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154110 juillet 2012 – Hier, le 9 juillet 2012, on a pu lire quelques extraits d’une très longue analyse de Paul Craig Roberts sur la situation économique et sociale des USA. L’impression catastrophique qu’on retire de cette analyse est partagée avec l’impression d’un montage complet, au niveau des chiffres statistiques officiels les plus répandus. Ainsi parlons-nous d’une “Amérique-Potemkine”, ce qui s’accorde parfaitement avec les habitudes suivies par les utilisateurs du système de la communication comme force essentielle d’appoint, d’influence, de travestissement de la réalité en narrative, qui tiennent une place si importante auprès des directions politiques du bloc BAO. Cette subversion de la vérité de la situation nous conduit à constater que les USA, bien plus que l’Europe, qui ne présente aucune unité de politique de communication, ni ne possède les instruments pour le faire, ni la “tradition” de son utilisation, restent un cas à part, et le cas extrême de la situation du Système. La situation peinte par Paul Craig Roberts, c’est-à-dire la vérité de l’Amérique, équivaut, en misère humaine, en effondrement des structures économiques et sociales, en fragmentation de la société, à la situation de la Grande Dépression des années 1931-1939.
Par contre, la situation de complète dissimulation de la tragédie sociale différencie complètement la situation actuelle de celle de la Grande Dépression. Elle permet d’inventer une “reprise” (plusieurs, éventuellement, en succession, comme une rafale de mitraillettre) qui est en réalité une inversion du terme, une subversion complète de la vérité économique, puisque cette “reprise” constitue en fait un mécanisme destiné à enrichir les plus riches (les fameux 1% contre lesquels s’est développé le mouvement Occupy), en laissant le reste (les 99%) à la dérive.
Ce point essentiel, c’est le thème de l’analyse que fait Roger Bybee, de These Times, repris par PressTV.com le 16 juin 2012, sous le titre «Why the economy has only recovered for the one percent». Son analyse est bien d’expliquer que cette “reprise”, complètement faussaire et manipulée par la spéculation, la corruption et l’escroquerie, ne profite qu’aux fameux 1%, tandis que les 99% restent au niveau de la Grande Dépression… Le thème est donc cet essentiel-là : nous vivons une “Grande Dépression subvertie et invertie” ; elle frappe les plus pauvres, victimes non seulement désignées mais sans la moindre responsabilité dans rien, tandis qu’elle enrichit les plus riches, responsables de tout… Inversion et subversion dans le désordre, – subversion et inversion dans l’ordre. (On en verra plus, plus loin.)
«For the fortunate few scanning America's economic recovery from luxurious penthouse suites, they are treated to the magnificent scenery of record profits, escalating CEO pay and an ever-growing share of the nation's income. But for the vast majority, the view remains bleak, despite the 4.3 million private-sector jobs added since early 2010. The horizon is still gray because of ongoing, pervasive wage cuts and a feeble job market. Very decidedly, this is a recovery largely reserved for the Republic-deified “job creators” and the investor class. In 2010, the richest 1% monopolized income gains, hauling in fully 93% of increased income, according to economist Emanuel Saez.[…]
»Economist Heidi Schierholz of the Economic Policy Institute explains that the relatively slow pace of hiring—although an improvement from the depths of the recession brought on by Wall Street deregulation—undermines the bargaining power of workers both individually and collectively. “We haven't seen a labor market this weak for this long since the Great Depression. This economy needs at least 10 million more jobs. Workers don't have much power individually when there is a long line of people applying for jobs extending around the block,” Schierholz says. […]
»But perhaps nothing exemplifes the national picture more than the strategy followed by General Electric. Even during the Great Depression, when it faced shrinking profit margins, industrial giant General Electric limited its wage cuts to 10%, according to Chris Townsend, political director of the United Electrical, Radio and Machine workers, who recently perused his union's extensive files. But General Electric's current condition can be described as nothing less than superb, enjoying a 16% increase in profits in 2011 on top of $14.2 billion in 2010. To make things sweeter, GE managed to pay no corporate taxes. Nonetheless, GE was able to force its unionized workforce to accept a new system of risky high-deductible healthcare policies and to exclude new workers from defined-benefit pension plans.
»But nothing is more indicative of GE's new mindset than the recent wage cuts imposed at its non-union plant in Mebane, North Carolina, where veteran workers had earned as much as $23.67 per hour. After being recalled from brief layoffs, long-time workers with up to 20 years of service at GE discovered that their pay had been cut by 45% and that they had been removed from the company's defined-benefit pension plan…»
Beaucoup plus que nombre de raisonnements, de calculs, de description de grandes stratégies et de construction complexe, cette simple description selon la référence fondamentale de la Grande Dépression nous paraît suffisante pour faire un tableau du Système devenu fou, et donc résolument engagé dans sa chute d’autodestruction. Les explications telles qu’avidité, corruption, etc., ne sont que des explications attenantes à la question du “comment”. Il reste le constat fondamental d’un Système, dans ce cas sa branche économique du capitalisme, qui se détruit lui-même.
Si l’on se place du point de vue du capitalisme, donc du Système, on est conduit à reconnaître qu’il existait in illo tempore une réelle responsabilité, sinon une certaine “sagesse”, dans le chef de ceux qui occupaient des fonctions à la fois de puissance et d’inspiration. Au début du XXème siècle, après trois décennies d’enrichissement forcené des 1% d’alors, – le Gilded Age, ou “Âge du plaqué or”, et non Golden Age pour “Âge d’or” comme l’on dit d’habitude, – entre la fin de la Guerre de Sécession et les années 1890 d’une réaction populiste, le système de Wall Street se mit en place avec un grand sens des responsabilités, sans nul besoin de régulation. Wall Street était mené à la baguette par J. Pierpont Morgan, fondateur de la banque du même nom, qui évita en 1906 qu’un krach boursier ne dégénère en catastrophe économique en imposant à ses collègues banquiers des actions d’autodiscipline très efficace. L’industrie US, en pleine expansion, se développa selon les règles du “fordisme”, – à côté de la mécanisation et la standardisation à outrance qui sont les règles d’ordre du machinisme, la recherche systématique de l’établissement de règles décentes d’emploi et de salaires. Les ouvriers de Ford étaient aussi les clients de Ford, puisqu’ils devaient tous avoir leur Ford T, et, par conséquent, ils devaient être payés pour pouvoir tenir ce rôle. Toutes les tares du capitalisme, – inhumanité, destruction de l’environnement, mécanisation, réduction de la diversité au standard, etc., – étaient déjà là mais un esprit de responsabilité présidait à l’orientation du Système. Le vieux John D. Rockefeller, passée la quarantaine et énorme fortune faite à la fin du XIXème siècle, passa le reste de sa vie à travailler 15 heures par jour à la gestion de ses donations et de ses établissements caritatifs impliquant l’enseignement, l’aide aux plus défavorisés parmi les plus méritants, etc., pour entretenir les cadres et les innovateurs du capitalisme.
Les années 1920 virent un emballement de la machine, moins à cause d’un relâchement de l’esprit ainsi décrit qu’à cause de l’irruption de technologies et de techniques de communication qui érodèrent considérablement le contrôle du fonctionnement du Système, et enfiévrèrent nombre de psychologies jusqu’alors tenues sous contrôle. (Amorce du processus d’autodestruction comme transformation du processus de surpuissance.) Pour autant, la Grande Dépression qui suivit, à côté du bouleversement sismique terrifiant qu’elle produisit, qui mit en place les conditions menant à l’effondrement actuel, montra également que les dirigeants capitalistes d’alors restaient encore capables d’un esprit de responsabilité, toujours du point de vue du capitalisme. On l’a vu plus haut, GE s’arrangea pour ne pas diminuer de plus de 10% les salaires de ses employés, alors qu’aujourd’hui, c’est un effondrement qui approche les 50% et une délocalisation forcenée qui constitue une facette du suicide du Système.
Plus encore, en pleine Grande Dépression, le capitalisme US parvint à maintenir une certaine veine entrepreneuriale en favorisant le développement de l’industrie et des technologies fondamentales de l’avenir dans une perspective concrète et directement connectée sur le monde social. L’industrie US de l’aéronautique connut un développement fulgurant, préparant la puissance technologique, militaire, industrielle, et enfin politique et stratégique des USA à partir de 1941-1945, en même temps qu’elle annonçait une manne exceptionnelle pour l’emploi. On aura une idée de ce développement dans notre texte du 1er février 1994 :
«En l'espace d'une dizaine d'années, jusqu'à l'orée du conflit mondial, les entreprises qui firent plus tard de l'industrie aérospatiale américaine la première du monde se créèrent ou vinrent à maturité. […] […E]n plus d'apparaître comme le progrès industriel le plus avancé, l'aviation apportait une nouvelle pureté, une nouvelle espérance, une nouvelle aventure, peut-être la dernière Frontière ouverte sur l'infini (“The Sky, The Limit”, disaient les pilotes). Elle acquérait même les caractéristiques du militantisme politique, là encore liées à la fascination d'une carrière exemplaire d'héroïsme, avec le double féminin de Lindbergh, Amelia Earhart, amie d'Eleanor Roosevelt et de Katherine Hepburn et pionnière du féminisme, aviatrice incomparable, disparue mystérieusement en 1937. La Vertu universelle de l'aviation, à la fois héroïque et moderniste, traditionnelle et progressiste, semblait avoir été créée pour sortir l'Amérique de l'affreuse Dépression des années trente.
»La réalité des chiffres et des situations confirme ce caractère exceptionnel. En pleine Dépression, alors que l'Amérique se débattait dans des difficultés sans précédent historique, alors que la Nation semblait sur le point de voir se désagréger son tissu social, l'aviation était la seule activité d'importance à connaître une expansion qui eût été déjà qualifiée d'exceptionnelle en temps normal. Ses effectifs grandirent, de 15.000 personnes en 1933, à 35.000 en 1938, à 85.000 en 1940, puis à plus de 4 millions en 1943 (car l'aviation se révéla ensuite, pendant la guerre, comme l'effort industriel essentiel de la victoire). Pendant l'année 1939, l'industrie aéronautique américaine avait produit 921 avions pour les forces armées (USAAF, U.S. Army, Marine Corps, U.S. Navy) ; de fin 1940 à 1945, elle produisit 303.218 avions pour les forces armées ou sous-traités par elles…»
Ce cas de l’aéronautique porteuse d’espoir pour le Système et formidable moteur industriel et technologique, indique combien, malgré un antagonisme haineux entre la branche républicaine du Système et FDR, il y eut tout de même une coopération de facto pour tenter, et réussir temporairement, un relèvement psychologique de la population par le biais d’une réussite industrielle majeure. La guerre joua certes un rôle essentiel comme facteur de ré-unification du tissu social et de sa direction, mais son impact psychologique fut bien plus fort aux USA même, dans le chef de l’effort industriel considérable de production avec le rétablissement du plein emploi, et avec un élan technologique complètement intégré, que dans le caractère politique et militaire du conflit. (Il faut acoir à l’esprit que tous les sondages sur les préoccupations des citoyens US pendant la guerre donnaient comme résultats, – en n°1, “Y aura-t-il une autre Dépression ?”, – et seulement en n°2, “Allons-nous gagner la guerre ?”.)
Le résultat fut donc, après cet épisode (Grande Dépression + guerre) une certaine ré-unification entre la population et sa direction capitalistique et ses appendices politiques. Du point de vue du capitalisme, il s’agissait d’une réussite : la réussite du relèvement économique (assorti des conquêtes extérieures) et, surtout, le renouvellement d’une intégration entre la population et les directions capitalistique et politique, dans le cadre du processus industriel, technologique et financier. C’est cela qui est totalement absent aujourd’hui, qui marque absolument la profondeur de la crise… La matière humaine, essentiellement au niveau de la direction, a fait faillite.
Le Système ne réussit jamais, durant la Grande Dépression, à dissimuler l’aspect de tragédie de cet événement ; cette soi-disant “faiblesse” de communication du point de vue du Système (cela serait considéré de cette façon aujourd’hui) devint un avantage décisif. Ce fut essentiellement le cas à partir de l’arrivée de Franklin Delano Roosevelt (FDR, président à partir de mars 1933), qui renversa le courant et fit de la tragédie son argument principal de communication. Cette tragédie fut mise en évidence comme argument fondamental de mobilisation, ce qui rétablit une certaine stabilité des psychologies qui étaient emportées dans le gouffre. (Il est bien entendu inapproprié et complètement trompeur de faire de Roosevelt un adversaire du capitalisme/du Système. Au contraire, le président US, grâce à son génie de la communication qui n’était pas dépourvu d’une réelle commisération pour le sort de la population, fut le véritable sauveur du capitalisme/du Système au prix de réformes plus spectaculaires que réelles, mais qui eurent le mérite de substantiver sa puissante capacité psychologique de mobilisation.) Même si les évènements économiques restèrent chaotiques jusqu’en 1940-41, avec une nouvelle dépression en 1937-1938, l’essentiel est qu’il avait réussi cette ré-unification psychologique du pays alors que, durant l’hiver 1932-1933, les USA étaient au bord de la désagrégation, de la déstructuration psychologique et politique, avec certains États songeant à la sécession pour préserver leur cohésion économique.
Aujourd’hui, la situation économiquement et socialement équivalente de celle la Grande Dépression est effectivement aggravée par le contraire de l’action psychologique qu’on a décrite. Il en résulte deux facteurs de dissolution intérieure (plus un troisième, extérieur), qu’on identifiera effectivement comme une situation présentant, par rapport à la première Grande Dépression, une subversion et une inversion du “modèle” que constitue cette Grande Dépression.
La subversion du modèle de la Grande Dépression se trouve dans la complète suppression de la vérité de la situation au profit d’une narrative (de plusieurs narrative, c’est selon) engendrée(s) par le système de la communication, suppléé(s) par des mesures législatives et de contraintes policières. La dimension tragique de la situation US est totalement occultée, cela conformément à la “philosophie de l’optimisme” et à la haine de la dimension tragique caractérisant la philosophie des promoteurs du Système. (La dimension tragique apparaît épisodiquement, au travers d’événements accidentels. Un événement comme l’ouragan Katrina de 2005, pourtant précédant l’effondrement de 2008, montra la vérité de la base tragique de la situation de la population, – et montrant parallèlement combien les fondations catastrophiques de l’actuelle Grande Dépression étaient déjà en place. A aucun moment, cette vérité ne fut reconnue comme telle, montrant ainsi l’absence complète de perception du réel de la direction politique, au contraire d’un FDR en 1933.)
Cette subversion est évidemment rendue possible grâce aux moyens du système de la communication et à la complète soumission des élites au Système, avec l’accomplissement décisif de la terrorisation de leur psychologie accomplie dès l’événement du 11 septembre 2001. Cette subversion du modèle de la Grande Dépression conduit directement à une déstructuration, puis à une dissolution du pays, en accentuant la vindicte, la division, la fracture entre les élites et la population, conduisant à ce sentiment d’insupportabilité de la corruption et des inégalités de fortune, etc. (Il faut en effet noter que ce qui est en cause sur ce dernier point qui résume tous les autres, ce n’est pas tant l’inégalité et la corruption elles-mêmes mais bien leur caractère devenu insupportable pour la population dans les circonstances générales.)
L’inversion du modèle de la Grande Dépression est dans la logique de ce qui précède. Puisque le système de la communication écarte la vérité de la tragédie de la Grande Dépression, la logique capitalistique n’est pas interrompue mais accélérée, et monstrueusement accélérée par la vérité de la Grande Dépression qu’on repousse. De là cette situation absolument invertie où les seuls que la dynamique en cours aide vraiment, ce sont les 1% aux dépens des 99%. De ce point de vue, c’est également FDR inverti, ce qu’est finalement Obama qui prétendit se faire élire comme un nouveau Franklin Roosevelt : on aide les banquiers super-riches pour qu’ils deviennent hyper-riches et l’on “potemkinise” la tragédie sociale, en allant jusqu’à une complète narrative statistique avec la manipulation systématique des chiffres de la tragédie sociale. (Voir Paul Craig Roberts.)
Un élément annexe important est celui de “la guerre” qui s’inscrivit, on l’a vu, comme un complément réussi de la sortie de la Grande Dépression. Là aussi, il y a subversion et inversion : “la guerre”(Irak, Afghanistan et tutti quanti) a précédé la Grande Dépression n°2 (inversion), au contraire du “modèle” de la vraie Grande Dépression ; elle l’a même précipitée et accélérée, et elle a ainsi constitué un facteur déterminant de la catastrophique situation économique, et même sociale avec son afflux de vétérans touchés par des maladies psychologiques graves (subversion). On avait déjà noté ce phénomène lorsque Joseph Stiglitz avait publié les chiffres du coût de la guerre en Irak (voir le 8 mars 2008 : «La guerre transformée ou le Complexe contre le Système») : la guerre ne sauve plus l’économie, parce que les dépenses qui lui sont liées sont de plus en plus improductives, avec une part énorme faite au gaspillage, à la corruption, à la redondance, etc. ; parce que les systèmes d’arme n’assurent plus une production stable mais, au contraire, “globalise” la production hors des USA de plus en plus désindustrialisés et ainsi de suite. On doutera grandement qu’un conflit “de plus” puisse rien changer à cette tendance qui conduit au paradoxe monstrueux (du point de vue du Système) de donner à la production de guerre un effet économique et social inverse à celui qu’on en attend. Là aussi, le phénomène de “Grande Dépression” est accéléré, comme l’est un incendie qu’on alimente à grands jets d’essence, en prétendant jouer au pompier pour l’éteindre.
Le résultat est une catastrophe psychologique se rajoutant à la tragédie sociale, visible dans l’extraordinaire fragmentation du pays. Dans l’expression “Grande Dépression”, il faut considérer que le qualificatif de “Grande” concerne la dimension psychologique qui fut absolument prépondérante, comme on l’a vu. C’est par l’entraînement psychologique que les USA étaient emportés vers la Chute en 1932-1933, et c’est par la dimension psychologique que FDR retint de l’abîme et sauva de justesse son pays à partir de mars 1933 et de son entrée en fonction. Aujourd’hui, cette seconde “Grande Dépression” mérite effectivement le qualificatif de “Grande”, toujours à cause de ce facteur psychologique mais, cette fois-ci, complètement inverti et subversif. La psychologie est complètement massacrée, pulvérisée, à l’occasion de la catastrophe actuelle, ouvrant la voie à des situations catastrophiques pour les USA. En effet, la catastrophe économique est, pour ce pays, la catastrophe ultime parce que, en tant que pays qui n'est même pas une nation, il n’a aucune assise régalienne, aucune base historique, et encore moins de dimension métahistorique. Tout repose sur son lien économique, que le système de la communication est chargé de magnifier avec des expressions tels que “droit au bonheur” ou American Dream.
… Rien de nouveau, d’ailleurs, et l’on ne fait là que rappeler les réalités de la modernité dont les USA sont la plus saisissante application. Tocqueville observait, le 1er juin 1831, peu après avoir abordé en Amérique : «Quand on réfléchit à la nature de cette société-ci, on voit jusqu’à un certain point l’explication de ce qui précède: la société américaine est composée de mille éléments divers nouvellement rassemblés. Les hommes qui vivent sous ses lois sont encore anglais, français, allemands, hollandais. Ils n’ont ni religion, ni mœurs, ni idées communes; jusqu’à présent on ne peut dire qu’il y ait un caractère américain à moins que ce soit celui de n’en point avoir. Il n’existe point ici de souvenirs communs, d’attachements nationaux. Quel peut donc être le seul lien qui unisse les différentes parties de ce vaste corps? L’intérêt.»
L’“intérêt” est un ciment fragile, même glorifié sous des formules ronflantes. La seconde “Grande Dépression”, double sombre et catastrophique de la première, – une performance, il faut l’admettre, – est en train de la détruire les USA, sous les coups de boutoir des habituels travers humains dans la Grande République, – cupidité, individualisme, hubris, etc. Tout cela est à la fois logique et normal ; la dynamique de surpuissance engendrant la dynamique d’autodestruction, on connaît.
De ce point de vue, la situation aux USA, par son utilisation du système de la communication (narrative) et des pressions de subversion et d’inversion, représentent beaucoup plus directement la course du Système dans le champ économique et social, que les autres crises (celle de l’Europe, par exemple) dans ces domaines. Elle est beaucoup plus soumise à des à-coups extraordinaires, c’est-à-dire suscités par ces domaines de crise mais s’exprimant aussitôt dans d’autres domaines. Les hypothèses extrêmes ne sont pas déplacées. Il y a bien sûr celle de Paul Craig Roberts, de “la fuite en avant”, qui est dans tous les esprits («The only prospect Washington has of prevailing in such an undertaking is first use of nuclear weapons, of catching its demonized opponents off guard by nuking them out of the blue. In other words, by the elimination of life on earth.»). La réserve à cet égard est de taille, qui est la paralysie complète qui affecte le système de décision, – mélange de bureaucratie, de pressions antagonistes des centres d’intérêt et de médiocrité des caractères, – dès qu’il s’agit d’un engagement majeur, comme on le voit avec l’Iran depuis 2005… L’inconnu à cet égard est le comportement de la population dans une occurrence aussi extraordinaire, avec les tensions centrifuges qui peuvent prendre de vitesse les emportements d’un centre poussé à “la fuite en avant”. Nous en restons toujours à cette même hypothèse de l’éclatement (voir le 5 février 2009 et le 14 octobre 2009), avec l’idée que l’élection présidentielle de l’automne 2012 nous donnera de précieuses indications à cet égard.