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163212 mars 2008 — Le départ de l’amiral Fallon de son poste de commandant de Central Command suit évidemment la publication de l’article du 5 mars dans Esquire. (Le site d’Esquire a “rafraîchi” la présentation de son article au 11 mars en y ajoutant l’annonce de la démission de Fallon. Mais l’article date du 5 mars.) Plus encore, elle suit le moment où l’article d’Esquire a commecé à recevoir un écho public important. C’est ce que remarque le Nelson Report cité par Steve Clemons sur son site The Washington Note, hier soir:
«Interestingly, in this time of instant world-wide communication, it took a few days for the Esquire piece to reach critical mass attention. Some observers feel it wasn't until Egyptian press picked it up and made a big deal that it reached the Bush/Gates level, after which “something had to be done”.»
En d’autres termes, la direction US, – et cette fois, Gates sans doute d’accord avec Bush, – aurait estimé que l’article portait trop de tort à l’image de la cohésion de la direction US pour ne pas avoir une suite. Dans ce cas, Fallon se serait trouvé isolé, même de ceux (Gates) qui sont de son parti dans la question iranienne: «Any administration, and not just Bush and Gates, would rapidly conclude that they could not tolerate having their hand-picked commander for Iraq and Afghanistan seeming to take on responsibility for deciding whether to go to war with Iran (or any other country), in an interview which appeared last week in Esquire Magazine.»
Dans ce cas toujours, l’interprétation du départ de l’amiral Fallon n’est nullement celle d’une mesure pour faciliter une attaque contre l’Iran en se débarrassant d’un commandant sur le terrain qui y est opposé. La présentation du départ de Fallon par le secrétaire à la défense Gates a été particulièrement insistante sur ce point:
«Gates described as “ridiculous” any notion that Fallon's departure signals the United States is planning to go to war with Iran. And he said “there is a misperception” that Fallon disagrees with the administration's approach to Iran.
»“I don't think there were differences at all,” Gates added.
(…)
»“I think this is a cumulative kind of thing,” said Gates, speaking of the circumstances leading up to Fallon's decision. “It isn't the result of any one article or any one issue.”
»“As I say, the notion that this decision portends anything in terms of change in Iran policy is, to quote myself, ‘ridiculous,’” he said.»
Notre première impression est que le départ de Fallon est d’abord un problème de prérogatives de commandement et n’est pas directement lié avec la situation dans la crise iranienne. (D’autant que, comme on le lit dans Esquire, l’amiral Fallon n’est nullement présenté comme un adversaire de la politique “impériale” US mais qu'il la veut tactiquement plus souple.) En d’autres mots plus dramatiques, le départ de Fallon n’aurait pas été provoqué parce qu’une attaque se prépare. Que ce départ ait un effet sur la crise iranienne est un autre problème, et cela reste à voir.
Il s’agit vraiment, à cause de l’importance de l’article, de l’importance du magazine qui l’a diffusé, de son écho international comme le note le Nelson Report, d’“un article trop loin” alors que la situation de la crise iranienne a évolué. Sur le fond, on ne s’est pas privé jusqu’ici d’écrire ce que pensait et faisait Fallon, et Fallon lui-même de faire des déclarations dans ce sens (comme dans le Financial Times en
Une appréciation que nous trouvons acceptable est que Gates a peut-être compté également (en plus de Bush, bien sûr) dans la décision de pousser Fallon à la démission. Dans ce cas, l’aspect d’insubordination l’a emporté sur toute autre considération, et Gates pouvait aussi bien juger que l’article, suivant d’autres incidents, mettait en cause le fonctionnement ultime du système avec la prépondérance de la direction politique, alors que le système se trouve déjà en état de crise profonde. De ce point de vue, l’affaire montre plus cette faiblesse du système que sa force. Le système ne peut se permettre, sous peine de discrédit complet, d'accepter encore un écart de cette sorte, essentiellement à cause de l’écho qu’a obtenu l’article plus que par ce qui y est dit.
Cette interprétation prend en compte également que la situation dans la crise iranienne s’est notablement détendue, notamment après la publication de la NIE 2007, et la présence de Fallon est moins nécessaire. (Fallon n’avait pas été sanctionné pour ses déclarations au Financial Times, qui vaut Esquire en notoriété, mais en novembre 2007 la situation avec l’Iran était beaucoup plus tendue.) Cette détente est soulignée dans le même Nelson Report déjà cité, expliquant les intentions de Fallon au travers de l’article d’Esquire:
«As we said in the Summary, the answer is “no, Fallon didn't fear that Bush was about to go to war with Iran”.
»And sources close to senior Administration decision-makers reinforce this conclusion, one saying “there is absolutely no chance of war with Iran, so far as the US is concerned.”»
(Mais le même passage ajoute, et c’est là l’incertitude dont nous parlions plus haut [“Que ce départ ait un effet sur la crise iranienne est un autre problème, et cela reste à voir.”] : «What Israel might at some point do, it was conceded, could be another matter...»)
En conclusion, nous croyons que le départ de Fallon aurait moins à voir avec la situation dans la crise iranienne qu’avec la situation à l’intérieur de la direction américaniste. Le rôle qu’y aurait joué Gates selon notre appréciation, lui qui fut jusqu’ici un soutien indéfectible de Fallon et qui est un adversaire affirmé d’une attaque contre l’Iran, montre que cette situation de la direction américaniste est en état de très grave crise. Mais toutes les crises, bien entendu, s’influencent les unes les autres. Le départ de Fallon crée donc une nouvelle tension, à Washington même, avec des spéculations sur l’état du système et sur la possibilité d’une attaque contre l’Iran, et aussi dans la crise iranienne.
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