Ron Paul vers une candidature indépendante en 2012…

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C’est un événement important dans la campagne présidentielle 2012 aux USA, cette déclaration faite par Ron Paul à Fox.News la semaine dernière, selon laquelle il n’écarterait pas une candidature en tant qu’indépendant, ou troisième candidat principal en plus des deux candidats des deux ailes du “parti unique”.

C’est Russia Today (RT) qui consacre, ce 28 octobre 2010 un commentaire à cette “nouvelle” qui n’a guère été présentée ailleurs. Au reste, on observe que la déclaration reste extrêmement imprécise, dans le but clairement exposé par Ron Paul lui-même de ne pas réduire les chances qu’il a d’être désigné comme le candidat officiel du parti républicain, – maigres chances, certes, mais qui semblent dans l'esprit de Ron Paul n'en exister pas moins.

Voici la version directe que donne RT de l’intervention de Paul : «During a round panel with reporters this week, Paul was pegged with whether or not he would consider running for president should the GOP give their nod to another candidate. “Everybody in this town thinks there is going to be a third-party candidate. An independent candidate,” Fox’s Juan Williams said during a broadcast of the station’s Special Report program. “If you don't get the Republican nomination, could that independent candidate be Ron Paul?”

»Paul responded by saying that it would undermine his current run with the Republican Party but he wouldn’t eliminate the possibility of switching affiliations later on in the race.»

Plus loin, RT revient à nouveau sur ces déclarations, les conditions où elles ont été faites, etc., d’une manière qui ne dissimule pas qu’il s’agit d’un cas extrêmement délicat pour Ron Paul… On joue presque sur les mots et sur les temps d’emploi des verbes (“Je jure que je n’ai pas l’intention de faire cela [être candidat indépendant]”, ce qui peut se comprendre : “Je jure pour l’instant présent…”, sans engager l’avenir).

«When Williams specifically called on Paul to acknowledge running as an independent, the congressman was quick to shoot down any hard confirmations. He did, however, acknowledge that it could be a possibility. “I'm running for president in the Republican party, I'm doing very well. And last time they wondered about it, but, you know the whole thing is, is boy the people are really frustrated,” he said. “You go to New Hampshire there are more independents then Republicans or Democrats.”

»“But what you're saying is you are not saying that you will not run as an Independent,” asked Williams, to which the congressman responded, “I pledge that I have no intention of doing it.” Upon further nagging, Paul said he is willing to waver and wobble in his life and could consider leaving the GOP if need be.»

Ici, l’on doit rappeler que Ron Paul a toujours catégoriquement rejeté l’idée d’être un candidat indépendant. Il y a chez lui un aspect de fidélité au parti républicain, qui a joué un rôle puissant, qui a peut-être oblitéré son jugement en fonction de l’évolution de la situation. La plus récente déclaration à ce propos que nous ayons relevée date du 15 août 2011, et encore est-elle de son porte-parole et non de lui-même. L’on note tout de même certaines nuances à peine perceptibles, essentiellement parce que l’on se trouvait devant la démonstration in vivo de la difficulté pour Paul d’être nommé par le parti républicain, à cause du “complot du silence” engendré naturellement par le système de la communication utilisé dans ce cas par le Système. L’on se trouvait en pleine polémique dite “Ron Paul Blackout” (voir le 18 août 2011), provoquée par le scandale de l’ignorance des médias, de la candidature Ron Paul alors que Ron Paul se classe régulièrement dans les trois premières places, et assez souvent la première, dans les différentes opérations d’évaluation et de sondage. Donc, le Washington Post rapportait, le 15 août 2011, ceci :

«Texas Republican Rep. Ron Paul’s presidential campaign said Monday that he’s very unlikely to run for president as a third-party candidate. “We don’t deal in absolutes, but there’s virtually zero chance,” said Paul campaign manager Jesse Benton. “He has no plans, no interest. It’s as close to zero as it can be without absolutely ruling it out.” […]

»Benton noted, though, that the practicalities of running a third-party campaign make it very difficult to seek the GOP nomination first. Some states, for example, require that a candidate filing for a primary under one party’s banner sign a pledge promising to not run with another party in the general election. “You have to make a decision pretty early on which way you’re going to go,” Benton said, “and he’s chosen to stay in the Republican Party.”

»There is also plenty of reason for Paul not to do something that would irritate the Republican Party. His son, freshman Sen. Rand Paul (R-Ky.), is a rising star in his own right and could have presidential designs of his own. If the elder Paul were to ruin the GOP’s chances of winning the presidency next year, it could compromise the younger Paul’s standing in the party.

»Altogether, it makes a third-party bid from Ron Paul intriguing but very unlikely.»

Si l’on travaille dans l’interprétation des nuances et si l’on tient compte de l’évolution ultra-rapide de la crise d’effondrement des USA, on peut avancer des commentaires assez précis de la position de Ron Paul. On peut également, d’ores et déjà, prédire que les chances sont désormais importantes, sinon très importantes, que ce “virtuellement zéro chance” que Paul devienne candidat indépendant se transforme en son exact contraire. Le handicap d’avoir à “prendre une décision [d’être indépendant] très rapidement” que signale Benton est en train de fondre au feu de l’extension ultra-rapide de la crise et de la débâcle poursuivie du parti républicain officiel. Nous devons en effet considérer ces éléments plus précisément…

• L’avancement ultra-rapide de la crise est une évidence de tous les jours, entre l’aggravation constante de la politique des USA, d’abord intérieure avec les conditions socialo-économiques, financières et budgétaires, toutes catastrophiques ; avec l’émergence ultrarapide et puissante d’un mouvement populaire, sinon populiste, de contestation (OWS et le reste). Sur le plan extérieur, qui est un autre point fort de Ron Paul (sa position anti-guerre et de désengagement), les événements s’aggravent également, d’une façon générale (voir Willam Pfaff), mais aussi pour la situation en Afghanistan, avec une impopularité de la guerre aux USA, au plus haut avec 63% d’opposition contre 34% d’approbation, avec 58% d’Américains comparant cette guerre à celle du Vietnam (voir le Guardian du 29 octobre 2011). Pour Ron Paul, cette aggravation représente un appel puissant pour sa présence dans la course finale à la présidence, encore plus pour sa conscience d’être le seul à proposer un programme de rupture avec nombre d’engagements catastrophiques du Système, que par ambition politique…

• La situation dans le parti républicain est absolument chaotique, le “favori” du Système, avec les manipulations des sondages qui vont avec, virevoltant à une rapidité révélatrice de ce chaos. Successivement on a eu Romney, Bachmann, Perry, Cain, etc., avec chacun des “favoris” s’écroulant successivement au profit d’un nouveau-venu sans le moindre intérêt – tous, sauf Ron Paul, naturellement, le seul à tenir une position cohérente, à disposer d’une base populaire puissante, de rentrée d’argent uniquement par donations populaires assez suffisantes pour conduire une campagne à son terme…

• Les démocrates ne sont pas vraiment mieux lotis. Obama continue sa politique sinueuse d’ultra-prudence politicienne, continuant à travailler selon ses principes de “politics as usual”, avec les méthodes habituelles de corruption politiciennes si en vogue lorsqu’on est issu du monde politique de Chicago, alors qu’il devrait être le premier à comprendre que l’effondrement général est en cours, tout autour de lui et sous lui. On se demande quel miracle et quel cataclysme pourraient forcer cet homme qui emploie toutes ses qualités et toute son intelligence, abondantes dans l’un et l’autre cas, à rester désespérément ancré dans la bassesse et la médiocrité du Système. Avec l’ambiance “OWS et le reste” qui ne provoque chez lui aucune réaction tranchée, le parti démocrate doit évoluer de plus en plus vers une situation de schisme fondamental, entre les fidèles-Système et ceux qui prennent de plus en plus décisivement leurs distances de leur président-Système. On comprend, dans ce cas, le formidable attrait qu’aurait une candidature indépendante de Ron Paul, notamment pour le groupe démocrate soutenant OWS, – Paul, l’un des rarissimes républicains à avoir exprimé une opinion nuancée, sinon favorable sur le mouvement Occupy Wall Street dès l’origine. (Ainsi existe une opportunité que pourrait être faite, par le haut, l’unité populiste entre Tea Party et OWS, un des nombreux cauchemars en cours du Système… Ce serait à Ron Paul de jouer, ce qui est néanmoins une tactique délicate pour lui à cause de ses engagements idéologiques de libertarien marqués.)

Les déclarations de Ron Paul sont assez paradoxales et, dirions-nous, cousues de fil blanc. Lorsqu’il fait dire puis lorsqu’il dit expressément qu’il ne veut rien dire sur une candidature indépendante parce que les règles du parti républicain, à partir des primaires officielles, demandent un engagement solennel à tout candidat à la désignation de ne pas s’engager dans une voie indépendante pour la campagne en cours, il laisse clairement entendre que le seul obstacle à cette option indépendante est simplement de forme et non plus de fond. (Ce n’était pas le cas il y a encore un an, où Ron Paul repoussait cette option au nom d’un principe de fidélité au parti républicain.) Qu’est-ce qui a fait évoluer Ron Paul ? La réponse est aveuglante, entre la fureur anti-Paul des caciques du système républicain d’une part, et l’aggravation stupéfiante de la situation qui travaille objectivement pour une candidature indépendante.

Le seul espoir de Ron Paul, à l’intérieur du parti républicain, c’est que la crainte d’une candidature indépendante de Ron Paul, qui pulvériserait le candidat républicain et ferait se jouer l’élection entre Obama et Paul, pousse ce parti à la raison et fasse cesser le “Ron Paul blackout”. Mais c’est croire que le parti républicain raisonne normalement, d’une façon rationnelle, qu’il contrôle les choses dans ce cas, ce qui n’est certainement pas le cas… Comme le Système, le parti républicain suit évidemment le processus d’autodestruction en cours. On pourrait dire que le parti démocrate, avec le brillant anti-stratège Obama, fait de même, et ainsi le scène nationale US est-elle prête pour une candidature indépendante, éventuellement celle de Ron Paul. (Dans ce cadre de crise d’effondrement, l’argument du Washington Post sur la nécessité de ne pas contrarier le parti républicain pour protéger son fils Rand est dérisoire. Nous n’en sommes plus à ces calculs d’épicier, même pour la bonne cause familiale.)

Nous n’envions pas la position actuelle de Ron Paul, qui implique une décision assez rapide pour une candidature indépendante, avant de s’enfermer dans les règles staliniennes du processus du parti républicain. A notre sens, pourtant, cette décision est objectivement évidente (ce que nous n’aurions pas écrit il y a un an, six mois, ou même quatre mois, – accélération de la crise et de l’Histoire oblige). Objectivement toujours, Ron Paul n’a plus vraiment de choix, avec son énorme capital de popularité et de moyens populaires, hors-Système, son programme de rupture, son image d’homme intègre, sa conscience aigue de la gravité de la crise qui frappe les USA ; toujours objectivement considéré, il ne peut qu’être conduit à choisir une candidature indépendante, c’est-à-dire populiste au sens US du terme, c’est-à-dire, d’une façon plus ample, une campagne “gaullienne” si l’on veut de rassembleur de l’unité nationale à l’heure des plus grands dangers. C’est pourquoi nous avons pris le pari de ne pas nuancer notre titre d’un point d’interrogation. Cela bien affirmé, rien n’assure que nous ne nous trompions pas, certes… ; rien n’assure, parlant de la manufacture humaine et de la matière politique, que Ron Paul prendra cette décision, tant celle-ci, si elle est objectivement évidente, est humainement et politiquement un choix tragique, fondamental voire révolutionnaire et bouleversant pour lui. (On ne peut pas oublier que Ron Paul, constitutionnaliste achevé, est un homme qui tend au respect d’un système de l’américanisme dont il juge qu’il dispose de vertus fondamentales venues des Pères Fondateurs même s’il est aujourd’hui complètement subverti et en cours de dissolution. Il reste un républicain libertarien dans l’âme, et cela peut constituer évidemment un grave handicap pour une candidature qui devrait, par définition, se présenter comme d’union nationale, c’est-à-dire au dessus des engagements partisans.)

…Au reste, même dans cette hypothèse d’une décision dramatique d’une candidature indépendante, nous ne signifions pas une seconde qu’en cas de victoire de Paul, les USA seraient sauvés. Au contraire, une telle candidature et une telle victoire accéléreraient, par les réactions brutales et incohérentes du Système, l’effondrement et la dissolution de ce même Système, sans doute jusqu’au point de rupture ; cela aurait effectivement bien des chances de briser fondamentalement et structurellement les USA. Ce serait le scénario de l’American Gorbatchev” qu’Obama a repoussé jusqu’ici avec une constance remarquable, mais ce scénario dans des conditions bien plus dramatiques de celles de l’URSS de 1985-1991. Tant il est vrai que subsiste cette vérité de la modernité : les USA, phare de cette modernité font tout plus vite et plus radicalement que les autres, et leur effondrement par conséquent.


Mis en ligne le 31 octobre 2011 à 05H26