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163320 juin 2002 — Cette interview vaut un petit détour, – malheureusement, serions-nous tentés d'ajouter, ou, dans tous les cas, avec une triste nostalgie, en souvenir des bons vieux jours héroïques de 1980-81. Il s'agit de quelques questions posées par le site Wired News à Lech Walesa, l'ancien contremaître des chantiers de Gdansk, l'ancien chef de Solidarnosc, l'ancien président de Pologne. L'interview est centrée sur la question des technologies mais les réponses ont une valeur politique incontestable.
Lech Walesa s'est parfaitement intégré dans le ''circuit'', disons dans le grand courant globalisant où évoluent les personnalités tous terrains de notre société globalisée. Walesa s'affiche comme partisan des technologies de la communication, comme administrateur d'une société hich tech, comme imperturbable soutien de la politique américaine, des intérêts américains et des conceptions américaines, tout cela selon l'appréciation bien comprise que cette orientation générale rencontre évidemment la logique de la globalisation.
Tout de même, il faut porter son attention sur trois passages, plus intéressants et/ou croustillants que le reste.
• D'abord, soyons sérieux. A la question de savoir dans quelle mesure la technologie des communications joua un rôle dans la chute du communisme, Walesa répond par l'affirmative, avec quelques précisions. Cette interprétation est juste. (Les dégâts faits à l'URSS par les JO de Moscou, où le KGB fut obligé d'autoriser l'usage extensif des machines duplicatrices comme la photocopieuses et diverses autres machines de communication joua un rôle important dans la préparation de la société soviétique aux réformes de Gorbatchev, qui poursuivirent et accentuèrent la libéralisation.) Cet aspect des rapports est-ouest est certainement un facteur puissant dans l'effondrement de l'URSS. Généralement admise, l'interprétation n'est généralement pas poussée à son terme car elle devient alors embarrassante pour l'histoire officielle US (Walesa devrait s'en aviser). Celle-ci tient pour une évidence que l'explication exclusive de l'effondrement de l'URSS est le renforcement militaire US, qui obligea l'URSS à tenter de suivre jusqu'à l'épuisement économique. Voici la réponse de Walesa :
Wired News: «You've mentioned in past interviews that technology helped topple communism in Poland. Could you be more specific?»
Walesa: «Communism is a monopolistic system, economically and politically. The system suppresses individual initiative, and the 21st century is all about individualism and freedom. The development of technology supported these directions. When I was fighting communism, there was rapid development of satellite television and cell phones, and communism, to survive, would have to block all these information devices.
»To control the free flow of information, the Communists would have to increase the secret police by a factor of four. It would be a huge effort for police to control the channels you get on TV or the phone numbers you are allowed to dial. So technology helped end communism by bringing in information from the outside. It was possible to get news from independent sources; stations like the BBC (British Broadcasting System) and VOA (Voice of America) were beyond government control. During '50s and '60s, the Communist government put people accused of listening to these stations in prison.
»Only the minister of Internal Affairs was allowed to issue permits to get satellite TV, and clearly anyone against communism wouldn't get permission. Any equipment connected to processing information, even typewriters and copy machines, had to be registered at police stations.»
• Walesa est interrogé sur Cuba. Que pense-t-il du communisme cubain? Bien sûr, la chose est diabolique, répond-il avec entrain. A part, les entraînantes exhortations à l'effondrement de la dictature cubaine, un détail de la réponse vaut le déplacement : « Cuba is one of the final countries in which communism is still alive. Their system is based on the same system that we had in Central Europe 20 years ago. Clearly Cuba has some advantages over Central Europe at the time because it is closer to the U.S. But communism in Cuba will collapse sooner or later because you can't control the free flow of information. »
Ce qui nous arrête, nous l'avouons, c'est le détail sur la proximité de Cuba et des USA. Cela est sans grande conséquence sinon pour l'hypothèse que l'air même de la proximité des US doit être porteur de liberté et autres ''valeurs occidentales''. c'est pratique. D'un autre côté, avec sa réponse pleine de zèle, Walesa ne nous dit rien d'autre que ceci : l'embargo, surtout lorsqu'il est maintenu sur un demi-siècle comme c'est le cas des USA contre Cuba, est quelque chose qui conserve. C'est à retenir.
• Enfin, nous devons nous arrêter à une des réponses de Walesa, à lire dans son entier tant elle nous paraît exemplaire. La réponse est sympathique dans son conformisme frais émoulu, dans son alignement sans faille, dans sa logique approbatricec de la Ligne du parti. Sympathique et ironique : Walesa pourrait répondre exactement la même chose à propos du régime capitaliste et de ses agissements de surveillance des citoyens s'il se trouvait encore sous surveillance communiste. Doit-on supposer qu'il se trouve sous surveillance capitaliste ? Vu sa position d'administrateur à NuTech Solutions, une société tout ce qu'il y a de capitaliste (société US fondée par un citoyen US d'origine polonaise), il s'agirait d'une surveillance sophistiquée, c'est-à-dire une auto-surveillance. Le petit contremaître de Gdansk a appris à marcher droit et à ne pas faire un pli.
Quoiqu'il en soit, faites l'essai : dans sa réponse ci-dessous, remplacez dans la dernière phrase « Communism » par « Capitalism ». Vous verrez, ça tient la route.
WN: «Do you believe that the use of technology — such as Carnivore or Echelon — by democratic governments to spy on personal communications is any worse than totalitarian attempts to do the same?»
Walesa: «I believe that any violation of privacy is nothing good. But on the other hand, the government is responsible for the safety of the citizens of the country, so it has to protect them. I would distinguish between spying on the people in general and using the newest technologies to spy on the concrete people, or groups of people who might be dangerous for the society — the society, not for the government, as the regime of the country. I strongly believe this is the situation we are facing in the democratic countries; that is why it is different from the Communist approach.»
[A ce point de quitter nos lecteurs, nous avons une hésitation : les intervieweurs de Wired News manieraient-ils l'ironie? Sinon, c'est bien imité. Qu'on en juge : entre la question sur Echelon et Carnivore posée au philosophe Walesa et la réponse en papier mâché du philosophe, Wired New a intercalé cet avis : « (At this point in the interview, the phone went dead and immediate attempts to call Walesa back were unsuccessful. His subsequent answers were sent by e-mail) » Comme si Echelon ou Carnivore étaient intervenus (comme si Walesa avait éprouvé le besoin de consulter les augures).]
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