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130314 octobre 2013 – Nous avions de la difficulté à trouver une expression, un mot, une image, un symbole, une parabole, qui transformât un sentiment puissant mais assez vague en une vision précise et portât la maîtrise de la conviction. Un de nos amis, synthétisant involontairement notre sentiment, remarqua que les événements washingtoniens ressemblaient finalement, dans leur opérationnalité, au phénomène du “printemps arabe”. Nous y étions ! Aussitôt vint la formule sous notre plume inspirée par la remarque amie d’un “printemps américain”, – plutôt qu’un “printemps américaniste”, selon une appréciation que nous détaillerons plus loin.
Cette formule a justifié d’évoquer et de développer un fait plus fondamental encore, qui constitue à la fois une poursuite du “printemps arabe” par un “printemps américain”, nullement sous la forme d’une réplique, d’une sorte d’événement mimétique, mais bien d’une poursuite, d’une accentuation, d’une accélération, d’une transformation : ce “printemps américain” n’est pas une répétition du “printemps arabe” mais sa continuation selon une dynamique transformiste sinon transmutante. Le système de la communication joue dans cette dynamique un rôle fondamental, en intervenant de toute sa puissance, et dans un sens antiSystème avéré. C’est ce que nous signalions dans le Glossaire.dde du 12 octobre 2013 consacré à l’ère psychopolitique... En ce sens, ce F&C complète le Glossaire.dde du point de vue de l'actualité immédiate, en développant, en justifiant et en explicitant le passage suivant :
«Ces cinq derniers mois s’est produit un événement d’une grande importance, qui explique que nous fixions la définition de l’“ère psychopolitique” à ce moment du temps. Le système de la communication qui est la principale force dans l’ère psychopolitique semble, selon nous, avoir accompli un pas décisif qui le range fermement dans le camp antiSystème, d’une façon institutionnalisée, avec trois crises qui se sont enchaînées aux USA : la crise NSA/Snowden, la séquence paroxystique du 21 août-10 septembre de la crise syrienne, la crise shutdown/dette. Dans tous ces cas, l’action du système de la communication s’est déployé d’une façon ouverte, quasiment officielle, sans qu’on puisse même l’accuser de subversion (le label “terroristes” jeté par les démocrates au groupe radical des républicains ne suffit pas à imposer une subversion, signe que le système de la communication ne répond plus à cette sorte de manipulation).
»Le résultat est que le système de la communication s’est installé au cœur de la Grande République, à Washington, comme premier acteur antiSystème institutionnalisé de l’histoire de la crise d’effondrement du Système que nous vivons. Il s’agit donc d’une victoire décisive, qui fait définitivement basculer l’ère psychopolitique dans un arrangement d’antagonisme des forces qui s’avère extrêmement favorable à la contestation du Système, et à l’entretien actif de la crise d’effondrement du Système. Le système de la communication n’est pas l’élément antiSystème décisif de la séquence, ce rôle étant réservé au Système lui-même, dans son mode autodestructeur de l’équation surpuissance-autodestruction, mais il s’impose comme un facteur décisif de l’environnement des forces du Système, faisant pencher cet environnement dans un sens antiSystème. L’ère psychopolitique, perçue d’abord comme une évolution de manigance du Système pour recycler sa puissance, se révèle de plus en plus comme une force antiSystème pure.»
Bien entendu, comme cela est signalé et comme cela est l’évidence, cet événement du basculement du système de la communication, activé par ce “printemps américain”, se doit d’être présenté au travers d’un rappel rapide de ce qui constitue effectivement ce phénomène d'un “printemps américain”. Il s’agit d’un enchaînement ininterrompu de crises, trois précisément, depuis le début du mois de juin, qui a contraint les autorités US, et le pouvoir washingtonien en général, dans une position purement défensive appuyée sur des débats intérieurs fratricides d’une ampleur et d’une continuité sans doute jamais atteintes.
• La crise Snowden/NSA a commencé le 6 juin 2013, avec la publication d’une première série de documents dans le Guardian. Ce qui caractérise la crise Snowden/NSA, c’est d’abord son extraordinaire résilience face à des réactions immédiatement hostiles, voire des mesures de blocages de la part des autorités-Système. Finalement, malgré de très nombreuses entraves et cette hostilité initiale, la crise a connu un succès retentissant en s’institutionnalisant d’une façon massive, avec des retombées nationales et internationales importantes. Le personnage d’Edward Snowden a acquis une reconnaissance de respectabilité et de vertu antiSystème exceptionnelles, et il apparaît aujourd’hui comme un personnage installé dans un réseau de soutien, avec des relais exceptionnellement efficaces et courageux, et des positions officielles favorables à son égard. Les soutiens qui lui ont été apporté dès le départ, notamment par la superbe paire de journalistes et d’enquêteurs antiSystème Greenwald-Poitras, sont également sans précédent par leur puissance et leur efficacité. Toutes les mesures-Système pris contre cet ensemble antiSystème qui anime cette crise sont complètement inefficaces, et la NSA et le National Security State, ou Global Surveillance System, sont complètement sur la défensive, plutôt occupés à tenter d’endiguer le flot de critiques et d’attaques contre eux, et même tout simplement occupés à survivre.
Il s’agit d’une crise complètement développée et soutenue par le système de la communication. Les intervention “dures”, qu’on dirait d’un type de contrainte relevant de la brutalité d l’ère géopolitique (tentative d’interception de l’avion du président Morales, pression sur la Russie contre l’asile politique pour Snowden, menaces physiques directes contre Snowden) ont complètement échoué. L’aspect de la puissance énorme et paradoxale du système de la communication éclate dans ce cas, d’un point de vue qualitatif versus les pesantes menaces et les lourdes manœuvres de type quantitatif, par l’effet, paradoxalement quantitativement colossal, obtenu par un individu d’une faiblesse presque pathétique, mais d’une qualité d’endurance et de résilience également exceptionnelles. La crise Snowden/NSA est l’archétype de la crise exclusivement développée par le système de la communication, dans un sens fondamental antiSystème bien entendu. Les effets obtenus, considérables, extrêmement durables, absolument structurels, mesurent la puissance antiSystème formidable du système de la communication.
• La crise de l’épisode paroxystique du 21 août-10 septembre de la crise syrienne est pour nous une “crise antiguerre” d’un type nouveau, entièrement exécuté par le canal du système de la communication, sans aucune manifestation publique de contestation, encore moins de violence, – une crise née de ce que nous avons appelé un “bruit de communication”. Bien entendu, nous parlons de la “partie washingtonienne” de la crise, jusqu’à l’adoption du plan russe par l’administration Obama, que nous considérons comme une crise per se, quasi-totalement détachée de l’aspect syrien qui n’est que le biais par lequel cette crise antiguerre de communication s’est exprimée à Washington.
Ce qui est remarquable, c’est que cette crise n’a nullement étouffé la précédente, la crise Snowden/NSA. Un premier épisode initial pseudo-crisique (une première tentative d’exacerber une pseudo-attaque chimique en argument pour une attaque contre la Syrie) avait déjà échoué dans sa logique habituelle d’“une crise remplace l’autre”. (Voir le 17 juin 2013 : «[...O]n observe qu’on provoque au contraire un développement proliférant de cette crise, et qu’on parvient ainsi au résultat d’attiser d’autres crises, voire d’en créer certaines, sans faire cesser la crise initiale...»). Avec la crise du 21 août-10 septembre, la démonstration de l’“accumulation crisique” par enchaînement fut largement mise en évidence, illustrant un nouvel aspect du phénomène de la “chaîne crisique” (le mouvement d’enchaînement d’une crise à l’autre, avec un lien entre elles) se développant dans un seul lieu fermé (Washington) affecté d’une façon colossale par une infrastructure crisique déjà solidement formée depuis l’automne 2008. Le résultat est un lien direct établi entre les deux crises (Snowden/NSA et épisode paroxystique/Syrie) où les tensions nées des deux foyers s’accumulent. Une remarque dans ce sens, le 6 septembre 2013 :
«L’événement le plus important dans l’orientation qui nous intéresse est l’interconnexion des crises et leur intégration sans qu'aucune ne perde sa spécificité éruptive. On peut constater avec l’entrecroisement de ces divers événements, combien la séquence des événements n’est plus “une crise chasse l’autre” mais bien “une crise s’ajoute à l’autre”. Plus encore, sur le plan de l’opérationnalité de cette dynamique crisique, la description du processus est qu'“une crise s’ajoute à l’autre” sans la gêner en aucune façon, et que “chaque crise reste activée et alimente l’autre, et vice-versa”. Le sommet du G20 au cœur de la phase paroxystique de la crise syrienne, et la parfaite coordination du groupe Snowden/Greenwald, avec leurs relais-médias, ont mis en évidence ce nouveau phénomène qui redouble exponentiellement la charge pesant sur le gouvernement US, et, plus généralement, sur le Système lui-même.»
• La crise government-shutdown/dette enchaîne directement sur la précédente et enchaîne directement sur son passif. Il nous semble évident, et cette version interprétative a été évoquée à plus d’une reprise, qu’Obama a abordé ce débat avec une fureur mal contenue, – celle de la vanité blessée et de l’hybris gravement endommagée en plus du discrédit politique, – contre la Chambre des Représentants qui l’a humilié aux yeux du monde en votant pratiquement contre son attaque contre la Syrie, sans même avoir à voter véritablement, faisant de lui un rescapé d’une catastrophe évitée de justesse grâce au ... président russe, le magnanime et bienveillant ex-officier du KGB, Vladimir Poutine (voir le 10 octobre 2013). Lourd passif, qui fit débuter les négociations Obama-Chambre sous une formidable pression de confrontation qui ne cessa, aussitôt, d’être dramatisée et renforcée par un système de la communication (cette fois, presse-Système et presse-antiSystème joyeusement unies, plus une opinion publique au bord de la nausée [voir le 11 octobre 2013]). Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans la démonstration : au point de dégradation et de tension où elle se trouve, cette crise a déjà sorti tous ses effets, et se trouve en posture, 1) soit de se poursuivre sur sa course de constante aggravation, 2) soit de céder à une résolution boiteuse faisant place libre, et place déjà réchauffée pour un enchaînement parfait, à la crise washingtonienne à suivre... A la suivante ! (Danielle Brian, sur le site POGO le 10 octobre 2013, nomme la situation washingtonienne actuelle “governing by crisis”, sorte de “gouvernement par la crise”, – excellente formule, bien significative.)
Caractéristiques de ces crises : les autorités politiques se sont constamment retrouvées en position défensive, offertes aux coups du système de la communication qui a drainé derrière lui un flot antiSystème diversement composé, au gré d’“alliances” changeantes ponctuées des habituelles anathèmes lancées par les modernistes, naturellement venues d’un autre siècle (extrême-droite, fasciste, communistes, etc.), faites pour confirmer l’aveuglement des protagonistes et des commentateurs sur la vraie nature de la chose. Au contraire, le système de la communication, lui, présente une parfaite description des crises qu’il initie et inspire. Tout se passe dans les flux divers de la communication, les influences, les psychologies fragiles soumises aux pressions toutes dans le sens de l’aggravation. On se passe des actes et l’on n’en pose aucun qui soit décisif dans le sens de reprendre le contrôle des événements ; la représentation de la chose suffit, quasiment théâtrale ; les effets dévastateurs, par les psychologies si vulnérables, se déroulent en profondeur, au bon soin des termites, aussi bien pour poursuivre l’implosion par dissolution.
Le système de la communication est devenu à la fois un transmetteur et un accélérateur des tensions crisiques, d’une crise à l’autre, enchaînant et capitalisant la tension générale ainsi créée. (Voir le 17 juin 2013 : «Cette dernière hypothèse peut en effet largement, et avantageusement, être remplacée par une hypothèse concernant la psychologie et son exacerbation... [...] exacerbant l’atmosphère de tension à Washington, poussant à des décisions, à des tensions nouvelles dans d’autres domaines, soit pour sortir de l’emprisonnement washingtonien, soit pour exprimer une frustration.»)
Le personnel-Système qui subit les crises est particulièrement vulnérable aux attaques du système de la communication parce qu’il est composé de sapiens qui se sont formés, ou plutôt ont été formatés par ce même système de la communication, lorsque ce système était encore du “bon côté” du Système (voir le 12 octobre 2013), lorsqu’il était encore du virtualisme agréé-Système et des poussives narrative qui en subsistent (voir le 27 octobre 2012). D’où des baudruches habiles à la posture, étrangères à la substance, impuissantes à saisir l’essence de quelque phénomène que ce soit et prise en flagrant délit de posture permanente : «C’est ce que McClatchy.News nomme (titre de son analyse du 3 octobre 2013) : “Ending the shutdown: So many options, so little political will” ... [...] Mais rien n’y fait puisque, – “...so little political will”. L’ancien directeur de l’OMB (ministère du budget) dans l’administration GW Bush, Jim Nussle, observe, peut-être en donnant la clef comportementale et psychologique de la crise (souligné en gras par nous) : “Given the current hand... I will tell you that this is as challenging as I’ve ever seen. We have people in Washington who are really good at getting attention, not at governing.”
Nous nommons donc l’événement considéré “un printemps américain”, – en prenant bien garde à le différencier de l’expression “printemps américaniste”, puisque le système de l’américanisme n’est pas à la fête, – et en insistant sur le “un” de “un printemps américain”, car il n’y a nullement exclusivité de création ni de production, et que l’un pourrait succéder à l’autre ... Ce “printemps américain” est la marque puissante et indiscutable d’une révolte selon les techniques de la communication contre divers éléments de la politique-Système, alors que le “printemps arabe” était lui-même ce qu’on peut qualifier d’“indice” d’une révolte de ce type, sans dessein précisé d'une attaque contre les éléments en place de la politique-Système, et lesquels. Il y a une différence de degré, de méthode, de dynamique, de précision montrant que le phénomène de cet enchaînement des crises a notablement évolué. Les concepts de “chaîne crisique” et d’“infrastructure crisique” se sont affirmés et renforcés à la fois ; ou plutôt est-ce ceci que le concept initial de “chaîne crisique” (l’enchaînement des crises l’une après l’autre) s’est absolument renforcé en s’appuyant et en fonctionnant d’une façon intégrée avec l’infrastructure crisique, ce qui fait que chaque crise après l’autre, en état d’activation, bénéficie de la tension de chaque crise déjà réalisée et continue qui se trouve intégrée, en situation de latence plus ou moins affirmée selon les phases, dans l’infrastructure crisique.
Le “printemps arabe” était une révolte “du peuple” par l’intermédiaire du système de la communication (réseaux sociaux, etc.), avec diverses et nombreuses manipulations bien entendu, tout cela se traduisant par une violence classique avec des résultats très contrastés... Le principal et indiscutable résultat a été une déstructuration de l’ordre-Système, mais sans autre précision ni schéma directeur, ni même une claire affirmation antiSystème comme philosophie du mouvement. Le “printemps arabe” s’est trop attaché à des buts politiques aisément récupérables par le Système, par “blanchiment”-Système puisque ces “buts politiques” (démocratisation, etc.) sont des thèmes exploités par le Système, pour espérer faire avancer décisivement la phase de déstructuration vers celle de la dissolution du Système. (Cela ne signifie pas que le “printemps arabe” a été récupéré décisivement par “blanchiment”-Système mais qu’il est toujours en devenir, avec des hauts et des bas, puisqu’avec ses buts politiques classiques et manipulables par le Système, toujours en danger de tomber dans les rets du Système.)
Ce “printemps américain” est de facture tout à fait différente. L’argument décisif est la diversification et la maturation vers l’antiSystème, également décisives, du système de la communication lui-même. Le système de la communication en tant que tel a offert et ouvert activement une voie générale de révolte, attirant sous son aile diverse forces, à la fois institutionnelles et/ou passives. Il a été l’inspirateur de la révolte plus que l’outil de la révolte. C’est lui qui a dicté les règles des différents affrontements, qui a réglé les rôles, qui a conduit les réputations, qui a mis Snowden sur un piédestal après son initiale dénonciation, qui a torpillé l’initiative de l’attaque contre la Syrie, qui a lancé des négociations Obama-Congrès sous les plus mauvais auspices possibles ... Son évolution décisive est de se trouver à l’intérieur du Système et de fonctionner en manipulant par influence des forces différenciées du Système vers des affrontements fratricides, – du vrai Sun-tzi. Ainsi, il n’y a pas à craindre une récupération/“blanchiment”-Système puisque le Système est occupé lui-même à se déliter dans ces affrontements fratricides d’une part, et qu’il reste lié au système de la communication dans une occurrence où il ne peut songer à l’affronter directement, encore moins à la détruire certes.
Il est intéressant de noter les caractéristiques des crises de cette séquence d’“un printemps américain”. Il s’agit de la forme et de la tactique naturelle de ces crises qui s’enchaînent, qui sont typiques de la postmodernité, leur assurant encore plus une sorte de paradoxale impunité :
• On y trouve un processus de dissolution plutôt que celui de la déstructuration, – d’ailleurs parce que la déstructuration a déjà eu lieu (la crise du pouvoir washingtonien, qui est le modèle général où se placent tous ces événements, est justement la conséquence, du point de vue technique, de la complète déstructuration du pouvoir du système de l’américanisme). Le processus de dissolution, par son insaisissabilité, son caractère identitaire imprécis, son ambiguïté constante, est bien entendu le plus difficile à affronter et à maîtriser. Encore Sun-tzi : le Système est confronté à ses techniques et à ses tactiques les plus efficaces, retournées contre lui.
• On y trouve un phénomène d’implosion plus qu’un phénomène d’explosion, d’ailleurs le premier parfaitement accordé au phénomène de dissolution. La cause en est que tout se passe à l’intérieur du Système, surtout avec la présence et l’activisme du système de la communication, qui est malgré tout partie intégrante du Système. Cela implique des affrontements fratricides à tous les niveaux à l’intérieur du Système. Ainsi n’y a-t-il plus, ou dans tous les cas ne semble-t-il plus y avoir dans la séquence actuelle absolument manipulée par les affrontements fratricides, de possibilité de diffusion vers l’extérieur, comme une manœuvre de déflection pour tenter d’interrompre, de rompre la chaîne crisique.
• On y trouve une étrange et paradoxale dynamique de paralysie, d’immobilisme, une “dynamique du sur-place” absolument et catastrophiquement réductrice, étouffante, écrasante, au lieu d’une dynamique expansive (en cas d’explosion) qui laisse une chance au Système de reprendre la main. La chaîne crisique se déroule sur place, sur elle-même, dans le Système en crise, dans une sorte de “bulle de crise”. L’idée intéressante d’un “gouvernement par la crise” inévitable dans ce contexte où la matière gouvernée est complètement une infrastructure crisique, implique cet autre paradoxe enchaînant sur le précédent que la crise du gouvernement ne peut se résoudre puisque le gouvernement se fait par “la crise”, et que si vous lui ôtez la crise il ne peut plus gouverner. La crise empêche le gouvernement de gouverner alors que le gouvernement ne peut gouverner que par la crise. Sommes-nous au terminus du processus de la crise d’effondrement du Système ? Nous n’en sommes plus très loin, puisqu’on ne voit plus guère d’étapes intermédiaires (d’escales intermédiaires) avant lui.
La cause générale de cette situation est une avancée de plus de la maîtrise sur notre époque du système de la communication, séduit par les attributs habituels de sa fortune, – le sensationnalisme, le dynamisme des représentations de bouleversement, les nouveaux moyens (technologiques, sociétaux, psychologiques) dont il bénéficie et dont il usa avec délice. (Même les bruits connexes sans préjuger de leurs éventuels développements, tels l’affaire des bruits de loi martiale et des généraux de StratCom [voir ce 14 octobre 2013], – quel que soit leur fondement ou leur “infondement”, peu importe, – même ces “bruits” participent à cet aspect de sensationnalisme qui anime le système de la communication et renforce, d’ailleurs logiquement puisque le domaine est semblable, le “bruit de communication” allant dans le sens antiSystème.) Et nul ne peut lui faire reproche de tout cela ni l’en priver puisque le système de la communication issu du Système a été construit sur tous ces attributs et ces incitatifs, que c’est sa substance même, – et comme il n’est pas question de la détruire... L’absence même de buts politiques précis (il n’y en a pas), d’affirmation antiSystème (elle n’est absolument pas consciente), assure paradoxalement, par l’impunité procurée au système de la communication, une formidable efficacité antiSystème.
Cette chaîne crisique-là est pure merveille, – une sorte de chaîne crisique dont les anneaux seraient faits de l’or le plus pur. Comme il y a le chiffre d’or, il semblerait qu’il existe désormais la “crise d’or”, accouchée de la chaîne crisique du même métal sacré (disons “la chaîne d’or”). Le système de communication en est le géniteur et, ainsi, nous signifie son affirmation qu’il a choisi son camp de l’antiSystème. Il n’est nul besoin qu’il le proclame urbi et orbi, ni même qu’il en ait conscience. Il est, tout simplement : l’être précède l’essence à un point tel que l’essence n’a même pas besoin d’être sollicitée.
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