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1325Voici enfin une image qui a toute sa force, toute sa réalité, qui nous épargne par bonheur la référence geignarde et auto-compatissante sur 9/11: la crise de Wall Street représentée comme “an economic Pearl Harbor”. L’image est du milliardaire Warren Buffett, le roi des investissements et grand ami de Bill Gates. Buffett porte l’honneur dont il se passerait bien d’avoir annoncé la crise du crédit dans toute son ampleur. Cet homme avisé, nous dit The Independent aujourd’hui, est inquiet, plus qu’inquiet; si l’on n’adopte pas d’extrême urgence la mesure décidé par l’administration, aussi mal foutue soit-elle, “la panique la semaine dernière nous semblera un paradis” par rapport à ce qui nous attend.
«Warren Buffett, the billionaire investor who foresaw the credit crisis, described the turmoil in the financial markets an "economic Pearl Harbor" that required immediate action by politicians. Piling pressure on Congress, amid growing rancour over the terms of a $700bn bailout for the financial system, Mr Buffett said that the panic of last week would “look like Nirvana” if the legislation is not passed. His comments came a day after he paid $5bn (£2.7bn) for a stake in Goldman Sachs, the banking giant, in what he described as a bet that politicians would indeed act to repair the battered credit markets.
»On Capitol Hill, in a second day of testimony in front of sceptical lawmakers, the Federal Reserve's chairman, Ben Bernanke, pleaded with them not to attach punishing conditions on participation in the bailout, which allows the Treasury to buy the toxic mortgage assets that are clogging up bank balance sheets.
»Mr Bernanke and Hank Paulson, the US Treasury Secretary, faced another tongue-lashing from lawmakers, reflecting public fury that taxpayer money could be used for bailing out Wall Street and the very people who have taken the economy to the edge. The pair struggled to explain that a failure to stabilise the banking system could have very serious consequences for jobs and for savings.
»One Congressman questioned whether the bailout is necessary, since Mr Buffett's purchase suggested confidence was returning. But Mr Bernanke said: “Mr Buffett said on TV this morning that he thought Congress would act, and if Congress didn't act we would go over a precipice.” It seemed increasingly likely yesterday that the Treasury would accept legislation to limit executive pay as a quid pro quo. Democrats were also pushing for the government to take equity stakes in companies that receive assistance, and some suggested the $700bn should only be released in increments.»
Monsieur Buffett est un homme sérieux. Il vient de mettre $5 milliards chez Goldman Sachs, pour renforcer l’un des derniers bijoux de la famille, évidemment branlant comme les autres. Le paradoxe est un comble, sinon une illustration de l’esprit partisan et de l’irresponsabilité régnant au Congrès: cette décision est utilisée, par tel ou tel parlementaire, comme argument pour envisager de laisser finalement tomber le plan de $700 milliards de Paulson, Bernanke & Cie. La chose n’ira pas plus loin mais l’intervention montre bien, elle, l’esprit de la chose. (D'autres pourraient d'ailleurs soupçonner Buffett de forcer son pessimisme pour soutenir le passage du plan Paulson et garantir son investissement. On peut toujours enquêter, mais la vérité et la force de l'image, ainsi que l'évidence de la prévision demeurent; quelles que soient les arrière-pensées, s'il y en a, elles n'empêchent pas la réalité de s'imposer.)
Le désordre règne au Congrès comme il règne dans l’économie et la finance, comme il règne partout dans l’empire américaniste. Il est possible, sinon probable, qu’ils arriveront à s’entendre sur ce plan de $700 milliards, parce que quelque chose au fond d’eux-mêmes leur dit peut-être, vaguement, que l’alternative serait épouvantable. Il n’empêche que la façon dont le Congrès a réagi au “Pearl Harbor économique” en dit long sur l’état d’esprit de la direction américaniste; de ce point de vue, rien à voir avec la réunion du Congrès, au “jour de l’infamie” dénoncé par un Roosevelt tonitruant à partir de sa chaise roulante d’handicapé. Quelque esprit critique qu’on ait, et il faut l’avoir vigilant et aiguisé, il faut observer objectivement que, le 7 décembre 1941, l’Amérique était encore capable d’un de ces mouvements d’unité nationale et de rassemblement de sa direction qui font avoir confiance dans la suite. Rien de semblable aujourd’hui, où la contestation, les chicaneries, les luttes intestines sont de rigueur. Même si le plan Paulson est vite adopté, cette humeur et ce climat laissent augurer du pire. Le “Pearl Harbor de l’économie” met un peu plus à jour un système divisé et incapable de refaire son unité face au danger monstrueux qu'il a lui-même suscité. Peut-être plus encore que la folle semaine du 15 septembre, ces lendemains qui chantent si faux nous en disent long sur le destin du système américaniste, et à terme assez court.
Mis en ligne le 25 septembre 2008 à 06H24
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