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1375Robert Reich fait une analyse particulièrement puissante et intéressante de Tea Party par rapport au business, ou l’inverse plutôt… Sur RobertReich.org le 29 octobre 2010, sur Huffington.post le même 29 octobre 2010.
Après avoir constaté que le Big Business ne dit rien à propos de Tea Party, ni ne s’élève contre lui, que ce serait même le contraire paraît-il pour certains cas, Reich s’exclame à propos de l’inconséquence des dirigeants des milieux d’affaires... Pourquoi ? A cause de l’importance plus que probable de Tea Party, et à cause de ses projets…
«Beyond fiscal rectitude and less spending, tea party candidates are targeting the central institutions of American government. The GOP Senate candidate from Kentucky, Rand Paul, is among several who want to abolish the Federal Reserve. They blame the Fed for creating the Great Recession and believe that the economy would be better off without a single institution in Washington setting monetary policy. Even Maine’s stolid Republican Party, now under tea party sway, has called for eliminating the Fed. In a Bloomberg poll a few weeks ago, 60% of tea party adherents wanted to overhaul or abolish the Fed (compared with 45% of all likely voters).
»Another tea party target is the Internal Revenue Service. South Carolina Sen. Jim DeMint, who has emerged as the Senate’s leading tea party incumbent, says that his “main goal in the Senate will not only be to cut taxes, but to get rid of the IRS.” Mr. DeMint’s goal is echoed by many tea party candidates, including Arkansas Rep. John Boozman, now running for Senate.
»At the least, business leaders who complain about uncertainties caused by Mr. Obama’s policies might be concerned. John Castellani, the former head of the Business Roundtable who is now running the Pharmaceutical Research and Manufacturers of America, told Bloomberg Businessweek this month, with remarkable understatement, “This kind of extremism makes it much harder to plan from a business perspective.”
»GE’s Mr. Immelt may be unhappy with President Obama, but he’ll be far unhappier if the tea party takes over the GOP. Tom Borelli, director of the Free Enterprise Project of the National Center for Public Policy Research, a conservative think tank and vocal supporter of the tea party movement, has demanded Mr. Immelt’s resignation, calling GE an “opportunistic parasite feeding on the expansion of government.” Among Mr. Immelt’s alleged sins: taking federal subsidies for clean energy…»
Un autre domaine où Tea Party va s’avérer dévastateur pour les pratiques du Big Business, c’est celui de la globalisation avec tous ses caractères : les institutions internationales, le marché libre, la liberté du commerce, etc. Les dirigeants d’entreprise s’en sont-ils seulement avisés ?
«Many Tea Partiers similarly recoil from global institutions and agreements. Minnesota Representative Michele Bachmann, leader of the House’s Tea Party caucus, calls the Group of 20 summit “one short step” away from “one world government,” and suggests America withdraw from international economic organizations. “I don’t want the US to be in a global economy where our economic future is bound to that of Zimbabwe” she says. And a higher proportion of Tea Partiers oppose free trade than does the American population in general. In a recent WSJ/NBC poll, 61 percent of respondents who characterized themselves as Tea Partiers thought trade was bad for America.
»Under normal times ideas like these wouldn’t gain much public traction. Why are they now? Because of the continuing effects of the Great Recession. History has shown that people threatened by losses of jobs, wages, homes, and savings are easy prey for demagogues who turn those fears into anger directed at major institutions of a society, as well as individuals and minorities who become easy scapegoats – immigrants, foreign traders, particular religious groups. Were it not for their ongoing economic stresses, Americans wouldn’t be receptive to abolishing the Federal Reserve and the IRS, or believe government and big business were conspiring against them, or turn nativist and isolationist.
»Business leaders should be standing up to the tea party. And they should be actively supporting policies to relieve the economic stresses that fuel it. Their silence in both regards is not only bad for business; it threatens the stability of our economic and political system.»
@PAYANT S’il n’a encore mis à bas le système, Tea Party secoue terriblement les esprits, les réflexions et les prospectives à cet égard. En janvier dernier (le 28 janvier 2010), Robert Reich faisait une analyse assez positive de Tea Party, à qui il trouvait un certain charme, suggérant même que droite populiste (Tea Party) et gauche populiste pourraient après tout s’unir. (Mais personne n'a vu venir la gauche populiste entretemps...) Aujourd’hui, il change nettement d’appréciation, et juge implicitement que Tea Party “menace la stabilité de notre système économique et politique”, en même temps qu’il annonce que Tea Party aura une place importante au Congrès et très importante dans le parti républicain, exerçant une influence à mesure. D’où cet appel assez paradoxal au Big Business, – paradoxal, dans la mesure où Reich, nettement à gauche dans la mouvance démocrate générale, est en général, bien entendu, un ennemi déclaré de ce même Big Business. Mais Tea Party brouille tout... Désormais, Tea Party est vraiment perçu, par un Reich également, comme une menace contre le système, pouvant effectivement agir directement à partir des organismes législatifs. Dans ce cas, Reich, oubliant ses velléités parfois proches d’être révolutionnaires, se retrouve en défenseur inconditionnel de ce système, appelant indirectement mais clairement à la rescousse l’un des piliers économiques du système (le Big Business) qu’il a en général l’habitude de fustiger.
Il faut dire que certains des projets de Tea Party qu’il détaille sont impressionnants. L’attaque contre la Fed est généralisée, ainsi que l’attaque contre le service fédéral des impôts, ce qui représente des objectifs absolument déstructurants du système. Dans ce cas, Tea Party apparaît, derrière ses tendances d'opposition aux dépenses publiques, comme une force objectivement centrifuge, qui s’attaque à la structure même des USA au travers de son gouvernement central et de certaines institutions fédérales fondamentales. Cet aspect est largement renforcé par une démarche hostile à la globalisation, aux institutions internationales, au libre échange, bref à tous les attributs de ce qu’on nomme pompeusement dans nos bureaucraties si satisfaites d’elles-mêmes “la gouvernance mondiale”. (En passant, ce devrait être un aspect qui ne devrait certainement pas mécontenter nombre de démocrates, et qui seraient même susceptible de plaire à un Kucinich ou même à un Reich… Mais nous n’en sommes pas à un paradoxe près.) Tout cet appareil de la globalisation fait partie intégrante de la politique générale de Washington et, là encore, c'est Washington, le centre, qui est mis en cause.
Les conséquences de ces tensions ne peuvent aller que dans le sens d’une pression centrifuge, s’imposant comme une poussée favorisant une évolution dont le terme catastrophique, si les conditions d’une catastrophe étaient réunies, ne serait rien moins que la menace directe d’une dislocation des USA. C’est effectivement la principale préoccupation de Reich qui, comme tout démocrate de gauche, et surtout économiste de gauche, est également keynésien, centralisateur, favorable par conséquent à un gouvernement central (fédéral) fort, etc. Quant à cette incompréhension de Reich concernant l ‘attitude du Big Business, il n’est pas le seul à l’éprouver. Il semble que, de ce point de vue, le Big Business soit également victime du climat général d’hystérie qui brouille singulièrement le jugement, et notamment ces éléments de l’hystérie que sont l’obsession anti-Obama et anti-centralisatrice, oubliant (le Big Business) combien il a profité des largesses du gouvernement central depuis l’époque Roosevelt, et, encore si récemment, en 2008.
Il se confirme bien que Tea Party fait perdre leur sens commun à tous les acteurs politiques et économiques aux USA. Les positions que la poussée Tea Party engendre (poussée qui n’est encore que celle des sondages et de l'activisme au niveau des “primaires” et de la campagne électorale) sont marquées par l’irrationalité de la panique, des jugements hâtifs ou contradictoires, par la confusion et le désordre. Personne ne paraît pouvoir définir une position claire vis-à-vis de Tea Party, exactement à la mesure de l’absence de définition claire de Tea Party lui-même. Le sentiment général est marqué par des excès extraordinaires, de tous les points de vue. (Voir aussi la crainte de la “montée du nihilisme” de Dennis Kucinich.) Il s’agit bien du spectre d’une situation de désordre complètement incontrôlable, quelque chose d’énorme, un épouvantail qui semble semer partout l’épouvante.
Le commentaire de Reich confirme l’universalité étonnante de cette panique générale. Si elle paraît très étonnante de la part de cet économiste qui a souvent flirté avec des positions extrémistes (tout en restant dans le cadre du système), elle confirme le caractère absolument insaisissable, hors des normes et des séries, de Tea Party. Ainsi, même les plus extrémistes, les plus marginaux du système (Reich et Kucinich) sont effrayés par Tea Party … C’est comme si l’apocalypse nucléaire venu de l’intérieur des USA menaçait Washington, le système, les Etats-Unis d’Amérique, mais une apocalypse dont on ne saurait rien, ni de l’intensité, ni de l’orientation, ni des retombées, – ni même, d’ailleurs, s’il aura vraiment lieu… Ou bien, alors, pourrait-on avancer l'hypothèse qu'elle a déjà eu lieu sans que l'on n'en ait encore pris conscience, et que nous en sommes à constater ses premiers effets.
Mis en ligne le 30 octobre 2010 à 18H55
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