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1049Les appréciations que nous développons ci-dessous nous viennent de conversations ces dernières semaines avec des sources indépendantes proches des milieux institutionnels européens. Elles concernent l’évolution, importante et significative, du sentiment de la bureaucratie des institutions européennes, notamment de la Commission européenne, vis-à-vis des USA, – dans ce cas, précisément la bureaucratie la plus concernée, celle des services qui traitent avec les USA. Il nous paraît évident que ce cas précis fait partie d’un phénomène psychologique important, un mouvement général de la perception (de la psychologie), affectant les bureaucraties des institutions européennes en général, concernant l’évolution de la situation aux USA, de plus en plus “paralysés”.
@PAYANT L’évolution en question concerne à la fois une réalisation et une prise en compte d’une situation américaniste, à Washington, qui pourrait être le plus justement décrite comme une “paralysie”. On peut admettre que cette évolution, qui s’est sans doute préparée souterrainement et inconsciemment, est venue à maturité durant les deux derniers mois, après un hiver et un printemps marqués par les premières et précoces péripéties pré-électorales aux USA (avant les élections mid-term de novembre), à commencer par l’élection partielle du Massachusetts de janvier 2010. L'évolution se marque par le constat général d’une direction et d’une situation US (washingtonienne) caractérisées par la “paralysie”, une paralysie complète. Cela se concrétise sur deux axes.
«La déception produite par Barack Obama est immense, dit une de nos sources. Il était vraiment attendu comme l’événement crucial qui allait tout débloquer. Le constat est aujourd’hui très pessimiste. Obama est perçu très paradoxalement comme un “électron libre”, qui fait ce qu’il veut et qu’on ne contrôle guère mais qui ne sait pas vraiment ce qu’il veut, et cela dans une situation générale qui l’enferme dans une marge de manœuvre extraordinairement étroite et où il n’a plus aucun contrôle de l’appareil.» Ainsi Obama est-il perçu comme ayant les défauts de ses qualités supposées sans manifester ces qualités (“électron libre” mais sans savoir exactement ce qu’il veut et pouvant très peu), ce qui aboutit à la pire des situations : un président qui n’a pas l’expérience ni l’autorité des hommes complètement intégrés dans le système, qui n’est pas intégré vraiment dans le système mais qui est incapable d’user de cette position, qui aurait paradoxalement des aspects prometteurs, pour une tentative intéressante (l'hypothèse “American Gorbatchev”, qui peut avoir des applications plus ou moins radicales).
Le deuxième axe concerne la situation washingtonienne. Elle est perçue comme complètement bloquée (“paralysie”, toujours). L’appréciation prospective de cette bureaucratie européenne sur les élections de novembre est qu’au mieux elles ne changeront rien, avec cette “paralysie” confirmée et poursuivie, et qu’au pire, si les républicains emportent une victoire importante, elles accentueront encore cette situation en l’assortissant d’hypothèques importantes de pressions brutales et incontrôlables. Quoi qu’il en soit, le sentiment général est qu’Obama et les démocrates vont perdre ces élections, la seule question ouverte étant l’importance de cette défaite. Dans ce contexte, la position d’Obama sera encore plus celle d’un “président à la dérive” qui le caractérise déjà, incapable de maîtriser la situation.
Il s’agit d’un changement important pour cette bureaucratie. Jusqu’alors, y compris durant les années Bush, la consigne et le penchant irrésistible étaient l’alignement sur les USA, perçus comme la référence impérative. Aujourd’hui, «ils perçoivent plutôt les USA comme un bateau ivre et paralysé, qui tanguent dans tous les sens, au gré des agitations de la situation. A côté, ils se perçoivent eux-mêmes comme beaucoup plus stables, alors que jusqu’ici le “navire USA” était leur référence…» Cette perception (quoi qu’on pense de la perception d’une Europe comme un “navire stable” et assuré de sa position) est extrêmement significative du changement qu’on présente ici.
Concrètement, ce changement de perception est pour l’instant psychologique, apparaissant très évident, voire massif dans les conversations de couloir, mais qui ne se manifeste encore que d’une façon très prudente et extrêmement retenue, à peine visible, très parcellaire et très allusive, dans les documents internes. C’est un processus lent, normal pour une bureaucratie. On peut néanmoins signaler la diffusion en interne, au cours d’une projection à la fin juillet, d’un documentaire de provenance extérieure montrant une situation très préoccupante des USA, avec la possibilité d’événements financiers ou économiques dramatiques. Cette projection initiée par les services en relation avec les USA, était destinée à la bureaucratie de la Commission en général, et elle ne s’est heurtée à aucune entrave de la hiérarchie de la Commission, – autre fait significatif.
Nous parlons effectivement de “perception” (de cette bureaucratie) de la situation à Washington, nullement de la situation objective à Washington, qui suit une autre chronologie. Il nous paraît évident, comme nous l’écrivons souvent, que la “paralysie” washingtonienne est un fait de plus en plus massif, évident depuis 2-3 ans, dont l’origine se situe à novembre 2006 (défaite des républicains, paralysie de l’administration Bush, pusillanimité des démocrates majoritaires au Congrès) ; aggravé par la crise du 15 septembre 2008 ; aggravé encore, sans doute décisivement renforcé, par l’arrivée d’Obama qui s’est avéré absolument incapable de briser cette “paralysie”, et, au contraire, l’a laissé se renforcer, effectivement d’une façon sans doute décisive. Le fait important que nous soulignons ici est la prise en compte de facto de cette réalité par une collectivité bureaucratique qui a toujours été extrêmement pro-américaniste et atlantiste, solidaire bureaucratiquement de l’entité américaniste, etc., comme membre actif du “bloc” américaniste-occidentaliste conduit par les USA. Il s’agit donc de constater la puissance de cette situation de “paralysie” pour qu’elle ait provoqué un tel changement de la perception dans une collectivité si peu inclinée à un tel changement.
L’intérêt est moins, ici, d’attendre des changements politiques importants de l’Europe vis-à-vis des USA, entre l’Europe et les USA. Cela reste à voir en présence d’événements importants et déstabilisants pour tout le monde qui se succèdent, et ce fait amenant que ces événements eux-mêmes sont bien plus importants désormais que des changements de politique. L’intérêt est de constater que la situation objective de “paralysie” des USA est une puissante réalité politique, si puissante qu'elle commence à être reconnu comme un facteur politique majeur de la situation générale. Dans une direction générale du système américaniste-occidentaliste marquée par la très grande lenteur d’une prudence conservatrice et d’une pusillanimité propres aux bureaucraties, on en mesure l’importance, et notamment pour ce qu’elle nous dit de la situation US et, désormais, de ses effets internationaux et dans la situation générale du système.
Mis en ligne le 27 août 2010 à 06H04