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19043 août 2011 – La tempête continue à souffler, avec les uns et les autres, – les “pour” et les “contre”, – qui continuent à l’attiser. L’accusé, ou bien la nouvelle icône, bref la grande vedette du jour, ce n’est ni BHO ni l’accord sur la dette mais Tea Party. La dernière en date, du vice-président Joe Biden, par le biais d’une indiscrétion, est que Tea Party est une nébuleuse de “terroristes”, une sorte d’al Qaïda made in USA. Effectivement d’autres parlent de la djihad de Tea Party (contre les USA), et d’autres encore, – le jugement est commun, – l’accusent de vouloir “faire exploser le pays”. Ainsi consacrent-ils le rôle de système antiSystème de Tea Party, rôle objectif, involontaire, jusqu’ici réalisé en conscience et substantivé par personne, et encore moins par les intéressés.
Quelques points d’actualité doivent donc être mentionnés pour alimenter le débat autour du nouveau diable washingtonien, du nouvel Ennemi, – intérieur cette fois, et, fait sans précédent, posté au cœur de la citadelle assiégée, au Congrès des Etats-Unis.
• Il y a d’abord la “gaffe” du vice-président Joe Biden, effectivement gaffeur impénitent, et assez sympathique pour cela. Politico.com avait, le 1er août 2011, d’heureuses indiscrétions sur une réunion des élus démocrates à laquelle Biden participait. La colère grondait. Biden ne laissa sa part à personne… La scène se passe donc principalement entre le député démocrate Mike Doyle, au milieu de tous ses collègues démocrates du Congrès, au cours d’une réunion à huis clos de deux heures, ce 1er août, au terme de la saga de la dette.
« “We have negotiated with terrorists,” an angry Doyle said, according to sources in the room. “This small group of terrorists have made it impossible to spend any money.” Biden, driven by his Democratic allies’ misgivings about the debt-limit deal, responded: “They have acted like terrorists.”»
• La chose ayant donc été rendue public, elle est devenue le dernier potin dont tout le monde parle à Washington. (Notez au passage la puissance désormais établie d’Internet, puisque Politico.com est effectivement un site Internet de grande audience, et d’ailleurs de tendance-Système affirmée.) L’ineffable Nile Gardiner, l’ancien speechwriter de Thatcher et gardien du temple (c’est lui qui veille sur les archives de “la dame de fer”) trempe sa plume vertueuse dans une encre outragée et nous donne, le 2 août 2011, sa colonne du Daily Telegraph parée de tous les atours de la probité démocratique foulée aux pieds par d’infâmes usurpateurs. C’est assez comique lorsqu’on lit les diatribes habituelles de Gardiner, situé à droite de la droite du parti républicain… Citons, parmi son bla bla bla :
«There is something deeply sad and disconcerting when the vice president decides to compare opposition legislators in Congress with terrorists simply because he disagrees with their views and principles. This is the kind of ugly, threatening rhetoric that has no place at the heart of the US presidency. About a third of the country are favourable towards the Tea Party, according to Gallup – i.e. tens of millions of Biden’s fellow Americans. Does he label them terrorists too?»
• Politico.com a exploité la veine en offrant aux commentaires le mot de Biden dans sa rubrique The Arena, du 2 août 2011. Citons quelques commentaires très courts qui, finalement, reflètent bien les deux sortes de réaction que nous observons. Deux sont contre Tea Party, et sont cités parce qu’ils reflètent bien l’argument essentiel contre le même Tea Party, un troisième est pour, également dans le sens qui nous importe, et dans un sens qui, paradoxalement ne dément nullement les deux premiers…
Un parlementaire (démocrate) du Maryland, Samuel Rosenberg, écrit : «The vice president's statement reflects the truth. The tea party Republicans were willing to do major damage to the country in pursuit of their ideology. That's what terrorists do.» David Leland, ancien président du parti démocrate de l’Ohio : «I am sure it was uttered in the heat of the moment – but does anyone have a better term for these people who were clearly willing to destroy our nation?»
Dans l’autre sens, – mais est-ce bien sûr ? – Ken Blackwell, auteur et commentateur politique, républicain et dont on précisera (à l’intention de BHO et de son attitude héroïque durant la crise) qu’il est Africain-Américain : «Don't the responsible, reasonable adults in the room always call people names like “terrorist?” The only thing being terrorized by tea partiers is the tyranny of the status quo…»
• Joe Nocera, dans le New York Times, ce 2 août 2011, restitue et synthétise ce qui est désormais le jugement convenu de l’establishment plus ou moins libéral sur l’effet potentiel du comportement et de l’action de Tea Party, – “faire exploser” le pays. Ce point est psychologiquement très important ; non pas l’accusation contre Tea Party de vouloir faire “exploser le pays” mais la conviction contenue dans cette accusation que “le comportement et l’action de Tea Party” risquent, sinon conduisent à faire “exploser le pays”.
«These last few months, much of the country has watched in horror as the Tea Party Republicans have waged jihad on the American people. Their intransigent demands for deep spending cuts, coupled with their almost gleeful willingness to destroy one of America’s most invaluable assets, its full faith and credit, were incredibly irresponsible. But they didn’t care. Their goal, they believed, was worth blowing up the country for, if that’s what it took.»
Et l’avenir, selon Nocera ? Soyons rassurés, ils se remettront à l’ouvrage à la première occasion… «For now, the Tea Party Republicans can put aside their suicide vests. But rest assured: They’ll have them on again soon enough. After all, they’ve gotten so much encouragement.»
• Il faut absolument ajouter à ces diverses pièces à conviction du forfait, celui de Tea Party, ce texte de commentaire étonnant, paru dans le Guardian, de Paul Harris, ce 2 août 2011. Jusqu’ici, le Guardian avait dénoncé Tea Party avec horreur, au nom de la vertu progressiste. Harris ne le réhabilite certainement pas dans ses intentions ni dans son “programme” (?), – hell no, comme ils disent, – mais il fait l’apologie de son action et de son “organisation” (?). Harris écrit, avec un même bonheur, des choses absolument vraies et des choses absolument fausses.
«…But American liberals should certainly admire how the Tea Party has achieved its goals, and give praise where praise is due. Then copy it.
»When judged by its own aims, the Tea Party movement has been a remarkable success. It has bubbled up from ordinary voters fuelled by outrage and formed around a coherent set of simply explained beliefs (small government, no taxes, fear of socialism). Then, it set about taking over one of the two big American political parties. With that achieved, it has set about bending the entire political and economic system of the most powerful nation on earth to its will. It has done that with an iron discipline, a willingness to take political risks and an intolerance for ideological compromise that would have left Lenin impressed (not that he would have been welcomed at meetings).
»Let's also not forget that even though the recent debt deal represented a spectacular cave by the Democrats and President Barack Obama, many in the Tea Party were still unhappy with it. Such is their genius that the Tea Partiers – on the back of a huge victory – were still able to feel like victims. The Tea Party has the will to do things in a way that the left in America currently does not. They have taken the old leftist battle cry of “Organise! Organise! Organise!” and done just that. Not for them the mass emails, spot protests and petition-signings of top liberal pressure groups. Not for them obeying their political elites. Instead, using the primary system, they have made sure that virtually any Republican candidate aspiring to office has either to be of the Tea Party or to pay homage to it. They put up their own candidates, fight tooth and nail for their beliefs against traditional Republicans, and then either win or make sure their agenda is agreed to.»
…Effectivement, séparons bien notre commentaire des attendus du forfait qui semblerait entraîner automatiquement un jugement sans appel. Déblayons, d’abord, pour répéter, comme on fait avec un marteau, que le “programme” et l’idéologie de Tea Party ne nous intéressent pas, parce que 1) ce n’est pas une bataille politique, ni idéologique, ni de “programme” à laquelle nous assistons ; et 2), parce que Tea Party n’a pas de “programme” du tout ni d’idéologie sérieuse. Une seule chose le caractérise, qui est une tendance dont il n’a même pas vraiment conscience, – d’ailleurs, parce que Tea Party n’a pas de conscience… Cette tendance, c’est celle de la centrifugation, comme l’on dit fort rarement, ou bien celle de la dévolution, – ce qui revient indirectement, sans aucune conscience ni volonté dans ce sens, à une haine absolue du Centre, du gouvernement fédéral, de la pièce maîtresse de la structure US, – donc, de la part de Tea Party, une tendance de déstructuration de cette énorme structure géopolitique, idéologique et moderniste que sont les USA. Cette force-là, latente, inexprimée, insaisissable, incompréhensible politiquement, géopolitiquement et sociologiquement, – mais parfaitement compréhensible d’un point de vue psychologique et de l’humeur, – colore tous les actes et comportements de Tea Party. Elle seule nous intéresse.
(D’ailleurs, cette tendance n’est pas propre à Tea Party, elle pourrait l’être évidemment à d’autres mouvements populistes, classés différemment. Elle fut aussi bien propre au mouvement de Madison, en février 2011, auquel Tea Party s’était opposé. Dans ce cas, Tea Party devient la chose à abattre. Ce qui nous intéresse, c’est bien la tendance, et pour l’instant Tea Party y est en plein, alors va pour Tea Party.)
L’admiration de Harris est absolument fondée, car Tea Party a réussi, durant ces quelques semaines, le formidable exploit de secouer le colosse, – le pouvoir américaniste, – et à l’amener au bord du précipice, – en étant grassement payé (dans la forme de l’accord sur la dette) pour ne pas l’y pousser. Mais lorsqu’il s’exclame, Harris : la gauche n’a qu’à faire comme Tea Party, – “S’organiser! S’organiser! S’organiser!”, et marcher au pas cadencé d’une sorte de centralisme bureaucratique, ultra-discipliné, tenu d’une main de fer, et ne céder sur rien, comme Lénine lui-même aurait fait, – alors, il ne peut décrire plus faussement ce qui s’est passé, et il montre qu’il n’a rien compris à ce qui s’est passé de fondamental à Washington.
Nous avons plusieurs fois analysé ce qui fait la caractéristique de Tea Party, qui est sa complète absence de caractéristique à part la tendance de la dévolution, donc sa complète absence d’identité, donc sa complète absence d’organisation, donc sa complète absence de discipline, donc sa complète absence de “programme” et ainsi de suite. Combien Tea Party compte-t-il de parlementaires ? Personne ne peut le dire. (Le caucus Tea Party de Michelle Bachmann à la Chambre, seule tentative visible de “rassemblement”, est ouvert à celui qui, y compris chez les démocrates, se sent proche de Tea Party, – c’est-à-dire de l’idée qu’il se fait de Tea Party…) Qui dirige Tea Party ? Personne ne peut le dire, ou bien tout le monde y prétend. Qui donne les consignes de Tea Party ? Nobody, sinon n’importe qui. Tea Party a-t-il un programme ? On peut dire qu’une Sarah Palin et qu’un Ron Paul sont assez proches de l’insaisissable Tea Party pour dire qu’ils en font partie et que, parfois, ils parlent en son nom, – et, pourtant, peut-on trouver des “programmes” aussi différents, sinon opposés, que celui de Palin et celui de Paul, sans compter l’opposition des tempéraments, des personnalités, entre une écervelée démagogue et belliciste et un vieux sage inflexible et isolationniste, qui les pousseraient vers des rives antagonistes ? Et ainsi de suite, et le tout à l’avenant.
En réalité, le rôle qu’a joué cette forme évanescente, quasiment deleuzienne qu’est Tea Party, durant le débat sur la dette, à partir de l’idée agressivement dévolutionnaire de l’hostilité au Centre, n’a été en rien celle de l’organisation, ni de l’ordre discipliné, mais celle du désordre absolu. Pour comprendre cela, il faut savoir où l’on évolue, et raisonner dans la relativité de l’environnement ; le système, dans sa composante washingtonienne, est complètement bouclé, hermétique même, sur la nécessité du compromis, de l’arrangement, etc., de l’alignement sur les consignes du “parti unique”, de l’alimentation d’un ordre implacable répondant aux structures de ce même Système. Si vous introduisez là-dedans un élément, comme un virus ou comme une termite, qui s’installe sur une position d’une fermeté incroyable et qui dit “non” à tout compromis, tout arrangement, – vous tenez la formule du désordre absolu. Nul besoin de Lénine pour cela. (Au contraire : Lénine voudrait prendre le pouvoir, d’abord dans le parti, puis au Congrès, avant de dissoudre le Congrès et le gouvernement au profit du “parti unique”. Rien de semblable chez Tea Party, qui ne songerait jamais à réclamer pour lui le poste de Speaker tenu par Boehner, qui s’est contenté d’attendre que Boehner vienne à Canossa, pour demander son soutien.)
Le seul élément intéressant que nous découvre l’épisode que nous venons de vivre est qu’il existe chez certains, au cœur du cœur du pouvoir américaniste, une véritable rage antiSystème, une rage contre ce Système, dont aucun n’a d’ailleurs conscience, ni de son existence identifiée, ni du potentiel révolutionnaire. On ne doit pas en être surpris, à l’heure où Al Gore, comme Justin Raimondo après tout, réclame un “printemps américain”. C’est cette rage commune, qu’elle soit d’origine électorale (transfert de la rage des électeurs vers l’élu, comme seul programme de son mandat, appuyé sur une conviction psychologique partagée), qu’elle soit d’origine idéologique, qu’elle soit même pathologique, qui a suscité une certaine unanimité d’attitude chez un certain nombre de parlementaires de la Chambre. (Combien ? Nul ne le sait puisque le nombre varie, comme on l’a déjà vu avec l’affaire libyenne.) C’est ce que Harris prend pour de l’organisation et de la discipline.
Nous sommes dans une situation absolument “maistrienne”, où les sapiens, qui se trouvent très abaissés dans leurs comportements, dans leurs psychologies et dans leurs maîtrise d’eux-mêmes, dans les conditions que ménage cette contre-civilisation où nous sommes, sont emportés par des sentiments primaires qui font le jeu de grandes forces qui les dépassent. Il n’y a aucune unité idéologique, selon les règles du Système, dans tout cela, ni droite, ni gauche, ni rien du tout. A côté d'un Biden qui les traite de “terroristes”, on trouve le républicain belliciste et lunatique McCain qui les traite de “fous”, de “hobbits” (est-ce bien une insulte ? Voir Tolkien, plutôt que McCain…) – lequel McCain, tout de même, fut le premier, en 2010, à s’aligner sur les thèses de Tea Party en Arizona, notamment sur l’immigration, parce qu’il craignait de rater l’investiture du parti républicain pour son mandat de sénateur. (Lequel McCain, – suite, – se ravisant et absolument impayable, déclarait hier, moins d’une semaine après avoir traité Tea Party d’asile d’aliénés que, sans Tea Party, le parti républicain n’aurait pas remporté une si grande victoire, et même qu’aucun accord n’aurait pu être atteint : «I agree the tea party movement has had an effect in that I don’t think without the tea party we would have had an agreement.» Plus on est de fous, ou de hobbits, plus on se joue de la dette…)
Mais tout cela n’est rien en termes d’évolution psychologique, dans un domaine où l’évolution psychologique, – la réalisation psychologique de ce qui devient possible, – est l’essentiel. L’essentiel, aujourd’hui, est que la psychologie finisse, sous les coups et les pressions des crises diverses, par intégrer des perspectives que la raison humaine, elle-même totalement subvertie par le Système, ne peut concevoir sans tomber dans un véritable coma de la pensée.
Le plus grand événement de cette saga de la dette n’est donc pas la résolution boiteuse et sans aucun avenir, sinon de nouvelles crises, de la crise de la dette. Le plus grand événement a sans aucun doute été l’institutionnalisation de Tea Party en candidat démolisseur du pays (les USA). Très vite, le sentiment général a été effectivement celui d’une attaque violente de Tea Party contre le Système, puis contre le pays lui-même. Comme on l’a vu, les accusations fusent, évidemment chez les démocrates surtout, que Tea Party est prêt à “faire exploser” le pays. Cette idée va rester, en se combinant à l’idée que l’action de Tea Party a été décisive et, finalement, pour certains, pas si mauvaise que cela, – et pour d’autres, c’est tout dire, excellente. (Voir l’évolution élégante, vent debout, de l’impayable John McCain, fleuron de l’establishment. Voir aussi l’avis de Ken Blackwell qui, en substance, même si Blackwerll ne le dit pas dans ce sens, équivaut à l’hypothèse de l’“explosion du pays”, mais pour le meilleur plutôt que pour le pire : «Don't the responsible, reasonable adults in the room always call people names like “terrorist?” The only thing being terrorized by tea partiers is the tyranny of the status quo.») L’addition des deux perceptions et l’évolution de leurs deux logiques conjointement conduiraient-elles alors à admettre que le concept de l’“explosion du pays” n’est pas si mauvais que cela ? On sait bien que la réponse est, à terme, positive, – dans une époque où le “terme”, fût-il court, ne cesse de raccourcir encore…
Cette idée générale est renforcée par celle, qu’illustre par exemple le propos de l’expert Ivan Eland (voir ce 3 août 2011), selon laquelle une bonne crise du pouvoir est finalement préférable au fonctionnement d’un pouvoir devenu exécrable. Cette sorte d’attitude est une réhabilitation du concept de crise, et de l’idée de désordre, pour faire sauter les verrous multiples dans lesquels le Système a emprisonné le pouvoir. Toutes ces perceptions constituent une formidable poussée psychologique vers le discrédit du Système, du système washingtonien et de l’establishment, de l’ordre du pouvoir washingtonien, et enfin, au-delà, dans la même logique qui va de soi, de la formule politique prévalant actuellement aux USA. Ce discrédit se fera d'ailleurs, et bien entendu, avec le concours grandissant des gens du Système, de l'establishment, etc., contre leurs propres maîtres (comme nombre de parlementaires de Tea Party, comme un Al Gore, etc.), parce que eux aussi sont psychologiquement épuisés et ont leur psychologie envahie par la possibilité de ces événements nouveaux qui prennent des allures libératrices (passage du paroxysme à la catharsis).
Il est bien entendu que Tea Party est là pour ça, que c’est sa mission, qu’on attend effectivement de lui, par rapport à l’évolution des forces métahistoriques à l’œuvre, qu’il accélère le processus de désintégration des USA qui recèle une des clefs fondamentales de la transmutation de la crise terminale que nous vivons vers quelque chose de complètement, d'absolument différent. Tea Party est porteur du désordre nécessaire à installer au cœur de l’ordre washingtonien, et sa poussée puissante tend à accélérer la pulvérisation de cet ordre. Les habituels représentants de l’ordre, et du Système, en déduisent : Tea Party veut “faire exploser le pays”. C’est sans doute aller bien plus vite que ne va Tea Party, et bien au-delà de ce que veut Tea Party… C’est surtout ne tenir aucun compte de la question, avec la réponse négative évidente, de savoir si Tea Party peut vraiment vouloir quelque chose, puisqu’il n’existe pas vraiment. Par contre, sans aucun doute Tea Party est une dynamique en soi, quelque chose qui progresse sans se préoccuper ni du but ni des conséquences, et ce n’est que justice et logique que de tirer comme conclusion de sa performance de juillet 2011 qu’il a comme but final de “faire exploser le pays”.
Dans ce jeu étrange où tout le monde se tient par la barbichette, où tout le monde pense à la même chose sans oser en dire un mot (sauf Al Gore, semble-t-il), où le plus formidable pouvoir du monde est formidablement paralysé, où la puissance des événements ne peut se comprendre qu’en sollicitant des références hors du champ de plus en plus étroit de la raison, effectivement un événement comme la pénétration dans les psychologies d’une telle idée (“faire exploser le pays”) constitue un événement déstructurants pulvérisant les certitudes sur lesquelles l’ensemble repose. Ainsi en viendrions-nous à observer que Tea Party pourrait bien être, aussi insaisissable et élusif, incompréhensible et “deleuzien” qu’il soit, l’“American Gorbatchev” que nous attendons avec le plus grand intérêt, – ou, dans tous les cas, l’événement qui ouvre la voie au phénomène dit de l’“American Gorbatchev”, – qui pourrait alors être une œuvre collective, si l’on veut. Barak Obama, dont l’échec constitue un des grands événements du début du XXIème siècle et un exercice en abêtissement de l’esprit et en couardise du caractère sans guère d’équivalent, aurait dû être cet “American Gorbatchev”. Il ne l’a pas été, tant pis pour lui et bon anniversaire (50 ans> demain)…
La grande, l’immense différence tout de même, par rapport à l’hypothèse initiale, c’est qu’Obama eût été un “American Gorbatchev” avec à l’idée de garder les USA comme une entité à l’égale de ce qu’ils sont aujourd’hui (avec toutes les réserves d’usage, lorsqu’on voit ce qui arriva à l’entité URSS réduite à la Russie que Gorbatchev prétendait maintenir approximativement en l’état). Tea Party, lui, est d’ores et déjà sur les voies de la dévolution, de la sécession, de l’éclatement, par simple désintérêt et mépris pour Washington et son establishment. Inutile qu’il en soit conscient, Tea Party qui n’existe pas, nous en sommes conscients pour lui. Au rythme où vont les choses, il est entendu que nous verrons fleurir bien vite d’autres Tea Party, aux diverses et différentes couleurs, qui s’engouffreront eux aussi dans la voie ainsi ouverte de l’éclatement du monstre washingtonien.