Tous comptes faits, l’Iran est de plus en plus sympa

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Il n’est plus vraiment question de “taper” sur l’Iran, même si la question traditionnelle amène la réponse traditionnelle, mais sur un mode extrêmement pianissimoMullen said the Obama administration has still not taken the military option against Iran off the table, but said “I believe it's got to be a last resort”»). Il s’agit effectivement de l’amiral Mullen, président du Joint Chief of Staff (JCS), déclarant que l’Iran pourrait très bien travailler avec les USA et l’OTAN en Afghanistan, contre les talibans et assimilés. Mullen nomme cela “a regional approach”. L'expression est nuancée, l'heure est à la coopération.

L’AFP donne quelques indications, reprises par Defense News le 27 janvier.

«The U.S. military chief said Jan. 27 he favors a regional approach to Afghanistan that would include neighboring Iran, despite problems posed by Tehran's nuclear ambitions. Adm. Michael Mullen's remarks echo similar statements this month by NATO Secretary General Jaap de Hoop Scheffer and General David Petraeus, the commander of U.S. forces in the Middle East.

»“With respect to Afghanistan, a regional approach is critical,” said Mullen, the chairman of the Joint Chiefs of Staff. “Iran, as a bordering state, plays a role as well and to the degree that we are able to dialogue with them and find some mutual interests, there is a potential there for moving ahead together but I really leave that to the diplomats,” he said. “Iran is unhelpful in many, many ways, so I wouldn't be overly optimistic at this point but there are mutual interests that I think might offer some possibilities,” he said.»

Nous y sommes donc, sortant à petites touches précises de l’ère Bush pour entrer dans l’époque de la Grande Crise à tous égards. Les USA, selon les promesses d’Obama et les orientations conventionnelles des démocrates, se tournent vers l’Afghanistan en le désignant comme le front central, conformément à une politique de poursuite de la confrontation dans le cadre de la “guerre contre la terreur”. Mais la question iranienne interfère aussitôt dans cette orientation, pour la nuancer de façon significative. Puisqu’on veut “parler” avec l’Iran (Obama, Clinton) pour explorer les moyens de détendre les relations, on envisage également d’inviter ce pays à entrer dans la problématique afghane. On n’ignore pas que l’Iran a toujours manifesté, plus ou moins discrètement, son soutien à la lutte contre les talibans afghans, qu’il considère comme dangereux pour sa propre stabilité. Ces ouvertures ont été systématiquement repoussées par l’administration Bush, caressant l’option militaire contre l’Iran d’une façon convulsive pendant les trois dernières années. Aujourd’hui, le ton change très vite. Il y a deux ou trois raisons à cela, qui exposent évidemment le côté dépressif général de la position occidentale, et surtout US, influant dans ce cas sur la position vis-à-vis de l’Afghanistan.

• Il y a la situation en Afghanistan elle-même. Un soutien de l’Iran, d’une façon ou l’autre, serait une aide précieuse, estime-t-on dans les directions occidentales. Cette évidence, considérée dans les circonstances actuelles, implique également combien le ton offensif employé à Washington par Obama à l’égard du conflit afghan a un côté largement sollicité, forcé, renvoyant à un devoir d’interventionnisme et de politique dure qui fait partie de l’agenda de l’establishment.

• Une coopération avec l’Iran en Afghanistan doit compléter une éventuelle reprise du dialogue des USA avec l’Iran, selon les plans de l’équipe Obama qui ont l’air d’être acceptés en général à Washington. L’intervention de Mullen montre également que les militaires soutiennent cette option de détente, comme ils l’ont d’ailleurs montré ces trois dernières années, souvent d’une façon conflictuelle avec l’administration Bush. Cette orientation constitue également une tendance qui éloigne Washington des intérêts israéliens et qui devrait susciter rapidement des tensions dans les relations entre les deux alliés.

• Tout cela doit être effectivement considéré dans le cadre de ce que nous désignons comme “la Grande Crise”. D’une façon irrésistible, la situation générale des USA, au niveau intérieur bien sûr, commence à peser sur les engagements bellicistes de l’époque Bush. Cet aspect des choses renvoie au dilemme qui est en train de prendre forme pour l’administration Obama, entre les engagements extérieurs et les nécessités intérieures. L’accent est mis sur l’Afghanistan, certes, mais la situation intérieure US est de plus en plus contraignante, de plus en plus pressante, de plus en plus accaparante. Alors, des options nouvelles sont explorées, et, notamment, vis-à-vis de l’Iran, qui apparaît comme un acteur fondamental dans la région de l’“arc de crise” (de l’Irak à l’Afghanistan), dans ces circonstances. C'est une intéressante évolution: autant l’alliance avec Israël était impérative du temps de Bush, autant le rapprochement avec l’Iran devient nécessaire du temps d’Obama. Encore plus qu’un choix raisonnable de rechercher des voies plus arrangeantes pour ces problèmes, il s’agit vraiment de la pression de la crise intérieure qui commence à pousser les affaires des engagements agressifs extérieurs au second plan, et qui conduit à envisager des accommodements, notamment avec ce membre très dénoncé et voué jusqu’il y a peu aux gémonies de l’“axe du mal”.

On peut observer que la Grande Crise qui a démarré en septembre 2008 dans sa phase paroxystique commence à faire sentir ses effets d’une façon générale, dans tout l’appareil belliciste développé et hypertrophié aux USA depuis le 11 septembre 2001. Cela vaut ici, pour l’Afghanistan, comme cela vaut pour le Pentagone. Nous entrons à grands pas dans cette nouvelle époque, post-9/11, post-“guerre contre la Terreur”. L’évolution se fait d’une façon assez peu spectaculaire (pour l’instant?) mais très rapidement si l’on mesure que l’administration Obama a une semaine d’existence. La crise n’attend pas.


Mis en ligne le 28 janvier 2009 à 05H58