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984La position de Tea Party sur la “question de l’empire” est aujourd’hui le point central de la réflexion sur l’orientation de ce mouvement. (Il s’agit de la politique étrangère interventionniste des USA, soutenue par des dépenses militaires non seulement considérables mais absolument surréalistes, per se autant que par rapport à la situation générale des USA.)
Après une enquête sommaire effectuée le 15 avril parmi des membres du mouvement, Medea Benjamin, une activiste de gauche fondatrice du mouvement Women for Peace (CODEPINK), estime que Tea Party n’échappera pas à un débat fondamental sur cette question. Elle décrit sa démarche et les réflexions qu'elle en tire dans Huffington.Post le 19 avril 2010.
«The Tea Party wants small government, right? Actually, it's not so simple. In fact, you could drive a Bradley tank right through an ideological schism within the Tea Party.
»On Tax Day, my CODEPINK colleagues and I conducted 50 interviews with Tea Party members about the cost of war and empire. With military spending eating up 20 percent of the federal budget and half of all discretionary spending, we figured that any serious effort to shrink government would have to deal with this bull in the china shop. […]
»At the Tea Party Tax Day gathering, Cong. Ron Paul was one of the last to take the stage at the evening rally. He began by chastising liberals for their social spending, and then took on the conservatives for wanting to be the policemen of the world. “We're stretched too far with all this government spending overseas,” he said to fans who had waited all day to hear him. ‘We should just mind our own business.”
»New York Times/CBS Tea Party poll showed Ron Paul lagging far behind the popularity of hawkish Sarah Palin (only 28 percent had a favorable opinion of Paul, 15 percent unfavorable, and a surprising 56 percent said they hadn't heard enough about him). But Paul won the presidential straw poll at the annual Conservative Political Action Conference and in a time of soaring deficits, his anti-empire message may be catching on.
»He certainly seems to have influenced Tea Party darling Glenn Beck. The day after tax day, Beck announced that he was ready to take on his own sacred cow – national security – and that he was moving more and more towards a Ron Paul position.
»It was shocking to hear the right-wing Beck talk about out-of-control military spending. “I'm tired of being the world's policeman,” he groused, complaining about the decades we have been in Germany, Japan and the Korean Peninsula. “We need to have a 'no loitering' policy.”
»While Beck is no dove ("Take the military off the leash; if you decide to go to war, unhook those dogs and get the hell out of the way,” he said on the same show), he thinks it's time to shift our money out of foreign aid and long-standing overseas commitments. “We are not an empire, we are a republic. And it's time we start acting like the republic that we were meant to be.”
»Tea Party leaders have been trying to keep this huge division between supporters of republic and empire under wraps. Aside from Ron Paul, you'll rarely here them mention the raging wars or bulging military coffers. Their new Tea Party Contract from America, which talks about a limited government and an end to budget deficits, doesn't mention military spending.
»But you can't have small government with a humongous military traipsing all over the world. Sooner or later, Tea Party leaders and manifestos will have to articulate their foreign policy positions.
»One of the most sophisticated people I talked to all day was 22-year-old college student Andrew Barth from College Park, Maryland. “The hawks represent the old guard – so do both the Republican and the Democratic parties. With a few exceptions, they all love war and empire. But a small-government movement worth its salt can't just be anti-Washington, it has to be anti-empire. If not, I'm outta here.”
»It's not hard to read the tea leaves on this one. As the Tea Party totters precariously between empire and republic, the fragile threads that are holding it together will fall apart on the rocky shoals of foreign shores. Maybe then, Libertarians and social progressives can make common cause against expansive – and expensive – empire.»
@PAYANT Medea Benjamin ne soulève pas un problème nouveau. Nous avons déjà parlé de cette question, notamment en marge de la prestation de Ron Paul au CPAC (voir notre F&C du 23 février 2010). Ce qu’elle met en évidence dans son texte et à la suite de son enquête, c’est la maturation de ce problème au sein de Tea Party. Dans ce cas, la première remarque qui vient à l’esprit est que les choses vont vite, très vite. En fait, c’est le discours de Ron Paul du 21 février 2010 qui a exposé le problème des rapports de Tea Party et de la politique expansionniste et interventionniste de l’empire, et Medea Benjamin nous dit aujourd’hui que ce problème est en pleine maturation, – moins de deux mois pour arriver au point de maturation d’une telle question, c’est bien peu, et c’est le signe que le problème est pressant.
Il est certain que Tea Party fut au départ (janvier 2009) un mouvement spontané, mais très rapidement l’objet de sollicitations et de soutiens à la fois du parti républicain, pour des raisons électoralistes, et de certaines forces du corporate power (grandes entreprises US) qui trouvaient leurs avantages dans une action s’exprimant objectivement contre une administration perçue comme “interventionniste” et éventuellement “régulatrice”. (Nous parlons de perception car l’on connaît la réalité à ce propos de l’administration Obama, – mais, dans l’ère du système de la communication, la perception, aussi déformée soit-elle, règle tout.) On décrit ici la situation de la période janvier 2009-septembre 2009.
A partir de la manifestation massive de Tea Party à Washington à la mi-septembre 2009, le débat s’est réellement amorcé, renforcé de façon pressante par l’élection du Massachusetts de janvier 2010 où Tea Party joua un rôle prépondérant. Désormais, Tea Party était considéré comme un fait politique fondamental, comme un mouvement populiste, et la question de sa définition se posait. Avec ce constat, une lutte d’influence s’est engagée entre le fondement du mouvement tel qu’il ne cessait de se renforcer et ces forces annexes (républicains, corporate power) qui tentaient de le contrôler à leur avantage. Le CPAC du 20-21 février, le triomphe de Ron Paul à cette occasion, ont montré que le fond populiste du mouvement prenait de plus en plus l’ascendant sur les forces de récupération. Nous entrions dans le problème général exposé par Medea Bejamin puisque Paul lui-même l’avait posé dans son discours très largement consacré, sous les applaudissements enthousiastes des participants au Congrès, à la contestation de la politique de l’empire. C’est aussi bien un choix idéologique qu’une question de cohérence interne du mouvement: puisque Tea Party veut un gouvernement central minimal, sinon moins encore pour certains, comment accepter que ce gouvernement dépense $1.200 milliards par an pour une politique interventionniste militarisée outre-mer, conduisant de surplus à l’impuissance et à l’impotence, alors que les USA eux-mêmes traversent une crise sans précédent?
Effectivement, si Tea Party est un succès, et il l’est diablement, comment éviter un débat féroce sur cette contradiction interne, puisqu’il s’avère que certains de ses dirigeants ne veulent pas poser ce problème des dépenses de la politique expansionniste, et donc du principe de cette politique interventionniste (de crainte de la réponse qu’apporteraient les militants)? La récente évolution de la chaîne de TV Fox.News, qui a commencé à critiquer Tea Party pour les habituelles sornettes idéologiques (extrémisme, xénophobie, etc.) et nuance de plus en plus le soutien total qu’elle accordait à Tea Party en 2009, est bien le signe de ce flottement. Fox.News, qui appartient à Rupert Murdoch et soutient la politique neocon, soutenait Tea Party lorsque l'habile Murdoch s’était convaincu que Tea Party allait être une arme anti-Obama préservant et même renforçant la politique interventionniste. Aujourd’hui, il n’en est plus sûr du tout, et cela a été exprimé d’une façon très inhabituellement explicite, signe de l’importance de l’événement. (Le “tournant” en cours de Fox.News a été précédé, à quelques jours, de déclarations de Murdoch critiquant Tea Party, – toujours selon la “ligne du Parti”, selon les prétextes idéologiques).
Il est remarquable, dans ce que rapporte Medea Bejamin, de voir dans quelle mesure ce sont les jeunes militants du mouvement qui s’opposent à la politique interventionniste. (L’étudiant de 22 ans Andrew Barth : «The hawks represent the old guard – so do both the Republican and the Democratic parties. With a few exceptions, they all love war and empire. But a small-government movement worth its salt can't just be anti-Washington, it has to be anti-empire. If not, I'm outta here.») De même, le cas Ron Paul: rarement, sinon jamais n’a-t-on vu un homme politique aussi âgé charrier avec lui un public de soutien aussi jeune et enthousiaste, et cela reflète effectivement, notamment, la position de Paul sur la question de l’“empire”.
Il est alors concevable d’envisager que Tea Party puisse évoluer décisivement dans les prochains mois, en allant vers cet affrontement interne entre les satellites bellicistes qui voudraient influer sur le mouvement et le récupérer à leur avantage, et la majorité de ce mouvement qui se définirait de plus en plus comme anti-guerre. On se trouverait alors devant une nouvelle opportunité. Si Tea Party prend position de plus en plus dans ce sens, la gauche du parti démocrate et les dissidents qui gravitent autour de cette gauche et qui jusqu’ici ont gardé leurs distances, pourraient se rapprocher de Tea Party pour former une base populiste cohérente et puissante. Certes, les conceptions sur le “volume” du gouvernement central, voire son rôle et son influence légale, sépareraient ces deux factions, – mais, à notre sens, d’une façon factice. Si la gauche veut un gouvernement central fort, c’est parce qu’elle y voit un pouvoir contre le corporate power; et cette même gauche est aussi anti –guerre… Que reste-t-il de son soutien à ce gouvernement, si ce gouvernement se montre si souvent proche du corporate power et s’il est prisonnier du Pentagone et du Complexe, comme l’a laissé entendre le président lui-même?
Mis en ligne le 21 avril 2010 à 06H43