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3320On a déjà beaucoup parlé du milliardaire Donald The Donald Trump, et beaucoup moins du sénateur du Vermont Bernie Sanders. Pourtant, sa campagne pour la désignation comme candidat démocrate aux présidentielles US de 2016, comme celle de Trump du côté républicain, présente des caractères complètement exceptionnels. Les deux candidatures mises ensemble, avec ces deux candidats affirmant avec constance une très forte position qui menace les caciques de chacun des deux partis, constituent un signe remarquable qu’on se trouve dans des conditions électorales complètement inhabituelles aux USA.
Dans les deux cas, il s’agit moins des deux candidats, de leurs “programmes” quand il y en a et si l’on peut parler de “programmes”, que d’un courant général qui semble favoriser deux candidatures hors-normes sans qu’on puisse trouver chez chacun de ces deux candidats un ensemble de qualités et une conception politique structurée justifiant une telle bonne fortune. Que cela n’assure rien pour l’élection, c’est l’évidence, et ce n’est pas l’important pour ce moment politique ; ce qui importe, c’est que ces deux candidatures soient allés aussi loin et semblent chaque jour se renforcer sans que les deux candidats y soient vraiment pour grand’chose. Tous deux, ils montrent autant de traits originaux que de faiblesses consternantes, mais cela ne semble guère importer, – comme si les deux “candidatures” étaient en soit ce qui importe, bien plus que les deux candidats ; comme si l’essentiel était qu’il y ait deux candidatures, une dans chacune des deux ailes du “parti unique”, qui semblent avoir pour trait principal la volonté de paraître, d’une façon ou l’autre, hors du Système. (On ne peut parler encore d’“antiSystème” d’une façon élaborée et structurée, mais l’on comprend que la perception de deux positions “hors-Système”, même s’il s’agit d’une perception douteuse voire trompeuse lorsque l’on s’intéresse aux seuls candidats, est d’une telle résilience que la dynamique et la logique antiSystème sont très proches, sinon quasiment présentes.)
Ci-dessous, nous présentons un texte intéressant de Sputnik.News, du 12 août 2015, qui relève des réactions d’analystes et commentateurs russes ou collaborant à des publications russes, concernant le candidat démocrate Bernie Sanders. (On en a beaucoup moins parlé que de Trump, et il est temps de rétablir la balance.) A s’en tenir aux seuls faits (déclarations diverses des candidats, “programmes” ou “non-programmes”, etc.), on en vient au constat de jugements violemment contrastés, c’est-à-dire d’une façon générale à un jugement incertain, qui ne permet de trancher sur aucun des deux candidats. Sanders a des positions de politique étrangère, notamment sur la Russie, qui le rapprochent de celles des neocons. En politique intérieure, il se présente lui-même comme un “socialiste” et fait une critique radicale des pratiques capitalistes dans son pays, notamment celle de Wall Street, qui le rendent complètement inattendu et incertain dans la course à la nomination, dans la position où il se trouve.
Sanders affronte un paysage politique, chez les démocrates, qui est notablement différent du paysage républicain où il y a foule de candidats dont aucun n’a de véritable puissance dominatrice. Toute la machine démocrate est dominée, sinon écrasée par Hillary Clinton, mais une Hillary qui devient de plus en plus vulnérable à cause de quelques casseroles très sonores, notamment l’affaire des e-mail officiels, du département d’État, qu’elle a utilisés pour ses propres intérêts. Cet affaiblissement profite sans doute à Sanders, mais on ne peut parler de cela comme d’une cause principale de son succès actuel, comme on ne peut parler de l’absence de “grande pointure” républicaine pour expliquer le phénomène Trump.
Tous ces commentaires nous ramènent effectivement au même constat de ces deux candidatures qui semblent finalement exister en dépit des candidats, même s’ils les ont voulues bien entendu ; c’est-à-dire, des candidatures qui sont imposées par le climat, par l’état d’esprit, par la situation, et qui finissent donc par exprimer une puissante “vérité de situation” malgré toutes les imperfections des deux candidats. Pour cette raison, nous tendrions à les caractériser d’une façon très spécifique, et par conséquent à les désigner comme des “candidatures crisiques”, c’est-à-dire voulues sinon imposées par la crise (par la Grande Crise d’effondrement du Système), hors de toute considération de personnes, de programmes, d’idées, etc. De là, bien entendu, l’espèce d’énorme incertitude politique qui entoure les deux candidats bien plus que leurs candidatures, malgré les rodomontades de Trump et les affirmations sacrilèges (un “socialiste” !) de Sanders.
C’est là, d’ores et déjà, l’immense surprise de cette campagne des présidentielles US de 2016. Il y a quelques mois, cette campagne s’annonçait comme la plus conforme, la plus vide et la plus plate, la plus inintéressante et la plus médiocre, la plus couverte de monceaux de dollars pour dissimuler l’absence de candidats, la plus complètement phagocytée par le Système qu’on pouvait imaginer, – avec les deux héritiers ou représentants des deux pseudo-“dynasties” en vogue, – les Clinton et les Bush... En quelques mois, sinon quelques semaines, elle a complètement changé d’allure. Elle s’est littéralement invertie (dans un sens vertueux, pour notre compte) de son propre chef, opérant une volte-face complètement imprévue et inattendue, et nullement à cause de candidats nouveaux qui apporteraient des personnalités et des idées exceptionnelles, mais en allant chercher elle-même (la campagne) des candidats et en les chargeant d’une capacité de rassemblement pseudo-politique et d’une puissance de communication tout aussi complètement imprévues et inattendues. On croirait que c’est la campagne elle-même qui a décidé cela, comme si les évènements eux-mêmes acquéraient une capacité et une puissance qui leur sont propres ... Et, bien entendu, tout cela se fait contre les normes des deux ailes du “parti unique” US, c’est-à-dire hors du Système et là, certainement, contre le Système ; et là, par conséquent, l’on peut parler d’un phénomène antiSystème...
Combien de temps tout cela va-t-il durer ? Tout cela est-il seulement promis à durer ? Les réponses semblent évidentes pour un jugement appuyé sur la raison et, pourtant, nous n’avons pas de réelle réponse à donner parce que la raison n’a pas grand chose à voir avec ce qui se passe à cet égard. De même que les évènements (la campagne dans ce cas) décident eux-mêmes de susciter des processus qu’on ne peut appréhender ni deviner tant ils sont imprévus et inattendus, de même on ne peut prétendre une seconde savoir ce qui en résultera, et il est infiniment plus sage et plus habile, de ce point de vue-là, de laisser de côté toutes les hypothèses qu’on pourrait être tentées de faire. Il est beaucoup plus intéressant d’observer ce phénomène stupéfiant d’un événement créant lui-même les conditions qui lui permettent de devenir, pour un temps donné dont nous ne savons rien, créateur de ses propres conditions qui font qu’il peut acquérir une posture antiSystème au sein du Système. Quant à lui, le Système, il observe, ébahi, le résultat de cette étrange alchimie, un peu comme les commentateurs-Système observent un Donald Trump déblatérer l’establishment en criant “vive Poutine” et en dénonçant l’émigration, et un Bernie Sanders demandant au “peuple” de soutenir ses ambitions de premier candidat “socialiste” à la présidence des USA.
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« Like much of the rest of the world, Russian political observers have been tuning in closely to the US presidential campaign, made all the more interesting this season by the appearance of the wild cards of straight-talking businessman Donald Trump for the Republicans and self-described democratic socialist Bernie Sanders for the Democrats.
» In Sanders’ case, Russian observers now seem to be split on the meaning of his candidacy. While some have slammed the senator for his ‘tough stance on Putin’ rhetoric, inherent to most of the US political establishment, right and left, others have pointed out that like Trump, Sanders’ campaign has served to underscore some of the very serious problems plaguing American society. The latter have also pointed out that Sanders now poses an ever-growing threat to Democratic frontrunner Hillary Clinton, a hawk whose relationship with Russia can be described as 'thorny' at best.
» Much of the criticism Sanders gets from Russian sources seems to stem from his support for President Barack Obama's use of sanctions to “punish” Russia for its alleged misbehavior in the Ukrainian crisis. In an interview with Fox News' pundit Bill O'Reilly back in March 2014, well before Sanders officially launched his presidential campaign, the senator told the conservative talk show host that “the entire world has got to stand up to Putin,” adding that Russia must be “isolated politically” and through sanctions and asset freezes. Recalling Sanders' statements for Fox, a heavily-cited article by US journalist Caleb Maupin for Russian politics journal New Eastern Outlook concluded that the candidate was “an anti-Russia, Israel-supporting” “sewer socialist.”
» However, while Sanders has not retracted his comments, which were still a far cry from the ‘Putin-Hitler’ comments made by Secretary Clinton during the same period, he did clarify that the United States should refrain from taking unilateral action. “There are a number of things you could do,” Sanders noted, “but this is what you don't do: You don't go to war, you don't sacrifice the lives of young people in this country like we did in Iraq and Afghanistan.”
» In an interview for National Public Radio earlier this summer, Sanders reiterated that he gets “very, very nervous” when he hears “Republicans who just can't get enough of war –whether it's going to war in Syria, going to war in Iraq, going to war in Iran, going to war with Russia.” And even in the original interview for Fox, Sanders hinted that the US has plenty of sins of its own in terms of militarism and aggressive foreign policy, noting that the US “alone spends almost as much money on defense as the rest of the world,” while it “doesn't have enough money to take care of our veterans, or infrastructure is crumbling and kids can't afford to go to college.”
» While Senator Sanders has taken some flak from US pundits for his tendency to duck foreign policy issues to talk about domestic concerns instead, Russian pundits seem to enjoy the senator's unerring craving to point out the problems facing American society, from crumbling infrastructure, to soaring education costs, to unemployment, to the US “billionaire class’s” control of the political and economic life of the country.
» If Donald Trump's campaign has, in Sputnik contributor Finian Cunningham's words, served “to totally expose just how farcical and degenerate American politics have become,” Sanders rhetoric has exposed some of the real economic and social problems faced by tens of millions of Americans, taking some of the sheen off lofty arguments about American exceptionalism and the ideal of exporting 'American values' around the world.
» Commenting on the Sanders phenomenon, Moscow Higher School of Economics Professor Alexander Domrin told Russian business newspaper Kommersant that “the Sanders phenomenon, like that of Trump, reveals a unique characteristic of the current election cycle, which has given a unique opportunity to [candidates on] the political periphery. The desire among voters to avoid a 'game of thrones' between Hillary Clinton and Jeb Bush gives rise to a demand to see the political alternative's most prominent representatives.”
» Pointing out the differences between the two candidates, Kommersant noted that even if “like Trump for the Republicans, Sanders plays the role of mischief-maker in the Democratic camp,” his campaign “has revealed the fundamental differences between the two candidates. While Donald Trump made a bet on colorful, politically incorrect statements and personal attacks against the most recognizable figures of the Republican camp, Sanders has avoided scandals and prefers not to get personal. In his speech in Los Angeles, he made no mention of Hillary Clinton, his main rival for the nomination, or of President Obama. At the same time however, he directed all his accusatory pathos at the system which Hillary Clinton and Barack Obama represent.”
» Discussing what it is that makes Sanders' candidacy truly exceptional, St. Petersburg-based online newspaper Nevskoe Vremya noted that Sanders’ rising popularity may signal a truly revolutionary shift in US politics. “It's worth remembering that not long ago, communists in the US were hunted like witches, and the word ‘socialism’ was seen as being synonymous with concepts like ‘terrorism’ and the ‘red menace’,” Nevskoe Vremya explained. The paper noted that in a country with “a cult of private enterprise,” Sanders rise may portend “the ideas of the left becoming ever-more popular in the United States.” As far as relations with Russia are concerned, the paper joked that “after coming to power, Sanders could introduce sanctions on Russia for the excessive presence of the invisible hand of the free market,” a topsy-turvy turnaround from the world which existed just 25 years ago. »
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