Une défaite éclatante comme une victoire

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Une défaite éclatante comme une victoire

La défaite qu’a connue hier l’amendement Amash (amendement au titre 215 du Patriot Act, voir le 24 juillet 2013) est une victoire mémorable pour les perdants. La très faible marge des vainqueurs (217 voix contre 205), malgré un lobbying désespéré et écrasant à la fois des organes de sécurité nationale, de la presse-Système, de nombreuses personnalités de l’establishment et du président lui-même, implique que s’est constitué un rassemblement de contestation bipartisan tout à fait exceptionnel, et défiant toutes les habituelles pressions et interventions du Système.

Il s’agit d’une éclatante confirmation que la crise Snowden/NSA s’est installée au cœur de Washington, et au cœur de la communauté de sécurité nationale qui se trouve contestée dans le chef d’une de ses plus puissantes agences. Il s’agit, d’une façon plus générale, de la confirmation qu’on peut en effet considérer cette crise Snowden/NSA comme une “crise première”, comme nous l’avons baptisée le 22 juillet 2013, dans la mesure où elle s’est constituée elle-même et sans éléments extérieurs au départ, et dans la mesure où ses effets sont très nombreux, parfois quasiment spontanées, et où ils se manifestent dans des directions très différentes, et souvent suscitées par des enchaînements fort peu prévisibles.

Cet événement que constitue le vote de la Chambre va pour l’instant (pour l’immédiat) être sans suite, puisque le Congrès est en congé à partir du 1er août jusqu’au début septembre. Mais l’avenir est à cet égard aussi incertain qu’a pu l’être l’issue du vote décidé à une rapidité extraordinaire (rapidité qui marque elle-même le caractère exceptionnel de la situation). Il est très risqué d’avancer, comme c’est l’habitude pour le commentaire-Système, que ce délai va profiter au Système en suscitant une démobilisation des contestataires.

Le point le plus remarquable est la façon dont cette crise de la NSA est venue au centre des préoccupations du Congrès, alors qu’elle a été déclenchée le 6 juin dernier (avec les premières publications des documents Snowden) et qu’elle semblait d’une façon générale ne pas devoir impliquer de mise en cause du statut et du fonctionnement de l’Agence (malgré une première alerte lors des premières péripéties). De ce point de vue, qui est bien entendu fondamental, le vote d’hier à Washington est un événement d’une extrême importance. La crise Snowden/NSA est entrée sur le plus grand théâtre dont elle pouvait rêver, qui est celui de Washington même. Elle est désormais dans son cadre fondamental, qui est la crise de l’américanisme et, au-delà, ou au-dessus, la crise de l’effondrement du Système.

On cite ici Ewen MacAskill, du Guardian, le 25 juillet 2013. MacAskill commente le vote de mercredi soir, précise les divers éléments de la discrète montée en puissance vers ce vote et esquisse les perspectives de cette bataille.

«The House vote to block NSA funding for one of its data collection programmes is the biggest manifestation yet of a revolt that has steadily grown over the last two months.

»When the Guardian and Washington Post first revealed the documents leaked by former NSA contractor Edward Snowden, there were relatively few in Congress prepared openly to challenge the government over intrusions into privacy. The challenge was largely restricted to the two long-term sceptics, senators Ron Wyden and Mark Udall. This left Barack Obama able to claim that the surveillance was not secret because every member of Congress had been briefed about it, and that every piece of legislation since 2006 related to it had been passed with large bipartisan majorities.

»Towards the end of June, opposition to the surveillance programme began to grow. Wyden and Udall were joined by 24 other senators to send a joint letter to to intelligence chiefs complaining about a secret body of laws and misleading statements by officials. At a House judiciary hearing last week, member after member said that while they had little sympathy for Snowden, they were glad about the revelations and repeatedly challenged the NSA and justice department officials at the hearing.

»The scheduled House vote brings together a potent combination of progressive Democrats and libertarian Republicans. Such is the strength of feeling that they are prepared to defy not only pleas from the White House and personal appearances on the Hill by intelligence chiefs, but their own congressional leaders. The very fact that the vote was to be held enraged the Wall Street Journal, which, in an editorial, wrote: “Few things are more dangerous than Congress in heat, and so it is this week as a libertarian-left wing coalition in the House of Representatives is rushing to neuter one of the National Security Agency's anti- terror surveillance programs.” It added: “The last thing Congress should do is kill a program in a rush to honor the reckless claims of Mr Snowden and his apologists.”

»Congress is due to begin a five-week recess at the start of August, and much of the momentum will go out off the issue, at least on the Hill. But there will be more hearings in in the autumn, and more votes. Proposed reform of the Patriot Act, which authorises much of the surveillance, has already been introduced. One of the changes would require the government to demonstrate a clear link to terrorism or spying before being allowed to collect Americans' private information.»


Mis en ligne le 25 juillet 2013 à 12H02