Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
880C’est une suite assez étonnante d’informations très officielles, qui donnent une impression fort confuse du fonctionnement de l’administration Obama. A la lumière des plus récentes péripéties concernant l’éruption générale d’urticaire des anti-missiles US partout en Europe, notamment la péripétie roumaine, on a pu assister à un étonnant chassé-croisé à l’intérieur de l’administration. L’enjeu est de savoir si un “lien” (linkage) sera établi dans le texte de START-II entre des limitations de missiles offensifs et des limitations de missiles anti-missiles défensifs. Bien entendu, les Soviétiques sont très fortement partisans de ce lien, jusqu’à en faire éventuellement une condition sine qua non du traité.
• Le 11 février 2010 dans le Washington Post, on nous rapporte l’intervention rassurante (pour les Russes) de l’ambassadeur US à Moscou.
«The U.S. ambassador to Moscow [John] Beyrle also said the U.S. had agreed to include treaty language sought by Russia that would acknowledge the link between defensive systems – such as the missile shield – with offensive systems. “The treaty deals with offensive, not defensive systems, but since we acknowledge a logical link between them, our presidents have agreed that the treaty will contain a provision on the interconnection between strategic offensive and defensive weapons,” he said in his Russian-language blog.»
• Le 12 février 2010, le Washington Times publie divers détails sur un démenti assez catégorique du département d’Etat, dont dépend directement l’Ambassadeur Beyrle.
«The State Department said Thursday there will be no direct link between missile defenses and U.S. and Russian offensive strategic weapons cuts in the language of the nearly finished successor to the Strategic Arms Reduction Treaty, or START. State Department spokesman P.J. Crowley said the treaty and text of the final agreement are still being negotiated and reports that the U.S. side in the talks will link missile defenses to START are untrue.
»U.S. Ambassador to Russia John Beyrle stated on his Russian-language blog that the new treaty will refer to missile defenses in the text. The comment prompted reports from Moscow that the U.S. had made a concession to Russia on the issue, reports Mr. Crowley said were untrue. “As we have made clear to the Russians through this negotiation, there is no direct link between [missile defense and strategic offensive arms],”
»“The START agreement will in no way affect our deployment of missile defense assets in Europe as our announcement last week with Romania underscores,” he said. “The deployments under the phased adaptive approach will be done faster than previously planned and protect all of Europe.”
»A U.S. official close to the negotiations said adding missile defenses to the text of the treaty would be a concession to Russia. In the past, U.S. negotiators had said all mention of missile defense would be restricted to the treaty's opening passages.»
@PAYANT Par conséquent, le désordre règne à Washington comme en d’autres temps, l’on disait que “l’ordre règne à…”. Certes, l’analogie est douteuse, car ici il s’agit du désordre de la calamité du système américaniste, là des plaies sanglantes d’un ordre rétabli en général par la force. Pourtant, la gravité n’en est pas moins grande aujourd’hui, elle est même plus inquiétante dans la mesure de ses effets innombrables sur la situation du monde du désordre systématique et évidemment systémique dudit système.
Le cas est presqu’archétypique. Un jour, l’ambassadeur des USA à Moscou, qui dépend du département d’Etat et n’est pas un homme sans importance, – si l’on considère l’importance du poste, – annonce qu’il y aura bien “linkage” dans le traité START-II entre missiles offensifs et anti-missiles défensifs. Il se réfère même à un accord entre les deux présidents (Obama et Medvedev), ce qui est une caution sérieuse. Le lendemain, le département d’Etat proclame et affirme qu’il n’y aura pas “linkage” dans le traité START-II entre missiles offensifs et anti-missiles défensifs. Qui dit quoi et qui sait quoi?
On veut croire, par croyance peut-être naïve, que l’ambassadeur des USA à Moscou est informé de la marche des négociations sur le traité START-II, qui concerne Moscou aussi bien que Washington, donc qu’il en connaît le contenu d’ores et déjà rédigé et ce qu’il reste à en écrire. On veut croire, par croyance à peine moins naïve, que c’est la même chose au département d’Etat. L’affaire est absolument brûlante, par conséquent les uns et les autres n’écrivent ni ne disent rien à la légère sur ce thème. Et voilà qu’ils disent le contraire…
L'hypothèse qui nous vient sous la plume est assez classique. Rendu furieux par le message de Beyrle qui les priverait de la liberté délicieuse de passer des accords ici et là, comme celui avec la Roumanie, pour des déploiements dans six ou huit ans d’ici, le Pentagone aurait vivement réagi et fait une formidable pression sur le département d’Etat pour que celui-ci démente; il aurait été soutenu dans ce sens par certains qui, au Congrès, tels Lieberman et McCain, entretiennent une position maximaliste anti-russe, mais également par une fraction anti-russe au département d’Etat. Hypothèse, mais hypothèse qui rencontre quelques échos ici et là, dans les milieux européens qui ont noté la contradiction, et qui s’inquiètent de plus en plus de la marche erratique et zigzagante de l’administration Obama. La Maison-Blanche, elle, disait jusqu’à la fin de la semaine dernière que tout allait bien dans le meilleur des mondes pour ce qui concerne les négociations START-II, sans autres précisions. Peut-être faudra-t-il réviser notre commentaire demain, ou dans les heures qui suivent, selon une nouvelle déclaration de la Maison-Blanche… Les Russes, eux, n’ont pas encore réagi précisément à cette succession de nouvelles contradictoires, alors qu’ils ont affirmé déjà que, pour leur compte, il y aurait un lien dans le traité START-II entre missiles offensifs et anti-missiles défensifs. Peut-être commencent-ils à se lasser de devoir réagir.
Un autre élément à prendre en compte, signalé par le Washington Times, est que le “lien”, s'il était acté dans le traité, serait présenté comme une concession de Washington à Moscou. La direction américaniste, qui est en grande position de faiblesse et lance des initiatives militaristes incontrôlées dans tous les sens, se trouve en général dans le cas où toute modification d'une position stratégique rigide est aussitôt considérée comme une “concession”. Du coup, il n'est pas question d' y songer, même si elle s'impose par ailleurs. Ainsi raisonne-t-on aujourd'hui.
L’épisode fait penser que nous ne sommes pas encore si près que l’on pouvait croire de la signature du traité START-II, que tout se passe comme si plus l’on s’en rapprochait plus l’on s’en éloignait. La nature du problème est que, sur le terme des négociations et alors que l’administration Obama ne cesse de s’affaiblir, les pressions des centres de pouvoir concernés et aux intérêts divergents à Washington ne cessent de se renforcer, ainsi que les exigences de postures de force. Nous aurions alors une situation paradoxale mais, finalement, assez courante: au plus Russes et Américains se rapprocheraient théoriquement d’un accord, au moins les Américains seraient d’accord entre eux.
Mis en ligne le 15 février 2010 à 10H17