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1133Edward Snowden sort du purgatoire de sa dissimulation destiné à faire incuber aux autorités du Système une partie de la pression étouffante, à l’origine de la crise, pour l’éliminer physiquement. Il s’enhardit, ou plutôt s’agit-il des circonstances qui l’intègrent dans son nouveau cadre de vie et permettent de jeter quelque regard, de prendre quelques photos, voire même de faire en sorte qu’il reçoive une récompense qui lui a été décernée mercredi par ses pairs, – whistleblower US réunis en association et devant lui décerner une récompense, le “Sam Adams Award for Integrity in Intelligence”. (Sam Adams, du nom d'un officier de la CIA qui s'était illustré pendant la guerre du Vietnam pour son opposition aux thèses officielles sur les conditions de la guerre.)
La délégation US était composée de quatre whitleblower, Coleen Rowley (ex-FBI), Thomas Drake (ex-NSA), Jesselyn Raddack (ex-DoJ, ou ministère de la justice US) and Ray McGovern (ex-CIA). Russia Today a consacré plusieurs textes à l’événement, dont un du 10 octobre 2013, surmonté par une photo où l’on voit les quatre membres de la délégation, avec Sarah Harrison de WikiLeaks (qui a joué et joue un rôle important dans la situation de Snowden), et Snowden lui-même, tenant dans ses mains l’insigne de sa récompense.
«“The irony is that the US has abandoned the rule of law,” Drake, who also revealed NSA secrets in the past, said of Snowden’s leaks. “They’ve unchained itself from their own constitution – the mechanism by which we govern ourselves. And when you ban the real law and use a secret law and secret interpretations of law, we’re in a whole new ball game. It’s a Pandora’s Box.” Snowden “had to escape the US to ensure any chance of freedom,” Drake said. “And it wasn’t his plan to end up here. It was the US, who made him stateless by revoking his passport. And Russia – to its credit – actually recognized the international law and granted him political asylum.”»
Russia Today publie également (le 11 octobre 2013) une transcription d’une interview télévisée, en table ronde, réalisée sur la chaîne télévisée russe, des quatre whistleblower venus apporter son prix à Snowden. C’est plus la forme de cette rencontre que le fond qui est intéressante, pour qui a encore à l’esprit, l’esprit de la Guerre froide, avec l’Amérique comme défenderesse et symbole du “Monde libre”, face au monde russo-communiste policier, fermé, replié sur lui-même ... Cela est symbolisé par ce passage de l’interview, où il est question du rôle des whistleblower, de leur capacité de se déplacer, d’effectuer leur mission d’information, et la reconnaissance qu’ils montrent tous pour la Russie-de-Poutine, cette chose sur laquelle notre Système et ses divers affidés vomissent avec une régularité de poivrot sur le carré encombré de nos ultra-pauvres, dans nos villes postmodernes.
Russia Today: «Thomas, I know we can’t disclose where Snowden is. He’s still kept under high security here in Russia. But what are his thought about the future?»
Thomas Andrews Drake: «I think it’s most what he’s done starting the conversation, the discussion not just in the US, but around the world in terms of the direct threat to the sovereignty of individual citizens.»
Jesselyn Radack: «I think his primary concern is about reform, not about his future – what’s going to happen to him, but more about having the reform that’s beginning, that has begun in the US and more importantly – or just as importantly – around the world. Because it really is a global issue to the extent that the NSA is spying on everybody – friend or foe. And that that conversation needs to continue. And also people need to realize that there’s a greater issue of human rights that’s been brought up by asylum and the fact that a number of people involved in his case, like Sarah Harrison, Glenn Greenwald, Laura Poitras , people are having trouble even moving around and getting where they’re going. I can speak personally and say, we weren’t worried about coming into your country [Russia] – we are worried about getting back into our own country [the US]. And that shouldn’t be the case...»
• Parallèlement à cette visite-cérémonie pour le whistleblower Snowden, son père, Lon Snowden, arrivait en Russie, sur un vol qui atterrissait jeudi matin, accueilli par l’avocat d'Edward, Anatoly Koucherena. Edward Snowden était absent pour raisons de sécurité, point sur lequel Koucherena insista dans une interview à la chaîne TV Rossiya 24, au cours de laquelle il précisa qu’ils avaient été suivis durant une partie de leur parcours par quatre véhicules. Russia Today précise, à propos de Lon Snowden, le 10 octobre 2013 :
Lon Snowden «voiced doubt that his son may ever return to America, although the decision would be his to make. He added that his role as the whistleblower is likely finished and Edward is of no further use as a source of information about NSA spy programs. “I have no idea what his intentions are, but ever since he has been in Russia, my understanding is that he has simply been trying to remain healthy and safe and he has nothing to do with future stories,” Lon Snowden said.
»Kucherena stressed that Lon Snowden is staying in Russia as his guest and pledged to provide accommodation, security and other things necessary to make his stay as comfortable as possible. The lawyer added that some other relatives of Edward Snowden may come to visit Russia too, but would not disclose any details. Lon Snowden said he feels “extreme gratitude” that his son is safe, secure and free thanks to Russia...»
... Ainsi avons-nous assisté, au cours de ces dernières quarante-huit heures, à une sorte d’officialisation et de légitimation de l’installation d’Edward Snowden en Russie. Le moins qu’on puisse dire, du point de vue de la communication qui est ce qui fait aujourd’hui la puissance des choses, c’est que la Russie, et Poutine par conséquent, en prennent assez à leur aise par rapport aux conditions posées par le même Poutine pour l’obtention du droit d’asile par Snowden. Certes, Snowden ne fait rien, littéralement parlant, d’hostile aux USA, mais en inaugurant des visites à la fois privées et semi-officielles provenant des USA, toutes animées d’un esprit de reconnaissance pour la Russie et, par conséquent, d’un esprit critique pour l’attitude totalitaire et illégale des USA, il est évident qu’il devient un pôle d’attraction antiaméricaniste et un symbole vivant et combien fameux de la dénonciation de la politique US. Cela a lieu alors que, comme l’on sait, les divulgations des documents Snowden, via Greenwald-Poitras, se poursuivent.
Il s’agit de l’installation, sous nos yeux, d’une nouvelle sorte d’action de la guerre de communication, une riposte à-la-russe de l’“agression douce” dont sont victimes les Russes de la part du bloc BAO. Peu importe si la chose est voulue de cette façon, il reste qu’elle sera nécessairement perçue comme cela. Si effectivement Snowden commence à recevoir des visites régulières où l’on trouvera évidemment nombre de personnalités dissidentes et antiSystème, tout en restant autant que possible confiné dans des lieux protégés, mettant ainsi en évidence les menaces illégales qui pèsent sur lui et contribuant également à maintenir la “dramatisation” de son cas, il deviendra nécessairement et sans nécessité d’aucune intentionnalité spécifique, un combattant antiSystème dans le système de la communication. (On peut imaginer, par exemple, ce que serait une visite de Daniel Ellsberg à Snowden du point de vue de l’effet de communication et de la mise en accusation implicite de l’appareil de surveillance et de répression US, ou encore la visite de l’un ou l’autre parlementaire US désirant grossir le dossier de la NSA devant le Congrès, l’une et l’autre démarches étant tout à fait possibles et même évoquées par certains...)
Il nous paraît clair que les Russes ont décidé d’avoir vis-à-vis de Snowden une attitude suffisamment “libérale” pour que le whistleblower ne disparaisse pas dans l’oubli et continuer à tenir sa place dans le domaine de la communication, tout en se tenant en-deça des limites d’une action de communication directe contre les USA qui pourrait avoir des retombées diplomatiques. C’est d’un excellent usage dans l’affrontement de communication, contribuant par ailleurs de façon puissante à pérenniser l’image nouvelle de “la Russie, terre d’accueil” (voir le 18 juillet 2013), qui constitue une excellente affirmation de communication, une riposte particulièrement efficace contre les attaques du même type, mais dans d’autres domaines, dont la Russie est l’objet. Du point de vue des libertés fondamentales, de la puissance antiSystème nécessaire, de la référence principielle, entre Snowden et les Pussy Riots comme entre un symbole trafiqué et une vie qui est mise en jeu, – et malgré toutes les tentatives de surveillance est d’espionnage dont est objet le whistleblower, – comme ils disent, “y a pas photo”.
... Le Comité Nobel, dont on connaît le courage, connaît donc désormais le chemin pour rattraper l’acte habituel de l'infamie et de la lâcheté européenne, dans le chef du Parlement Européen qu'on croyait mieux équipé à cet égard. Le PE vient de préférer hier pour le Prix Sakharov la très innocente «Malala Yousafzai, cette jeune Pakistanaise qui s'est illustrée dans son militantisme pour le droit des femmes et l'éducation des enfants». Yousafzai est une jeune femme contre laquelle ni la NSA ni Barack Hussein Caesar n’ont rien à redire. Les parlementaires européens ont montré qu’ils savaient bien jusqu’où il ne faut pas aller trop loin. Ils illustrent à merveille la conclusion du même texte qu'on vient de citer, écrite, elle, avant la nouvelle de l’attribution du Prix Sakharov, et qui nous rassure sur la vertu de Yousafzai, – mais un peu moins sur celle du continent européen qui a inventé paraît-il la liberté de l’esprit, et pas vraiment non plus sur celle de la Grande République, qui a porté à son sommet l’art de l’influence et de la pression de la force. (Il s'agit d'un texte du site Numerama.com du 10 octobre 2013, qui annonce le choix du PE en mise à jour, alors que le reste de l'article, dont la conclusion, est écrite avant la remise du Prix.)
«Si Edward Snowden est encore en lice à ce moment-là, il sera face à deux autres finalistes. Ensuite, c'est la conférence des présidents de choisir le lauréat. Toute la question qui se pose est de savoir si le Parlement européen est capable de récompenser une personnalité qui a ébranlé quelques mois auparavant les États-Unis.
»Mais sa défaite éventuelle ne signifiera pas nécessairement un complot ourdi par Washington : les autres candidats sont tout aussi méritants.»
... Bref et comme on dit dans les éditoriaux de la presse-Système, entre Moscou et l’Europe la liberté a choisi son camp, – et à “toute la question”, la réponse est “non”. La concordance et la simultanéité de ces différents déplacements et décisions tranchent le débat sur le choix du camp.
Mis en ligne le 11 octobre 2013 à 17H57