Rogozine, ou un mot pour le dire

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Nous avons déjà cité ce mot d’un haut fonctionnaire européen, pour désigner la façon dont les Russes traitent, aujourd’hui, les Américains, – «Comme des chiens…» En ce sens, et en un seul mot, Dimitri Rogozine, ambassadeur de la Russie auprès de l’OTAN, ne mâche pas les siens pour dire ce qu’il pense de la “politique” américaniste d’un projet d’anti-missile l’autre, le dernier accès d’acné à cet égard étant l’accord avec la Roumanie.

…Le mot étant (voir Spacewar.comw du 10 février 2010) que l’ours russe finira bien par leur “botter le cul”, – en russe, avec traduction anglaise policée…

«Russia's ambassador to NATO said Wednesday in a post on his Twitter feed that the proverbial Russian bear would “kick the ass” of the United States and its allies if cornered by a new US missile shield.

The ambassador, Dmitry Rogozin, posted the message in response to recent reports that Moscow's Cold War ally Romania had agreed to host interceptor missiles as part of a revised US missile defence system.

»“The Americans and their allies again want to surround the cave of the Russian bear?” Rogozin tweeted, along with a link to a news report about the Romania decision. “How many times must they be reminded how dangerous this is!? The bear will come out and kick the ass of these pathetic hunters,” he added in his next tweet, writing in Russian.

»An English translation of the same two tweets on Rogozin's Twitter feed omitted the vulgar language, however, warning that the Russian bear would “beat up” the hunters.»

Notre commentaire

@PAYANT Ce mot était-il nécessaire? Pas vraiment, mais il n’est certainement pas déplacé, et, après tout, excellent résumé du sentiment russe de mépris pour l’évolution américaniste, pour cette espèce de politique robotisée, guidée par la seule fascination pour la quincaillerie, tout cela réalisée d’une façon absolument nihiliste, sans le moindre souci d’intelligence de coordination. Par conséquent, bravo Rogozine, par ailleurs l'un des premiers à avoir justement défini la politique occidentale sous le terme de “technologisme”.

Il y a un mois exactement, le 11 janvier 2010, Rogozine avait signé un article dans l’International Herald Tribune à la gloire de la coopération entre la Russie et l’OTAN face au danger islamiste commun en Afghanistan. L’article était sans doute peuplé d’arrière-pensées, comme souvent chez Rogozine quand il calibre une réflexion si parfaitement ajustée pour obtenir l’effet diplomatique attendue. Cela avait été le cas, et on avait apprécié à l’OTAN cette réflexion comme le signe sans le moindre doute d’une coopération fructueuse avec la Russie. Il s’agissait du signe d’un effort encore en cours chez les Russes pour renforcer cette coopération avec l’Ouest, où les deux parties devraient trouver leur avantage. Un mois exactement plus tard, on en est à commenter le mot méprisant et sarcastique (“vulgaire” dit le commentaire cité plus haut) du même Rogozine, exprimant un degré de plus dans le renforcement du sentiment de mépris qui domine de plus, chez les Russes, à propos de la politique des USA, de l’OTAN, etc.

L’extraordinaire inconséquence de la “politique” éclatée des USA, notamment vis-à-vis de la Russie, alors que le président Obama ne cesse de s’affaiblir lui-même en montrant combien il a besoin d’elle, présente un cas étonnant de dégradation systémique, aveugle, nihiliste, de relations dont par ailleurs on clame la nécessité qu’elles doivent s’améliorer à tout prix. Les Russes finissent par réagir avec une brutalité de moins en moins déguisée, sans que personne ne semble vraiment y prendre garde, – sauf, par moments, telle ou telle politique nationale, essentiellement de quelques pays européens (France, Allemagne, Italie).

Il est fort possible que cette étrange situation qui marie une coopération obligée où l’Ouest en tant que tel (OTAN et USA) est demandeur (Afghanistan, START-II, Iran), et une montée des invectives, notamment de la part des Russes qui ne supportent plus l’inconséquence d’“en face”, dépasse le stade de l’anecdotique, comme ce mot de Rogozine, pour atteindre à des situations de substance. L’Occident étant à la fois engagé dans une nécessité de coopération avec la Russie, avec une Russie qui réagit de plus en plus durement, on peut effectivement parvenir à une situation où c’est l’Occident lui-même qui va se trouver confronté à des choix à l’intérieur de lui-même, entre ses parties, ou ses membres. Certes, l’Occident pourrait être conduit par les conditions que poserait la Russie à la poursuite de la coopération, à devoir choisir entre la poursuite de cette coopération et le distanciement de la politique erratique de Washington, ou le contraire… En d’autres mots, la montée de cette étrange “tension dans la coopération”, avec la responsabilité de cette tension pour un seul des pays occidentaux, le plus américaniste de tous, pourrait effectivement susciter de graves dissensions entre ces pays de l’Ouest.

Il n’est pas assuré que les Russes, qui ont jusqu’ici, depuis la résolution de la crise géorgienne et l'arrivée d'Obama, joué un jeu assez net de coopération équilibrée avec tous, soient encore conscients de l’opportunité éventuelle qui pourrait s’ouvrir. Ils pourraient s’en apercevoir assez vite. Ils pourraient retrouver, cette fois dans des conditions infiniment meilleures que dans telle ou telle occasion où cette opportunité s’est déjà présentée, une situation où ils auraient l’occasion de diviser gravement l’Occident sur la question des relations avec la Russie, et, plus précisément, les USA et certains pays européens. Ce “vieux jeu”, dont on a déjà connu bien des épisodes, pourrait connaître une résurgence soudaine et puissante.


Mis en ligne le 11 février 2010 à 19H43