START-II, un traité de discorde

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L’accueil fait au Sénat US à START-II, qui doit être ratifié par ce même Sénat, n’est pas encourageant. Les républicains, dont la participation au vote de soutien est impérative, se montrent très réservés. (Il faut les deux tiers de voix du Sénat pour obtenir la ratification, soit 67 voix, alors que les démocrates ont 59 sénateurs, dont tous ne sont pas nécessairement acquis au traité.)

Le Washington Times du 9 avril 2010, exprime cette humeur plus que maussade des républicains.

«Key Senate conservatives are holding off support for the new arms treaty signed by President Obama and his Russian counterpart on Thursday and are seeking promises that the agreement will not limit missile defenses, arms verification and nuclear modernization efforts.

»“Republicans have made clear for months what needs to be done in order to move this process; there's been no ambiguity in our position on a strong missile defense, nuclear triad and the need to verify any treaty,” said Don Stewart, a spokesman for Senate Minority Leader Mitch McConnell, Kentucky Republican.

»Sens. John McCain and Jon Kyl, Arizona Republicans, said they are concerned about additional references beyond the opening paragraphs of the treaty on missile defenses. “While we were initially advised that the only reference to missile defense was in the preamble to the treaty, we now find that there are other references to missile defense, some of which could limit U.S. actions,” they said in a statement.

»Russian statements outside the treaty that Moscow will pull out if missile defenses threaten Russian forces, also “has the potential to constrain improvements to U.S. missile defenses, if objected to by the Russians,” the senators said. Additionally, the senators said the treaty will be difficult to ratify without fully funding a nuclear modernization program…»

Notre commentaire

@PAYANT Les réactions des parlementaires républicains, qui sont tous dans ce cas des chefs de fils donc des hommes d’influence dans leur groupe, laissent mal augurer du passage de START-II devant le Sénat. Or, Obama veut aller très vite, d’autant qu’il doit coordonner la ratification devant le Sénat avec la ratification devant la Douma. (C’est une des conditions formelles conclue entre les deux présidents.) En plus, cette ratification doit être rapide (d’ici fin avril-courant mai?). Tout cela, plus que la solidité de START-II, montre au contraire sa fragilité. On veut aller vite, l’emporter un peu “en force” pour éviter que trop de questions soient soulevées.

Or, des questions sont déjà soulevées par les républicains. Comme on pouvait s’y attendre, elles vont essentiellement à la polémique des anti-missiles et nous laissent voir une situation surprenante. Alors que, du côté russe, on estime en général avoir cédé beaucoup, sinon tout cédé en ce qui concerne les anti-missiles, du point de vue des républicains US, on estime que les USA ont cédé beaucoup, beaucoup trop également en ce qui concerne les anti-missiles. Comprenne qui pourra, ou aura le temps de s'attarder à la chose.

Ceux qui ont l’expérience des précédents traités de cette sorte (les divers SALT et START), où pourtant la méfiance entre USA et URSS était considérable, devraient fouiller dans leur mémoire. Ils constateraient que cette méfiance d’alors n’est rien comparée à celle qui entoure START-II, où les deux partenaires (sauf les deux présidents signataires, tout de même) se soupçonnent l’un l’autre des maux les plus pendables. Les mêmes mots et les mêmes absence de mots sont pris comme autant d’arrières pensées et d’amorces de complot. Jamais nous n’avons constaté un climat aussi détestable autour d’un traité annoncé comme fondamental et devant faire “redémarrer” les relations entre les USA et la Russie.

Bien entendu, la question des anti-missiles est pour l’essentiel dans cette situation. Elle a empoisonné depuis des années les relations stratégiques USA-Russie. Les Russes soupçonnent les Américains de toutes les manœuvres et la politique américaniste, conduite par la machinerie du Pentagone et rien d’autre, est tout à fait justifiable de tous les soupçons, même s’il n’y a pas nécessairement d’intentions d’un grand plan, d’une machination complexe. S’y ajoute le climat washingtonien, le maximalisme instinctif des républicains, l’affrontement constant entre les républicains et Obama, avec le soupçon d’un président trop “faible” face aux Russes, etc.

Le paradoxe de START-II, jusqu’ici, c’est bien d’avoir encore alourdi le climat entre les USA et la Russie d’une part, le climat à Washington d’autre part. Il s’agit du reflet d’une situation politique qui n’est plus conduite par des conceptions pensées et rationnelles mais par des forces incontrôlables, et les forces politiques en étant alors réduites à des guérillas permanentes. Au fond, tout le monde se fiche de l’éventuel apport de START-II et tout le monde ne songe qu’à ce que START-II n’a pas apporté ni résolu. Le traité est considéré par défaut, et on le charge de tous les problèmes qu’il n’a pas résolus, sans même s’intéresser au fait de savoir s’il en résout quelques autres (la question reste posée, d’ailleurs).

Vraiment, START-II n’est rien de ce qu’on espérait qu’il soit : ni une stabilisation de la situation stratégique entre USA et Russie, ni un “redémarrage” des relations entre USA et Russie, ni rien de ce genre d’une pacification des relations entre les deux pays. Au contraire, il pourrait être un argument de plus dans la guérilla sans fin que se livre un monde politicien, à l’intérieur des pays et entre les pays, dont l’impuissance est aujourd’hui avérée face à un système qui se nourrit de lui-même et engendre la politique de force aveugle qui lui importe. Il va de soi que ces remarques valent surtout pour le côté US.

...Il va de soi également que les remarques générales sur START-II valent même si le traité est ratifié très vite, pour une raison ou l'autre, comme le veulent Obama et Medvedev. Nous parlons d'un climat fondamental, d'ores et déjà installé, qui, d'ailleurs dépasse le traité, comme il le précédait, et comme il se poursuivra après lui. On est obligé de conclure que la situation à Washington ne permet rien d'autre.


Mis en ligne le 10 avril 2010 à 06H21

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