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1145Comme à l’habitude, l’observation d’Antigone («Dieu me garde de mes amis; mes ennemis je m'en charge») reste fraîchement d’actualité. Les Israéliens sont en train d’en faire leur appréciation favorite à propos du président français. Après tout, Sarkozy est censé être un de leurs amis, il l’a proclamé hautement et on l’a hautement proclamé pour lui. Mais la dernière de Sarko a tout de même fortement secoué le petit monde politique israélien.
Haaretz de ce 30 juin 2009 rapporte les principaux éléments de l’affaire, d’après des révélations, hier, de la chaîne TV Channel 2. Elles concernent des interventions extrêmement abruptes de Sarko, faites à l’intention du Premier ministre israélien Netanyahou qui le visitait la semaine dernière à l’Elysée. Le président français lui a carrément conseillé, – peut-être oserait-on dire, si cela était possible, ”intimer le conseil”? – de se débarrasser vite fait de son ministre des affaires étrangères, l’insupportable et imbuvable Lieberman, et de le remplacer par l’ancienne ministre des affaires étrangères, Tzipi Livni, avec laquelle Sarko semble avoir beaucoup plus d’affinités.
«During the premier's visit to Paris last week, Sarkozy urged Netanyahu to “get rid” of hard-line Foreign Minister Avigdor Lieberman, Channel Two reported on Monday. […]
»Sarkozy spent a good portion of his meeting with Netanyahu last Wednesday discussing the composition of the Israeli official, according to the report. The presence of three other Israeli officials at the meeting did not deter the French leader from expressing his true opinion of the foreign minister, said Channel Two.
»The French president reportedly told Netanyahu that while he usually scheduled talks with Israel's top foreign envoys on visit to Paris he could not bring himself to meet with Lieberman. According to Channel Two, this statement was accompanied by disparaging hand gestures.»
»Sarkozy then advised Netanyahu to fire Lieberman and bring former foreign minister Tzipi Livni back into the coalition, according to the report…»
L’affaire n’est pas du tout cantonnée dans le seul domaine des révélations de la presse. Elle est devenue publique et politique en Israël, avec des prises de position officielles, et une certaine tension à l’intérieur du gouvernement du fait que Netanyahou n’a pas répliqué plus vertement aux interventions du président français.
«“It is hard to believe that the leader of a friendly country would express himself in such a way,” Infrastructure Minister Uzi Landau told Army Radio on Tuesday. “If I was the prime minister, and those statements were made in my presence, I would have banged on the table and protested,” Landau told Army Radio. “That is how a prime minister who preserves his country's dignity should behave.”
»The Foreign Ministry responded to the report by lambasting the French leader for his “intolerable intervention in internal Israeli affairs.” […]
»The prime minister's bureau did not respond to Sarkozy's remarks nor deny them, but the office of Foreign Minister Avigdor Lieberman did respond with a strong condemnation. “If the words attributed to the president of France are correct, the interference of a president of a respected democratic state in the matters of another democratic state is a grave and intolerable thing. We expect that that regardless of political stance, every political body in Israel will condemn this callous attack by a foreign state in our domestic affairs.”»
Effectivement, Sarkozy “meilleur ami des Israéliens” pour un président français, depuis longtemps, du moins en affirmations répétées; d’autre part, de telles interventions ont de quoi faire s’interroger les Israéliens sur la sorte d’“ami” qu’est le président français. Après tout, consacrer une partie très importante d’une rencontre qui avait des buts bien précis, du point de vue israélien, à lancer des récriminations violentes qui constituent évidemment une étonnante ingérence dans la situation du gouvernement israélien, voilà qui n’est pas très productif en fait d’amitié.
Sarkozy a, à côté d’alignements très conformistes qui sacrifient sottement et aveuglément une partie importante de l’originalité de la politique gaulliste traditionnelle, tout un côté de lui qui, par instants, semble complètement contrebattre cette tendance, tout en semblant, ou croyant rester dans l’orientation prétendument choisie. Ses “sorties” peuvent être aussi bien considérées comme de l’humeur (probable) ou comme un calcul délibéré (beaucoup, beaucoup moins probable), – ou un mélange des deux, après tout (un calcul délibéré qui sombre dans le mouvement d'humeur). Il semblerait, comme il l’avait dit pour les USA et comme il lui arrive de le faire, que le fait de l’affirmation de l’“amitié” semble en soi un encouragement à ne pas ménager les critiques.
D’une certaine façon et d’une façon un peu paradoxale, ce comportement installe une extrême fragilité dans la perception que les “amis” ont de l’engagement en leur faveur de Sarkozy. On peut considérer que les Russes, par exemple, ont certainement moins à se plaindre de Sarkozy par rapport à ce qu’ils en attendaient, que n’en ont les Israéliens; dans le cas russe, peut-être Sarkozy, n’ayant pas la licence de l’“amitié” hautement affirmée, mesure-t-il avec plus de circonspection ses actes et ses paroles, avec le respect de la souveraineté des autres, ce qui permet de progresser de façon beaucoup plus constructive. Le constat est alors une appréciation paradoxale du personnage: ce n’est pas du tout un avantage, dans le champ des relations internationales, d’avoir Sarkozy comme “ami”. Dans ce cas, on a surtout le cadeau d’une humeur fantasque et de l’absence de considération pour le cadre et les principes des relations internationales. Eh bien, c’est sans doute la façon de Sarkozy de perpétuer l’“exception française”; on fait avec ce qu’on a.
Mis en ligne le 30 juin 2009 à 17H51
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