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1494Les réactions franco-allemandes aux événements financiers des USA sont extraordinairement dures. Un article du EUObserver de ce jour met en évidence le parallélisme de ces réactions, ainsi que leur dureté, notamment par la présentation du discours de Toulon de Sarkozy, hier, et de déclarations du ministre allemand des finances Peter Steinbruck, hier également, devant le Parlement allemand.
Les déclarations du président français sont aujourd’hui connues. Elles sont particulièrement vigoureuses et ne cessent de troubler ceux qui suivirent l’interprétation donnée à son arrivée au pouvoir, comme celle d’un réformiste acquis au néolibéralisme. Elles sont bien illustrées, notamment par ces quelques phrases impératives:
«Une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir.
»L’idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle.
»L’idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle.»
Les déclarations du ministre allemand sont également très intéressantes. Elles le sont d’autant plus que l’Allemagne, surtout depuis l’arrivée de Merkel, a habitué à une grande prudence par comparaison à la position française, sinon dans le domaine de la critique directe des USA qu'aucun des deux n'affectionnait, dans tous les cas dans le domaine de l’affirmation d’une position différente de celle des USA. Mais nous sommes loin désormais de cette prudence et le discours de Peter Steinbruck ne s’intéresse plus au maniement de nuances qui le cèdent devant l'urgence.
«Meanwhile, German finance minister Peter Steinbruck criticised the US for failing to act in the wake of the crisis and said it would now lose its status of ‘superpower.’ “The US will lose its status as the superpower of the world financial system. This world will become multi-polar,” with the emergence of centres in Asia and Europe, he told the German parliament on Thursday. “The world will never be as it was before the crisis,” he added.
»Mr Steinbruck's criticism of the US has been amongst the sharpest yet made since the beginning of the crisis. He notably blamed Washington for resisting stricter regulation, even after the crisis started last summer, and said this free-market-above-all attitude and the argument "used by these 'laissez-faire' purveyors was as simple as it was dangerous," the Associated Press reports.
»He stressed that Germany had made recommendations last year for more rules, which Washington refused to consider. They “elicited mockery at best or were seen as a typical example of Germans' penchant for over-regulation,” Mr Steinbruck said.
»Earlier this week, German foreign minister Frank-Walter Steinmeier also said the US should have listened to the advice coming from Europe, notably from Germany, that more control was needed.
»“It is a discussion that we have had for a long time in Europe, that the completely unregulated parts of the international financial market must be more closely monitored and that we must try to reach an agreement on common regulations,” he said during a visit to the New York Stock Exchange on Wednesday, according to Forbes.»
On peut aussi avoir une idée de l’ampleur des réactions négatives de ces deux pays dans une analyse de WSWS.org, aujourd’hui. Le texte cite également des jugements de purs atlantistes allemands annonçant la fin de l’alliance avec les USA, tel celui-ci: «The 80-year-old Herbert Kremp, a veteran of the Cold War, headlines his comment in Die Welt with the words: “The consequences of the crisis: Europe abandons its old model—the US.” Kremp expresses his regret about this, but considers it to be inevitable. “The temptation will become ever greater to follow the flows of gas and oil instead of pursuing a long-term geo-political strategy which unites liberty and prosperity,” he writes, meaning by the latter the transatlantic alliance.»
Le texte de WSWS.org est intéressant parce qu’il accompagne cette revue de détails de commentaires acides et termine par un jugement définitif: tout cela n’est rien, puisque les travailleurs du monde entier ne sont pas réunis sous la bannière du trotskisme.
«There is nothing positive in this demarcation from the US. It will inevitably aggravate the conflicts between the imperialist powers, including setting the European states against each other. A real opposition to the dominance of finance capital can only be developed through the unity of the international working class, including American workers, on the basis of a socialist programme.»
C’est une appréciation qu’on retrouve souvent, directement ou in fine, dans les sphères d’opposition (cela, nullement réduit au trotskisme bien sûr). Il s’agit moins, dans cette sorte d’attitude, d’apprécier le recul et les soubresauts d’un système mortel, qui conduit même des dirigeants politiques sans guère de caractère à adopter des attitudes de caractère et d’une extrême fermeté, que de renouveler l’idée qu’hors de ses propres conceptions, de ses propres penchants et de ses propres humeurs, de ses propres jugements et de ses propres sentences, rien n’est digne d'appréciations approbatrices. Réfuter la position de Sarkozy et son importance politique évidente parce qu’on juge que Sarkozy n’est pas sympathique, qu’il n’est pas “présidentiel”, qu’il a des fréquentations douteuses et qu’il abuse de ses privilèges, voire parce qu’il est “un agent américain”, c’est surtout s’accorder à soi-même le satisfecit d’avoir toujours raison et de donner toujours la préférence au fait d’avoir raison.
Pour notre compte, et quoi que nous pensions de peu favorable (c’est le moins qu’on puisse dire) de cet homme politique (Sarko), il nous paraît évident qu’il importe d’apprécier à sa juste valeur ses prises de positon présentes. Qu’elles perturbent un éditorialiste du Figaro, un Glucksman et les gardiens de la vertu des engagements électoraux ne nous importe pas vraiment, à vrai dire, sinon pour une secrète satisfaction. Qu’on puisse juger qu’il est un “agent américain” au pire nous confirmerait dans l’idée que nous nous faisons de la stupidité des services de recrutement des centrales américanistes. Au bout du compte, seule importe l’effet que ces prises de position ont sur la situation générale, et sur la perception grandissante qu’on a de l’illégitimité du système déstructurant de l’américanisme.
Par ailleurs, on appréciera combien ces prises de position favorisent un rapprochement franco-allemand inédit, qui ne peut se faire que sous la contrainte de la tragédie en cours dans le monde occidental. Ces politiciens faibles et sans caractère qui nous dirigent ont au moins la vertu d’être sensible aux forces extérieures qui nous pressent. Ces forces sont celles de la mise à nu du caractère suicidaire du système de l’américanisme. Nos politiciens ont besoin d’être réélus, ils aiment chevaucher des “causes célèbres” qui les rendent glorieux et font monter leur popularité et il leur arrive même de concevoir qu’il faut limiter la casse dans leurs pays et envisager de cesser d’adorer telle force qui vous entraîne dans les abysses. Dans le cas qui nous occupe, ce ne peut être qu’à l’avantage de notre destin, compte tenu des conditions diverses qui prévalent. Avec de tels personnages, si Joseph de Maistre n’existait pas il faudrait l’inventer. Pour notre compte, l’invention ou la résurrection d’un Maistre vaut mieux que la litanie des éditoriaux triomphants du Financial Times d’il y a trois ou quatre ans.
Mis en ligne le 26 septembre 2008 à 14H36
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