Un bouleversement ontologique

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Un bouleversement ontologique

24 décembre 2014 – Qui n’a pas vécu au jour le jour, dans le métier de l’information et du commentaire, dans le contexte du système de la communication, les années 1960 et 1970, celui-là ne peut avoir la moindre idée de ce qu’était le travail (?) de communication de l’URSS, redevenue depuis pour sa partie principale la Russie. (Il y avait un ensemble de publication destinée à l’extérieur de l’URSS, donc en langues étrangères, notamment français bien entendu, par exemple du fait de l’agence Novosti et de quelques autres médias.) Dire qu’il s’agissait de “propagande”, – c’est l’évidence, – ne dit rien de la vérité de cette situation-là. Le style, la forme, la répétitivité des formule, la mise en page elle-même, voire la qualité du papier (!) qui semblaient demeurer immuablement dans le mode professionnel des années 1930, tout exsudait la fausseté et la tromperie jusque dans la matière elle-même du support de l’écrit ; on en jugeait dans le chef de leurs auteurs comme d’un réflexe pavlovien (fausseté et tromperie) sans croire une seconde à l’efficacité et à la crédibilité, comme d’une sorte de poésie bureaucratique invertie du montage grossier, comme d’une pensée réduite au slogan et satisfaite de l’être.

L’évidence de l’automatisme, – le pavlovisme, pour citer ce terme d’un emploi courant actuel, on sait de la part de qui, – suscitait chez le lecteur non-communiste et surtout non communiste-aveugle la dérision fatiguée et, pire que tout, un incommensurable ennui. C’en était au point où l’on pouvait rater de véritables informations, soit d’une façon directe, soit d’une façon indirecte et a contrario (il est toujours intéressant de savoir ce que “l’autre” veut que vous croyiez), simplement par le découragement de cet ennui devant la morne platitude de ce qui nous était présenté.

Les histoires et les codes étaient connus. A cette époque du brejnévisme triomphant où le communisme avait abandonné la terreur radicale du stalinisme pour la bouillie pour les chats d’un régime mélangeant surveillance policière, conformisme sans illusions, corruption générale et combines du marché noir, la dérision à peine dissimulée des employés et citoyens du système pour le système (pas encore de majuscules) nous en disaient beaucoup. On savait, de la bouche même de l’un ou l’autre diplomate soviétique, qu’un article-vedette de la Pravda n’avait quelque intérêt pour les cadres du Parti qu’à partir du troisième ou quatrième paragraphe, le début étant l’habituelle litanie sloganique à la gloire du socialisme internationaliste dont tous (ces mêmes diplomates soviétiques) faisaient des gorges chaudes dans les cocktails bruxellois. Renata Lesnik, journaliste en URSS qui passa à l’Ouest au début des années 1980, accueillie à Bruxelles par les filières des Cahiers du Samizdat (1), nous rapportait l’histoire de ce moment où, écœurée par un reportage sur l’une ou l’autre cérémonie du Parti qu'elle avait dû commenter, elle entra dans le bureau de son chef de service pour lui dire qu’elle deviendrait folle à continuer dans cette voie. L’autre, philosophe et impavide, lui proposa le remède universel pour ce genre de crise que tous connaissaient plus ou moins, ouvrant un tiroir et en sortant l’inévitable bouteille de vodka : “Bois un bon coup, ça ira mieux...”

(Depuis, Lesnik a malheureusement conservé cette excitation des nerfs pour le transférer dans l’antipoutisme et l’antirussisme, dont elle est l’une des plus ardentes promotrices en France où elle est devenue une sorte de défenderesse d’un neoconisme à la française. C’est le triste destin de nombre de “dissidents” soviétiques rencontrant l’Ouest et, imbibés du manichéisme bien versus mal, qui n’ont rien vu de la vérité du monde, et encore moins de sa transformation radicale. Il leur sera beaucoup pardonné à cause de ce qu’ils ont subi mais il n’est pas moins vrai qu’ils se sont eux-mêmes condamnés à un autre emprisonnement. Ils ne passaient pas du mal vers le bien, mais d’un système grossier et grotesque qui n’était encore qu’une ébauche caricaturale du Système dans sa dernière phase, à une entité sophistiquée, depuis devenue en quelques années foudroyantes le monstrueux Système que l’on sait, en toute Majesté maléfique ... Autant en importe la psychologie trop affaiblie, lorsqu’elle reste fixée à une situation passée qui l’a marquée et dont sa faiblesse a rendue la marque irrémédiable.)

Passons sur ces radotages des ancêtres qui vécurent cet in illo tempore, mais en tentant de comprendre quelle fut sa puissance, son poids énorme... Nous parlons cette fois de la “puissance, [du] poids énorme” de cette situation sur l'image, le crédit, la valeur que la communication et l’information venues de l’Est (de la Russie) firent perdurer dans l’esprit de ceux qui, à l’Ouest (au cœur de ce qui est devenu bloc BAO et Système), connurent ces temps-là. Certains, comme Lesnik, en sont restés là ; d’autres sont devenus antiSystème et ont soumis toutes leurs autres positions antérieures à cette nouvelle référence...

Lorsque l’antagonisme antiSystème versus Système prit forme, puis se développa, puis prit les dimensions écrasantes qu’on connaît, jusqu’à ne plus être que le seul affrontement qui compte, et par conséquent la seule référence acceptable, pulvérisant tout le reste et le recomposant selon cette seule référence, nos sources privilégiées dans ce domaine (antiSystème), à nous antiSystème, furent naturellement anglosaxonnes et américanistes. Cette position était naturelle et évidente pour nombre de raisons.

• Quel que soit l’amour que l’on porte à sa propre langue, – et Dieu sait si nous le cultivons pour le français, à dedefensa.org, – la langue de la grande bataille “antiSystème versus Système” est nécessairement l’anglais. Les arguments et causes pour cela sont sans fin et sans nombre.

• La presse anglosaxonne et américaniste avait, à l’origine de cette grande bataille, une réputation en (bonne) partie usurpée de grande liberté d’opinion, d’expression et d’action, et une structure à mesure, à la fois décentralisée et dégagée d’impératifs directs d’alignement sur les autorités (compensés largement et au-delà par une conformation indirecte, ressortant d’une psychologie très spécifique, aboutissant à un conformisme de perception). C’est ce dernier point (la structuration décentralisée) qui permit l’essor d’une presse “dissidente” qui accoucha d’une dynamique antiSystème.

• L’aspect technologique est également essentiel. L’adaptation à l’internet, renforcée par un grand effort de promotion et de publicité, conduisit très rapidement à créer une véritable presse “alternative” sous la forme de la communication par les réseaux, un quasi-“cinquième pouvoir” sans rapport avec celui auquel voudraient nous faire croire la presse anglosaxonne et presse-Système sophistiquée (voir le rôle du Guardian vis-à-vis d’Assange/WikiLeaks et de Snowden/Greenwald). Même si les Anglos-Sxons ne sont pas nécessairement les novateurs, tant s’en faut, ils sont les meilleurs adaptateurs des progrès dès lors que convergent divers intérêts et centre de pouvoir privés, même si ces pouvoirs sont souvent ennemis. (Le Corporate power, la communautarisation des opinions, l’expression de l’opposition, et ainsi de suite.)... (Nous sommes là en plein paradoxe du système de la communication, – son aspect Janus, – produisant des outils ultra/postmodernes sous l’impulsion du Système, pour servir le Système, et accouchant également de la meilleure arme antiSystème imaginable.)

• Enfin, l’essentiel de l’activisme du Système, la politique-Système, fut évidemment le fait des USA, avec les Britanniques suivant comme d’habitude. Dès lors, l’antiSystème se développait d’abord aux USA puisque ce pays développait également une opposition nationale (antiguerre) à sa politique qui se transmuta naturellement en une position antiSystème. Les premières affirmations réellement antiSystème, ou disons à effets antiSystème datent de la guerre du Kosovo ; elles sont issues de la tendance isolationniste du parti républicain et s’exprimèrent pour la première fois par internet, avec un site comme Antiwar.com.

Cette situation de prépondérance des forces antiSystème (au niveau de la communication) aux USA et dans l’anglosphère perdura à peu près jusqu’autour de 2010. Elle perdura d’autant plus que la presse-Système, pour des raisons conjoncturelles de conviction et d’intérêt, s’impliquait épisodiquement dans l’une ou l’autre cause antiSystème. Le phénomène se poursuit d’ailleurs, – toujours épisodiquement et sans qu’on puisse parler en aucun cas de “ralliement antiSystème”, – comme le montra le rôle déjà cité du Guardian dans les crises WikiLeaks et Snowden/NSA. Puis, brusquement, après une préparation de deux années, en 2012, tout bascule… (Nous préciserons plus loin, dans notre commentaire, ce “tout bascule”, mais nous en donnons d’ores et déjà un aperçu … Ce “tout bascule”, c’est-à-dire pour nous, à dedefensa.org, mais nous-mêmes jugeant d’une façon affirmative, engagée, responsable, ce que nous avons ressenti, éprouvé, expérimenté, et que nous pratiquons désormais chaque jour, – savoir, le passage de la communication et de l’information fondamentalement antiSystème, des USA vers la Russie.) (2)

… Tout bascule parce que les Russes prennent conscience d’une nouvelle réalité, – ou, plutôt, que cette nouvelle réalité, qu’ils croyaient réservés à quelques pays périphériques, les concerne directement. Il s’agit d’une attaque, d’une nouvelle forme de guerre, une “guerre de communication”, sous le nom de “révolution de couleur”, impliquant comme allant de soi l’idée du regime change. Cette réalisation extraordinaire, revenant à se dire ”Nous sommes en guerre et l’on nous attaque”, nous l’avons vu s’élaborer, prendre forme, se faire sous nos yeux en Russie, dans les quelques semaines séparant les législatives de décembre 2011 et les présidentielles de mars 2012.

Nous avons détaillé cette évolution au travers de divers textes … On pourra se référer au 3 mars 2012, au 5 mars 2012 , etc. Dans le texte du 14 mars 2013, nous écrivions ceci pour tenter d’expliciter cette nouvelle forme de guerre totale : «Toutes ces considérations sont faites à propos de la Russie, durant ces dernières semaines. L’on pourrait argumenter qu’elles auraient pu être faites il y a déjà fort longtemps, au moment des “révolutions de couleur” (2003-2005), voire, selon certains, pour ce qu’on nomme “le printemps arabe” […] Au contraire, nous voyons dans l’affaire russe (élection de Poutine, organisation d’une “opposition” pour discréditer cette élection) un changement de nature par rapport à ce qui a précédé. Nous passons de l’accidentel souvent improvisé, à l’essentiel même, qui est nécessairement structuré puisqu’essentiel, sans qu’il soit nécessaire de parler de complot… Au contraire, là aussi, il y n’y a pas complot dans le cas russe, à la différence des “révolutions de couleur”, parce qu’il y a quelque chose de désormais naturel dans le sens de l’automatique dans la posture et l’action du bloc BAO en l’occurrence. Personne n’ignore qui se trouve à la manœuvre machinatrice, comme toujours depuis quelques années, dans la version-Système d’une forme extrêmement avancée de l’Agit-Prop et différente substantiellement (puisqu’attaquant la psychologie pour l’affaiblir plutôt que la pensée pour la tromper).

»Ce qui différencie l’affaire russe de celles qui ont précédé, c’est que l’“agression douce” se fait contre un État marqué par la pérennité d’une grande nation, par sa tradition, son histoire, son statut de puissance nucléaire reconnue, sa stabilité ethnique et géographique, et sa spiritualité, – et, conjoncturellement, par son redressement récent et par sa propre volonté, malgré des catastrophes intérieures sans précédents ; un État qui, par conséquent, dispose d’une légitimité et d’une souveraineté indiscutables. (A cet égard, Poutine a une conscience claire de la question… Comme l’explique Escobar : «What rules is “the time-honored principle of state sovereignty”».)

»Sur ce point qui nous paraît essentiel, il y a une rupture par rapport aux “révolutions de couleur” et au “printemps arabe” (quand c’est le cas), qui, tous, impliquaient des États et des gouvernements souvent dans une situation incertaine ou chaotique, ou dans des situations d’illégitimité avérée, de corruption étrangère, etc., – des “États” où l’incertitude des principes régnaient assez pour qu’on puisse n’y pas distinguer une “agression” contre la structure puissante qu’est un principe. Il y a là une rupture qualitative car, plus qu’une “agression” contre un régime ou un gouvernement ; il s’agit d’une “agression” contre des principes fondamentaux, donc une agression nécessairement fondamentale. En ce sens qui prend en compte la profondeur de l’agression, on pourrait dire qu’il s’agit d’une véritable déclaration de guerre… Reste à voir de quelle guerre il s’agit.

...»De par l’importance de l’évènement, parce que l’“agression” affecte un pays comme la Russie et qu’elle a eu des conséquences très importantes (essentiellement négatives pour les “agresseurs doux”, avec la forme soudain exceptionnelle de la victoire de Poutine), on peut dire qu’il s’agit de l’installation définitive du système de la communication comme principal moyen de la puissance et comme principale voie vers l’affrontement. Par conséquent, il ne s’agit pas seulement d’une “guerre de communication” (succédané postmoderne de “la guerre de l’information” ou de la “guerre de propagande”) mais de la guerre en soi qui devient essentiellement animée et réalisée par le système de la communication, – donc une “guerre du système de la communication”. Il ne fait aucun doute que sa forme est celle d’une guerre totale, dont l’issue sera la disparition du vaincu (encore plus que l’anéantissement, où des ruines subsistent).»

... Et, bien entendu, l’un des principaux outils, la principale arme de cette guerre nouvelle est l’information. Mais il s’agit de l’information qui acquiert toute sa puissance dans le maniement de sa présentation, dans la conviction qui l’anime, dans le style qui la caractérise ... (On s’expliquera plus loin de ces caractères.) Ainsi en arrive-t-on à la question de savoir où nous nous en trouvons, dans cette guerre, plus de deux ans après qu’elle ait déployé son opérationnalisation. La réponse est simple : en deux ans , la Russie au travers d’un outil de l’information extraordinairement renouvelé, est parvenue à s’imposer face au bloc BAO quasiment comme une menace existentielle...

On en a une preuve retentissante avec les inquiétudes confinant à la panique de la BBC face à RT, comme nous la rapportons dans le texte du 23 décembre 2014. De tous les côtés, la panique du bloc BAO devant la puissance du système de la communication russe est palpable, évidente, irrésistible ... On l’a bien compris lors des attaques ad hominem, sans guère de précédent, de Kerry contre RT, en avril 2014. On rappellera ce qu’en disait RT le 25 avril 2014 (voir aussi Pépé Escobar, également sur RT le 25 avril 2014)  :

«John Kerry has attacked RT for its coverage of the Ukraine crisis, calling it a “propaganda bullhorn.” Neglecting to address the US’ role in the conflict or back up his assertions with any evidence, Kerry said Russia was behind the unrest in Ukraine. During a press conference with the State Department on Thursday, Secretary of State John Kerry rounded on RT, lashing out at its Ukraine coverage. “The propaganda bullhorn that is the state-sponsored RT program has been deployed to promote – actually, RT network – has been deployed to promote President Putin’s fantasy about what is playing out on the ground,” Kerry said. Furthermore, he said RT almost spends all its time “propagandizing and distorting what is happening, or not happening, in Ukraine.”»

La critique-Système principale contre RT, – et contre tous les médias russes identifiés comme antiSystème, sans distinction d’origine et au mépris de toute évidence, – est qu’ils sont tous payés par le gouvernement pour faire la propagande de ce gouvernement. L’on pourrait aussi bien, et même encore plus sûrement, investiguer sur cette remarque d’un commentaire de lecteur de RT à propos du Guardian, en déficit chronique selon ses comptes “ouverts” (le 24 décembre 2014)  : «The Guardian only exists because of it;s public sector adverts, if the government pulled the ads the Guardian would fold. Nobody actually reads the thing. It is nothing more than a government propaganda rag, hiding behind a false liberal visage. As for the BBC who cares what those paedo hiding creeps think about anything.»

Dans tous les cas, nous avons déjà dit ce que nous pensions de cette sorte de critique par rapport à l’époque que nous vivons, par rapport à la crise ukrainienne qui est la circonstance fondamentale qui organise la noucvelle époque dont nous parlons, – vérité de situation d’un côté, Mensonge verrouillé de l’autre (voir le 23 décembre 2014) :

«L’exceptionnalité de la crise ukrainienne est que les Russes travaillent sur une vérité de la situation tandis que les Anglo-Saxons travaillent sur une narrative qui est totalement contraire à la vérité de la situation. Il n’y a pas à aller chercher bien loin, avec le cas essentiel de ce fait que les Anglo-Saxons appuient toute leur communication sur la prémisse initiale et fondamentale que l’Ukraine s’est “libérée” démocratiquement le 21 février de toutes les pressions et ingérences étrangères (lisez “russes”). L’on sait bien, – et cette observation ne souffre aucune discussion, – que l’évidence des faits connus de tous est qu’il y a eu un coup d’État du bloc BAO, et des USA en tête, pour la prise du pouvoir à Kiev, les 21-22 février. [...] [L]e système de la communication anglosaxon [...] dépend comme on y est enchaîné d’une référence fondamentale qui est un complet déni de la vérité de la situation, et cela obère, gauchit (dans le sens technique) déforme jusqu’à l’absurde toute l’essence et la structure de la communication qu’il diffuse... [...] On ne peut travailler dans le domaine de la communication sur un fondement fermé, et bien plus, enfermé jusqu’à la folie lorsqu’il s’agit du fondement originel du Mensonge absolument verrouillé, sans possibilité d’amendement et de réforme, et du Mensonge qui ne porte ni sur une idéologie, ni sur une opinion, ni sur un argument mais sur un fait fondamental et avéré, et encore dans toutes les mémoires. Nécessairement, on est moins bon que l’autre, celui qui travaille sur le fondement originel de la vérité de la situation..»

... Bref, tout cela implique une agitation bien significative, assortie de menaces implicites (contre la Russie, contre RT) lancée par telle ou telle nation du bloc BAO (le Royaume-Uni en l’occurrence), appuyées par des campagnes de presse impressionnantes de hargne et de haine de la part de tous les bien-pensants de la presse-Système. (Les Britanniques toujours en tête dans cette sorte d’entreprise, où leur premier prix de vertu se trouverait menacé, avec notamment le Daily Telegraph et le Guardian.) Tout cela, tout ce remue-ménage correspond au “basculement” dont nous avons parlé plus haut à notre propos, et c’est de lui qu’il faut maintenant s’expliquer, en le plaçant dans la logique de la situation de la communication, ou de la guerre de la communication si l’on veut.

Comment “tout bascule”

Plus haut, nous avons précisé, annonçant ce commentaire : “Nous préciserons plus loin, dans notre commentaire, ce “tout bascule’”, mais nous en donnons d’ores et déjà un aperçu … Ce “tout bascule”, c’est-à-dire pour nous, à dedefensa.org, mais nous-mêmes jugeant d’une façon affirmative, engagée, responsable, ce que nous avons ressenti, éprouvé, expérimenté, et que nous pratiquons désormais chaque jour, – savoir, le passage de la communication et de l’information fondamentalement antiSystème, des USA vers la Russie.“ … Nous nous sommes aperçus de ce fait comme quelque chose de massif, essentiellement avec l’affaire ukrainienne, mais le processus était déjà largement engagé dès 2010-2011. Cela s’est inscrit dans nos habitudes de travail : les premiers sites que nous consultons en priorité à l’aube d’une journée de travail, pour prendre connaissance des nouvelles du monde sont quelques sites russes, ou faisant partie de la “galaxie antiSystème russe” (RT, Sputnik.news, RI [Russian Insider], Saker, etc.) (Notez bien cette précision “des nouvelles du monde”, elle a son importance qu’on verra plus loin.)

On pourrait bien entendu dire que l’aspect géographique de la question ukrainienne explique le basculement. Cela est vrai chronologiquement et conjoncturellement, c’est-à-dire accessoirement, mais cela est complètement nouveau. Pour en être convaincu, il suffit d’en revenir à la crise géorgienne (guerre et tout ce qui a suivi) d’août-octobre 2008 pour être édifié, – cette crise qui eut à son époque une importance considérable puisque l’hypothèse d’un conflit européen majeur fut constamment évoquée, pendant plus d’un mois. (Bien entendu, notre orientation était déjà complètement ce qu’elle est aujourd’hui, complètement antiSystème. Il ne s’agit donc pas d’un jugement selon un changement idéologique ou d’orientation politique ; il s’agit du rappel d’une évidence pour dedefensa.org.)

L’essentiel de notre documentation journalistique de base pendant la crise géorgienne fut constamment d’origine anglosaxonne, les médias russes ne jouant, dans notre chef, qu’un rôle très réduit. Même lorsque nous parlions d’une “contre-attaque médiatique de la Russie” (titre du texte du 1er septembre 2008), nous parlions de la présence des dirigeants russes dans les médias occidentaux, dans ces termes qui montrent explicitement que l’outil de communication russe à destination extérieure n’existait pas, et de loin, dans sa capacité actuelle, et n’était pas considéré... Nous écrivions :

«Au milieu de la semaine dernière, une source à l’OTAN nous disait son étonnement: “C’est fascinant, c’est complètement nouveau… Les Russes sont désormais partout dans les médias occidentaux, Medvedev, Poutine, Rogozine, à toutes les TV, sur CNN, sur la BBC, sur la chaîne ARD allemande. L’armée russe a même institué une conférence de presse quotidienne et son porte-parole est très bon, très sérieux, très ouvert. C’est vraiment une nouveauté.”

»La chose est vraiment apparue de manière éclatante avec la longue interview de Poutine à la CNN, réalisée le 27 août [2008] au cours de laquelle il a accusé les Américains d’être derrière l’attaque géorgienne, pour provoquer une crise qui donnerait plus de chances à McCain de l’emporter.»

Aujourd’hui, la situation de 2008 s’est complètement transformée. Les médias et sources anglo-saxonnes sont extrêmement secondaires dans notre recherche de base de matériel quotidien sur lequel nous allons pouvoir travailler, analyser, commenter, développer nos thèses, etc. (A nouveau  : “les premiers sites que nous consultons en priorité à l’aube d’une journée de travail, pour prendre connaissance des nouvelles du monde sont quelques sites russes, ou faisant partie de la ‘galaxie antiSystème russe’ [RT, Sputnik.news, RI [Russian Insider], Saker, etc.]...”) Bien entendu, on observe que dans cette courte sélection que nous avons mentionnée s’avère infondée l’accusation classique et réflexive (dito, pavlovienne) du bloc BAO de relais directs de la “propagande de le l’État poutinien”. Dans les exemples donnés, RI et Saker ne sont évidemment pas sous contrôle et sous financement officiels des autorités russes.

D’où ces questions que nous nous sommes posées à nous-mêmes : Que s’est-il passé ? Que signifie cet abandon des sources anglosaxonnes, qui s’est fait sans délibération, sans intention aucune ni même consciemment, simplement par le constat d’abord inconscient, par la pratique elle-même, que les nouvelles et commentaires diffusés nous apportaient beaucoup plus pour notre travail ? (En d’autres mots, notre basculement s’est fait sans démarche rationnelle, par la seule force de l’évidence de la qualité des nouvelles, et de l’enrichissement qu’elles apportent pour notre travail, – tout cela réalisé bien après-coup, peu après, dans les quelques mois qui ont précédé ce commentaire, jusqu’au moment [par exemple, aujourd’hui avec ce texte] où il apparaît ce que ce phénomène dont nous constatons l’apparition et l’installation durables chez nous mérite une explication rationnelle, – après-coup, elle aussi.)

Pour mieux exposer encore le phénomène, il faut préciser d’une façon insistante que lorsque nous parlons des “sources anglosaxonnes” il s’agit de sources à la fois Système (presse-Système) et antiSystème. Jusqu’il y a quelques années, la presse-Système anglosaxonne avait des segments de ses publications acceptables pour constituer une base d’un travail antiSystème. C’est encore le cas de certains de ses organes. (Même le Guardian, que nous avons défini plus haut, publie régulièrement des textes que l’on peut utiliser d’un point de vue antiSystème, parce que le Guardian entend préserver son vernis de vieille dame qui prétend encore à une certaine indépendance.) Quant à la presse (réseau, internet) antiSystème anglosaxonne (US), la chose est claire : jusqu’à ces derrières années, elle a formé l’essentiel de la base et du matériel de notre travail.... Eh bien, tout cela a effectivement basculé. Ce n’est donc pas seulement une démarche antiSystème versus Système. Nous n’avons pas délaissé, mis au second plan les sources anglosaxonnes parce que, pour donner une hypothèse malvenue, la “cause antiSystème” aurait été (en bonne partie) trahie. Ce n’est pas cela du tout.

Ce que nous avons constaté (toujours après une évolution inconsciente), et cela clairement à la lumière de la crise ukrainienne que nous avons aussitôt tenue comme la crise essentielle du processus d’effondrement du Système (voir notre texte du 23 mars 2014), c’est que l’attention portée aux USA à cette crise était minime, y compris et surtout chez les antiSystème. De ce côté (de ce côté de l’Atlantique) existe l’obsession pétrole-Irak-Moyen-Orient, qui fait passer le reste au second plan. D’autre part, les USA (y compris les antiSystème) ont peu de connaissance profonde des affaires européennes (Russie comprise), sinon une méfiance tenace contre la Russie pace que ex-URSS, qui se transforme souvent en haine. Dans tous les cas, cette méfiance existe même chez les antiSystème, d’autant que la Russie reste pour eux la citadelle du socialisme (appréciation complètement fausse avec Poutine mais nous sommes au niveau obsessionnel) et que nombre d’antiSystème (les libertariens notamment, où l’on trouve Ron Paul qui reste pourtant le moins “dogmatique” vis-à-vis de la Russie) sont adversaires du ‘centre’, du statisme, etc., et bien entendu du socialisme. Même l’aspect anticapitalisme, bien que nettement antiSystème, qu’implique l’“image” de la Russie ex-URSS, est un frein pour nombre d’antiSystème US qui restent attachés aux valeurs de la grande République qu’ils considèrent simplement comme trahies par l’actuelle oligarchie (on relève souvent contre elle, dite par les antiSystème, l’accusation de capitalisme “socialisé” à cause de l’intervention de la puissance publique, notamment pour le sauvetage de banques) ... D’où une couverture très modérée de la crise ukrainienne, même et parfois surtout chez les antiSystème, comparée à l’obsession moyenne-orientale (Syrie, Irak, ISIS, etc.). Le très fameux et très talentueux Antiwar.com, le “père de tous les sites antiSystème de combat”, a perdu beaucoup de son intérêt pour nous à cause de l’importance énorme qu’il accorde au Moyen Orient en plus des matières intérieures US. (Par contre, et pour faire comprendre combien ces remarques à peine critiques restent amicales, sinon fraternelle, et faites simplement pour faire saisir le sens nouveau et la couleur différente de la dynamique antiSystème transnationale et globale, on observera avec empressement que certains sites US restent largement en-dehors de ce qui est reproché ici en général à l’antiSystème US. On songe à des sites tels que ConsortiumNews et ZeroHedge.com.)

Tout cela explique notre désaffection partielle des sources US parce que nous estimons que ces sources, en accordant une importance presque secondaire à l’Ukraine et à la tension avec la Russie, ratent tout simplement le fondement même de la crise d’effondrement du Système. Le paysage antiSystème a donc varié sensiblement, sinon basculé. Tous les antiSystème même devenus partiels ou marginaux restent antiSystème, et ce qu’ils ont fait demeure, mais ils ne sont plus au centre du jeu. Le basculement de la communication vers la Russie a donc eu lieu.

Or, ce basculement est plus qu’une semple redirection antiSystème, un simple réajustement. Il s’avère que c’est beaucoup plus, à notre sens. Les antiSystème russes, c’est beaucoup plus que l’antiSystème comme on l’entendait jusqu’ici et, il faut le dire, c’est beaucoup plus que l’antiSystème US.

• L’orientation antiSystème est évidente dans l'équivalent russe de la presse-Système du bloc BAO et qui n’est freinée par aucune racine fondamentale autant que quelque complicité accidentelle avec le Système (capitalisme, anti-souverainisme, etc.). C'est déjà un point spécifique qui dépasse le cas US : l'antiSystème se trouve en Russie à peu près dans toutes les formes de presse, y compris dans l'équivalent de la presse-Systeme qui devient elle-même une sorte de presse-antiSystème. A partir de ce fait spécifique important, plusieurs remarques se dégagent. Elles nous semblent d’un particulier intérêt ..

• La première est l’universalisme de la nouvelle presse-antiSystème russe ou d’obédience. Les sujets abordés sont véritablement universels, même s’il s’agit de médias ou de sites qui ont gagné leurs lettres de noblesse durant l’affaire ukrainienne et ne l’ont pas caché. Cet universalisme implique une vision très ouverte sur le reste du monde, beaucoup plus ouverte qu’aucun des médias US correspondants. Cela est encore plus accentué par l’usage de langues étrangères, usage qui est traditionnel chez les Russe. Les réseaux anglophones (US) de RT sont directement concurrents des réseaux US eux-mêmes, y compris pour les affaires intérieures US. Cet universalisme ne cesse de progresser, ce qui explique, justifie et accélère l‘audience mondiale de RT contre laquelle, tous les mandarins du genre, CNN, BBC, Fox.News, etc., sont perdants d’avance. Les performances et les capacités de RT sur les affaires US, parallèlement à son expertise sur les affaires internationales (Ukraine, relations bloc BAO-Russie), mis en évidence par exemple par le show de Peter Lavelle Cross Talks, sont simplement exceptionnelles parce que sans aucun équivalent. Les antiSystème russes s’intéressent aux questions du souverainisme, dans le détail de cas spécifiques comme celui de la France ; ils abordent la question européenne d’une façon très subtile et très profonde, mettant en évidence la logique déstructurante, aussi bien culturelle et sociétale qu’économique et politique de l’ensemble européen, etc.

• Le dernier point mis en évidence ci-dessus conduit à la deuxième remarque qui est que les aspects culturels, littéraires, voire spiritualistes, font partie intégrante de cette nouvelle dynamique antiSystème. Les Russes, dans leurs nouveau système de la communication, nous parlent de la civilisation, – de la crise générale de la civilisation, de la crise d’effondrement du Système. Les sujets sociétaux ne les rebutent aucunement, qu’il s’agisse du statut de la famille, du cas des minorités diverses (homosexuelle, etc.), et ils appliquent à ces sujets une vision antiSystème qui écarte les querelles habituelles internes dans le bloc BAO, – en haussant leurs discours à cet égard au niveau des questions de structuration sociale, de la forme même de la civilisation. Cet élargissement qualitatif de la démarche antiSystème est d'une grande importance. (Il est opérationnalisée principalement par la Russie mais qui n'est pas spécifiquement russe. Il s'agit d'un mouvement spécifique qui témoigne de l'évolution de la logique antiSystème.) Ce phénomène constitue un parfait complément de l’universalisme signalé plus haut. Qui plus est, il suscite, par diverses voies, la création ou l’évolution de sites français vers cette nouvelle forme d’antiSystème (le Saker fraçais, LesCrises.fr, etc.).

• La modernité technologique du système de la communication est exploitée à fond par les Russes, et avec un grand brio. Cela leur assure une efficacité exceptionnelle, qui met d’autant plus en évidence leur façon originale d’aborder les questions antiSystème.... Pour La Russie, de même que les autres (les non-Russes) existent, la modernité existe également mais elle est utilisée sans hésitation ni vergogne contre la modernité que représentent le Système, le bloc BAO, etc. (“faire aïkido”)...

Ces différents aspects, ce foisonnement remarquable de la démarche antiSystème russe, qui n’épargnent même pas une critique interne de divers courants russes soupçonnés d’être proches de la logique-Système du bloc BAO, conduisent à une extension universelle (justement) de cette nouvelle dynamique antiSystème, par la prolifération de sources et de sites qui se font à l’imitation ou à l’exemple des sources russes originelles. La prolifération des Saker est un bon exemple (même si le Saker original est plus vieux que ce phénomène qu’on décrit ici, lui-même s’y est adapté comme s’il s’agissait d’une proposition extérieure à ceux qui en sont théoriquement les initiateurs) ; il ne s’agit pas de copies conformes du Saker original (qui se trouve d’ailleurs aux USA, – nous parlons bien de communication et non de géographie) mais de la mise en place de sites-Saker correspondants à des grands groupes culturels ou linguistiques qui ont eux-mêmes leurs sources et leurs activités, tout en maintenant le lien avec la source ruse, ou d’obédience russe, originelle. Cela conduit à un exceptionnel mélange, là aussi universaliste ou globalisé mais dans le bon sens des termes, qui contribue à l'opérationnalisation de ce grand courant antiSystème transnational... Nous-mêmes, non-Russes (notamment en France) (re)découvrons la Russie, celle qui nous avait été complètement dissimulée par le communisme et dont nous rappelions l’immense vide de cette représentation, l’immense non-essence notamment dans les années 1970.

Nous observions cela dans notre texte du 25 septembre 2014, préfigurant ce commentaire d’aujourd’hui : «Pour autant, cette grotesque crise ukrainienne n’est pas inutile. Elle oblige le courant du système de la communication à orienter une part importante de son flux vers la Russie, vers les relations entre le bloc BAO et la Russie, etc. Une part importante de ce flux est de l’ordre qu’on a vu (“sottises, inepties, ignorance, haine convulsive”), mais une part bien aussi importante, celle des réseaux, va dans le sens inverse par l’évidence de la proximité politique dans une attitude de résistance contre le Système qui a orienté l’axe central de son attaque contre l’Ukraine et la Russie. Ces derniers mois, un nombre respectable de sites se sont imposés avec une grande audience et une très forte pénétration, à cause de l’orientation prise de traiter la crise ukrainienne et, par conséquent, de montrer un intérêt constant et de plus en plus documenté sur la Russie...»

... Et auparavant, nous avions introduit ce texte par des remarques concernant le passé des liens entre la France et la Russie, plaçant ainsi la logique de ce nouveau courant antiSystème dans la courant de la tradition structurante, telle qu’elle existait en Europe dans les siècles passés, en-dehors de ce courant contre-civilisationnel catastrophique né du “déchaînement de la Matière” : «Nous avions à l’esprit, vieux souvenir de lecture, que la troupe de théâtre de Lucien Guitry avait beaucoup joué à Saint-Petersbourg, à la fin du XIXème siècle, dans les années 1880 notamment. Explorant cette piste à l’occasion de cet article, nous avons donc découvert que Lucien Guitry, qui s’était fait un grand ami de Tchaïkovsky durant ses séjours, était effectivement un habitué de Saint-Petersbourg, où sa troupe honorait des contrats qui pouvaient aller jusqu’à six années consécutives de saisons d’hiver. Cela se faisait au Théâtre Michel, du nom du Grand-Duc Michel, mais surtout connu et consacré comme le “théâtre français” de Saint-Petersbourg, presque exclusivement consacré aux longs séjours de troupes théâtrales françaises à Saint-Petersbourg. [...] Sacha Guitry et deux de ses frères naquirent à Saint-Petersbourg, et “Sacha” était bien entendu le diminutif d’Alexandre, prénom donné en l’honneur du parrain de Sacha Guitry, le tsar Alexandre III... [...] Ainsi étaient les liens culturels et politiques, c’est-à-dire les liens d’esprit entre la France et la Russie, au XIXème siècle, et selon un style et une méthodologie qui caractérisaient en général les relations intra-européennes, de Paris à Saint-Petersbourg ; ainsi les liens de la Russie avec le reste de l’Europe, dont la France était l’avancée la plus significative et la plus importante, en faisaient-ils un acteur de la civilisation européenne à son zénith, qui avait évidemment sa place, très importante, dans le concert européen, et cela au moins depuis le XVIIIème siècle et les règnes de Pierre le Grand et de la Grande Catherine.

Nous voulions terminer là-dessus pour établir un lien entre la lutte antiSystème qui devient, grâce à la Russie, ou à cause de la Russie, une cause transnationale, globalisée et internationale, et une cause qui renvoie à la gloire de la traditions résistant jusqu’au bout et résistant toujours à la puissance déchaînée, déstructurante et dissolvante du Système. Le “basculement” dont nous parlons dans ce texte, qui n’établit aucune critique, aucun anathème (par exemple contre les antiSystème américains dont l’étoile pâlit), est celui qui est évident et naturel dans l’ampleur sans cesse en augmentation dans notre psychologie de cette nécessité vitale, de cette nécessité de sauvegarde cosmique, de la posture et de l’action antiSystème. Il se trouve que la Russie en est devenue, en 2-4 ans, le pivot. Cela n’invite à aucune considération géopolitique, qui impliquerait un vainqueur et un vaincu à l’issue des batailles en cours dans l’ordre actuel. Cela invite au contraire à considérer la bataille antiSystème, dont le système de la communication est le centre inspirateur et dynamiseur, comme de plus en plus détachée des particularismes des intérêts nationaux, tout en réaffirmant les principes souverainistes et identitaires, pour former une coalition principielle transnationales et au-dessus des nations, mais respectant ce que les nations ont elles-mêmes de principiel. Cela placera les monstruosités supranationales fabriquées par le Système (OTAN, UE, etc.) exactement au lieu qui leur convient  : le dessous du sous-sol, du côté du ramassage des impostures par les bennes à ordure adéquates.

 

Notes

(1) Voir notre texte du 22 décembre 2011, où nous faisions allusion aux Cahiers du Samizdat d’Anthony de Meeus installés dans sa maison privée de la rue du Lac, entre l’avenue Louise et les étangs d’Ixelles, –passage également repris le 27 août 2014. Dans la citation reprise ci-dessous, nous revenions sur cet aspect de la Guerre froide à partir d’une expérience personnelle vécue pratiquement au jour le jour dans les années 1979-1988, à Bruxelles, comme témoin journalistique observant ce travail à partir de liens étroits et chaleureux avec les acteurs de ce travail. Nous mettions en évidence la faiblesse, la maladresse et les intérêts cyniques avec lesquels les services officiels occidentaux, type-CIA, n’aidaient que les groupes dissidents correspondant à leurs intérêts stratégiques et nullement la dissidence comme manifestation populaire clandestine contre les régimes communistes imposés aux pays de l’Est, et particulièrement à la Russie, dont l’inculture idéologique honteuse a oublié qu’elle (la Russie) en fut la première victime du communisme, bien avant nos précieuses civilisations consuméristes. Nous rétablissions la vérité absolument indéniable que l’essentiel de ce combat pour le soutien de la vraie “dissidence”, sans souci d’aucun intérêt stratégique mais par simple volonté d’aider efficacement la résistance contre l’oppression du régime, fut conduit par des personnes privées, au statut matériel et officiel extrêmement précaires et modestes mais à l’immense influence morale et intellectuelle auprès des vrais “dissidents” des pays cvommnistes :

«Les dissidents soviétiques se plaignirent toujours de cette situation et les véritables soutiens à l’Ouest furent de type privé, sans aucune connexion officielle, y compris des “services”. Nous en fûmes les témoins directs, avec le groupe des “Cahiers du Samizdat” d’Anthony de Meeus à Bruxelles, principal relais de la dissidence à l’Ouest. Pour rappel, nous écrivions dans notre texte du 22 décembre 2011 : “Nous avons connu de fort près cette aventure des ‘dissidents’ avec ‘Les Cahiers de Samizdat’ d’Anthony de Meeus, basés à Bruxelles. ‘Les Cahiers du Samizdat’, avec leur organisation, furent le relais privilégié et universel des ‘dissidents’ à l’Ouest et leur base arrière d’une efficacité sans prix ; cela, sans le moindre soutien officiel et bien plus que toutes les machineries officielles à ce propos, auxquelles fut faite une grande publicité dont on peut aujourd’hui deviner le sens caché, essentiellement aux USA avec la CIA dans son rôle alors classiquement célébré de défenderesse du Monde Libre et de libération du reste. Dans une interview à ‘Europe Défense’, en avril-mai 1986, de Meeus confirmait absolument que Gorbatchev relayait le mouvement des ‘dissidents’ en l’élevant avec un label de politique officielle, – la glasnost encore plus que la perestroïka, – en force politique irrésistible, en lui donnant la dimension décisive de l’action qui lui manquait. Avec Gorbatchev, le mouvement des ‘dissidents’ devint la politique officielle de l’URSS et c’est à ce moment que la masse des citoyens soviétiques, effectivement informés de la dissidence et plus ou moins sympathisants, purent officiellement s’y engager, et cela avec la bénédiction, sinon l’incitation permanente du même Gorbatchev. On connaît la suite, dont la rapidité laissa l’Ouest pantois.”»

(2) Nous n’avons pas dit un seul mot de la presse française, nécessairement presse-Système pour l’essentiel. Elle n’en mérite pas plus dans cette situation générale dite “Système versus antiSystème” où elle n’a joué strictement aucun rôle... Elle a suivi l’anglosaxonisme, de la plus infâme et la plus insignifiante des façons, montrant un esprit d’imitation de seconde zone de tout ce qui se faisait dans le sens du Système chez les Anglo-Saxons. La presse-Système française, essentiellement à partir des années 2004-2006, a été une caricature infâme de la presse-Système anglosaxonne, par conséquent l’infamie de l’infamie, avec un esprit provincial sans la moindre vision des enjeux en cours ... Mais cela, c’est déjà trop dire alors que notre intention était de n’en pas dire un seul mot. La presse-Système française, ou le désert français... (D’autre part, c’est finalement un compliment que nous faisons à la France, ou ce qu’il en reste  : elle n’est pas assez basse, malgré tous ses efforts, pour exceller dans la bassesse...)