Russie et Iran font QG anti-Daesh commun en Irak

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Russie et Iran font QG anti-Daesh commun en Irak

Par un canal de communication complexe nous est parvenue la nouvelle que la Russie et l’Iran auraient établi dans l’hôtel Al Rasheed de Bagdad un quartier-général commun pour lutter contre les islamistes de ISIS/Daesh/EI. La nouvelle, extrêmement succincte, est donnée par une agence de Bakou en Azerbaïdjan (Temkin Jafarov, pour l’agence Trend, le 23 octobre 2014), relayant une agence iranienne. Malgré cette brièveté, les détails donnés sont suffisamment significatifs pour accorder à l'information un réel crédit et considérer qu’elle rend compte d’une situation établie. Au reste, elle confirme des rumeurs venues précédemment, de sources irakiennes également, évoquant en termes moins précis une coopération opérationnelle entre l’Iran et la Russie.

Voici les termes de la dépêche de Trend, concernant précisément ce “QG commun” Iran-Russie ... «Iran and Russia created a joint operations headquarters to fight the Islamic State (IS) terrorist organization in Iraq, the Iranian Tasnimnews agency reported citing an Iraqi source. Reportedly, the Iranian and Russian military experts are helping the Iraqi commanders in the fight against the IS. “Over 60 military experts from Russia and Iran created a joint operations headquarters in the Al Rasheed Hotel in the Iraqi capital of Baghdad,” the report said.»

Il s’agit d’une nouvelle très significative, malgré sa brièveté pour ce qui est du volume de la communication, – à cause de sa brièveté pour ce qu’elle nous dit de la situation qu’elle illustre. L’ensemble contraste avec le tintamarre de communication qui a éclaté peu après l’attaque d’ISIS/Daesh en Irak, en juin dernier, à propos d’une possible coopération entre l’Iran et les USA, qui s’est réduite finalement à quelques contacts épisodique sans rien de structurel ni de sérieux. Ainsi la nouvelle permet-elle d’avancer plusieurs observations sous forme d’hypothèses largement substantivées...

• L’Iran et la Russie s’entendent pour agir avec la plus extrême discrétion, surtout quand il s’agit de leur coopération éventuelle, après plusieurs années où les deux pays proches par les conceptions et les positions politiques avaient pourtant établi entre eux une certaine distance à cause de l’attitude réservée de la Russie (non-livraison des missiles sol-air S-300). La Russie s’inscrivait alors, de facto, au sein de la “communauté internationale” exigeant de l’Iran une modification de sa politique nucléaire. La crise ukrainienne est passée par là : les Russes subissent désormais la politique des sanctions du bloc BAO et se trouvent, toujours de facto, plus proches de l’Iran, à la fois opérationnellement et intellectuellement (“on se comprend mieux”). De toutes les façons, la Russie a officiellement fait comprendre qu'elle a désormais une politique de non-coopération avec le bloc bAO (voir le 17 octobre 2014).

• Pour autant, la coopération Russie-Iran doit prendre effectivement à la fois des allures ponctuelles et un ton très discret, qui sont bien dans la manière des deux pays. Il s’agit d’abord de déterminer ponctuellement un intérêt commun, et autant la Russie et l’Iran l’ont trouvé dans la lutte contre l’EI ; mais une fois cet intérêt commun établi, la coopération devient très vite effective, opérationnelle, très efficace ... Il s’agit de ce qui pourrait devenir un “partenariat stratégique” extrêmement réaliste et préservant les indépendances respectives mais de première importance, par exemple si les deux pays déterminent dans un cas opérationnel ou l’autre que le bloc BAO est leur ennemi commun “à visage découvert”, et qu’il est impératif de réagir de façon significative.

• Ces divers constats confirment la thèse inverse à celle, répandue et favorisée cet été autant par les USA que par l’Arabie, que l’Iran évoluait très vite vers le bloc BAO et qu’il pourrait se placer, par des infrastructures diverses, comme concurrent décisif de la Russie dans l’alimentation en gaz de l’Europe. Cette idée avait d’ailleurs été largement marginalisée par le ministre iranien des affaires étrangères, expliquant que, de toutes les façons, la question des infrastructures à établir est telle que rien ne pourrait se faire avant plusieurs années. Ce semi-démenti technique impliquait également, de la part de l’Iran, un semi-démenti implicite du rôle qu’on lui avait prêté, du côté du bloc BAO, de participer de facto à la croisade antirusse d’isolement de la Russie et de sanctions contre ce pays.

• Ces relations discrètes Russie-Iran, qui pourraient, tout aussi discrètement se concrétiser par des livraisons d’armes russes alors qu’elles se sont déjà concrétisées par un accord sur un marché d’échange dans le domaine de l’énergie hors de la zone dollar, contrastent singulièrement avec les relations du bloc BAO avec l’Iran. Le grand projet US de réconciliation avec l’Iran, et de “réintégration” de l’Iran dans “la communauté internationale” (dito, dans la coalition antirusse du bloc BAO et aux ordres des USA), est pour l’instant, comme c’est l’habitude dans le cas des USA, un grand tintamarre de communication suivi d’un effet quasiment nul. Il est très envisageable qu’il en soit de même également pour les grandes et soi-disant ultimes négociations nucléaires avec l’Iran, courant novembre, qui devraient aboutir à ce grand accord. Nous jugeons que, dans ce cas comme dans toutes les autres affaires importantes, la paralysie et l’impuissance du pouvoir washingtonien sont l’élément central de la question. Dans ce cas, c’est la pression anti-iranienne, israélienne et de l’AIPAC, avec leur influence sur le Congrès, qui joue ; mais cette cause est circonstancielle et s’exerce sur une situation du pouvoir US qui est structurellement, sans action extérieure nécessaire, dans cet état d’impuissance et de paralysie complètes qu’on signale.

• ... Bien entendu, il est à attendre que la Russie, sans tambour ni trompette comme s’est le cas pour ces questions de politique étrangère où la politique russe veut éviter tout éclat qui ressemblerait de près ou de loin à une ingérence, réduise notablement sa coopération constructive dans les négociations sur le nucléaire iranien. Les Russes seront inclinés à peser de plus en plus en faveur de l’Iran, renforçant les exigences souverainistes de ce pays contre le bloc BAO et sa politique intrusive.

On conviendra une fois de plus que le bloc BAO, puisqu’il est la source multiple de toutes ces modifications d’attitude, suit imperturbablement une politique visant à susciter le plus grand nombre possible de rassemblements contre lui. La politique des sanctions, surtout quand elle monte au niveau d’une puissance du calibre de la Russie, est à cet égard d’une efficacité redoutable, et autodestructrice en diable.

 

Mis en ligne le 28 octobre 2014 à 06H48