Un jour de révolte de plus aux USA…

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Les USA ont donc connu une journée de “primaires” hier, avec la désignation de divers candidats par leurs partis respectifs, dans la perspective des élections mid-term. Comme prévu, on a enregistré une poussée des divers “extrêmes”, des candidats anti-establishment. On a notamment noté la victoire très significative de Rand (Randall) Paul, fils de Ron Paul, à la désignation comme candidat républicain pour le poste de sénateur du Kentucky, et la défaite d’un des favoris d’Obama, le sénateur de Pennsylvanie Arlen Specter, battu par l’amiral à la retraite Joe Sestak pour la désignation comme candidat démocrate au poste actuellement occupé par Specter. Détail : l’amiral à la retraite est de tendance anti-guerre.

Quelques détails sur cette journée du 18 mai dans le Guardian du 19 mai 2010.

«The anti-incumbent mood sweeping the US produced electoral upsets last night for Republicans and Democrats that included the biggest win yet for the Tea Party movement and defeat for Barack Obama's candidate in midterm primaries. Anger against Washington manifested itself in victories for outsiders and defeat for establishment candidates.

»The uprising is being driven on the right by disillusionment with the Republican party for not being conservative enough. The Democrats saw a shift to the left last night, as US politics grows increasingly polarised.

»Rand Paul, champion of the grassroots conservative Tea Party movement and a long shot at the start of the campaign, won the Kentucky Republican primary and will take on the Democrats for a place in the US Senate in November. Paul, who was supported by the former Alaskan governor Sarah Palin, won 59% of the vote, to 35% for Trey Grayson, who was backed by the former vice-president, Dick Cheney, and the Republican leader in the Senate Mitch McConnnell.

»Primaries were held last night in four states – Kentucky, Pennsylvania, Arkansas and Oregon. It was the biggest electoral test since Obama won the White House in 2008 and provided a foretaste of the congressional midterm elections in November, when all 435 House seats will be up for grabs and 36 of the 100 Senate seats.

»The biggest setback for Obama was the defeat in the Democratic primary in Pennsylvania of his chosen candidate, Arlen Specter, who has been in the Senate for three decades, most of it with the Republicans until his switch to the Democrats last year. He was defeated by Joe Sestak, a retired admiral who is to the left of Specter and who secured the support of the anti-war group MoveOn.»

Huffington.post va plus loin que le Guardian, dans sa mise à jour de la mi-journée, en titrant «Political Revolt» et en mettant en évidence dans son texte de ce 19 mai 2010 combien la journée du mardi 18 mai constitue une attaque générale contre les mandarins de Washington, républicains et démocrates mélés :

«Party-switching Sen. Arlen Specter fell to a younger and far less experienced rival in the Pennsylvania Democratic primary, and political novice Rand Paul rode support from tea party activists to a Republican rout in Kentucky on Tuesday, the latest jolts to the political establishment in a tumultuous midterm election season. […] Taken together, the evening's results were indisputably unkind to the political establishments of both parties – with more contested primaries yet to come, particularly among Republicans…»

Notre commentaire

@PAYANT Ce n’est pas un raz de marée ni une surprise, non, c’est une journée de “politics as usual”. Aujourd’hui, aux USA, au travers d’un processus incroyablement compliqué mis en place par les partis pour contrôler les élus alors que, justement, ce processus échappe aux caciques de ces mêmes partis, tout ce qui est washingtonien est l’objet d’un systématique tir au pigeon. La “politics as usual”, c’est désormais la révolte permanente contre Washington, tous partis confondus.

La dernière vedette en date est donc Rand Paul, fils de Ron Paul, – “Rand”, de Randall plutôt que de “RAND Corporation”, ce qui n’irait vraiment pas avec la famille Paul. Rand Paul est nettement plus activiste que Ron, particulièrement engagé dans Tea Party, et il bénéficie de l’immense popularité de son père auprès des divers réseaux alternatifs de la droite conservatrice US, et autour du parti républicain. Une fois de plus est mis en évidence combien le parti républicain, qui aurait semblé bénéficier d’un coup de balancier anti-démocrate pour ces élections mid-term, est en fait touché lui aussi dans son appartenance à l’establishment, et combien il sert de relais au surgissement de candidats de la révolte Tea Party. Chez les démocrates, la défaite de Specter par un représentant affiché d’un mouvement modérément anti-guerre (MoveOn.org), constitue peut-être une indication du réveil de la gauche du parti et un signe que, là aussi, la révolte pourrait bien éclater.

Plus que jamais, la situation est extraordinairement incertaine et l’on ne peut plus raisonner en termes de droite et de gauche, de républicains et de démocrates. Seuls compte désormais l’avancement de cette révolte contre le “centre” washingtonien et la façon dont cela finira par s’exprimer dans les normes constitutionnelles lors des élections de novembre, avec les effets politiques envisageables. Le moins qu’on puisse commencer à en remarquer d’une façon assurée, c’est la durée de cette révolte, son souffle en un sens, sa capacité d’organisation et d’“entrisme” dans les structures politiques. Tea Party a jusqu’ici complètement échappé aux tentatives de récupération du parti républicain et devient désormais clairement une tendance politique majoritaire au sein du parti républicain tout en restant à sa marge et en dehors de ses structures. Chez les démocrates, la situation est à cet égard moins avancée, mais le résultat de Pennsylvanie montre qu’elle progresse nettement. Le plus surprenant, en marge de ces élections, c’est l’attitude assez indifférente du président Obama, qui ne s’est nullement investi dans cette campagne des primaires et ne semble nullement inquiet de possibles perspectives de modification.

Cette indifférence pour la situation intérieure US est d’ailleurs plus ou moins partagée par l’establishment washingtonien et, d’une façon plus générale, par le reste du monde (the Rest Of the World), qui semble considérer que puisque Wall Street est “sauvé”, les USA sont redevenus l’hyperpuissance d’antan et que la stabilité la plus complète y règne à nouveau. Cet aveuglement est d’ailleurs une constante d’à peu près toutes les affaires politiques, où seuls comptent les domaines couverts par le système officiel de la communication et caractérisés par l’aspect spectaculaire et l’avantage du système. Donc, pour le “monde officiel”, correspondant par exemple au “monde pavlovien” dans l’affaire iranienne, tout va bien aux USA comme dans le système en général, sauf quelques petits problèmes du côté de l’euro.

Il est extrêmement difficile de mesurer l’impact de la réalité (nous parlons d’elle, maintenant) de la situation intérieure aux USA. La révolte a ceci de particulier qu’elle est multiforme et multidimensionnelle, avec une très grande confusion des objectifs dans la multiplicité des tendances qui y participent. Répétons ce que nous avons déjà plusieurs fois observé, que c’est ce désordre qui fait paradoxalement la force à cette révolte parce qu’il donne au mouvement un caractère d’insaisissabilité remarquable, et, partant, entraîne l’extrême difficulté des tentatives de récupération par les structures traditionnelles. D’autre part, un aspect complètement remarquable de cette “révolte” si diverse, c’est justement la capacité d’“entrisme” de ces courants de révolte dans les structures systémiques des partis, justement en évitant toutes les habituelles récupérations dans cette sorte de situation. Enfin, si, effectivement, la “révolte” arrive à placer quelques hommes d’un calibre de notoriété telle que celle de Rand Paul (sa notoriété, ne serait-ce que parce qu’il est le fils de son père), elle peut avoir un effet au niveau de la politique nationale. Une question qui se pose d’ores et déjà est de savoir dans quelle mesure une certaine union transversale, dans tous les cas informelle mais transcendant les frontières partisanes, pourrait s’établir au Conghrès entre les éventuels élus du mouvement de révolte.


Mis en ligne le 19 mai 2010 à 14H02