre la Russie et les USA font partie, malgré toutes les tentatives, de la structure crisique de plus en plus eschatologique qui caractérise aujourd'hui les relations internationales et les différentes politiques suivies.
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