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955Le secrétaire à la défense Gates est en voyage. Après l’Irak et l’Afghanistan, il s’est rendu à Londres pour une réunion des ministres de la défense de l’OTAN. En Afghanistan, avant son départ, il a dit quelques mots à des journalistes, dont le New York Times du 19 septembre se fait l’écho. On retrouve dans les interventions de Gates, notamment sur la Russie et la crise géorgienne, sa modération désormais légendaire. Pour notre propos précisément, un passage nous intéresse particulièrement, venu d’un contact du journaliste Thom Shanker avec un “officiel du département de la défense” durant ces rencontres et déplacements. Cela concerne l’Article 5 de l’OTAN, dont nous avons déjà beaucoup parlé. Bien entendu, la chose est envisagée pour le cas de la crise géorgienne. La tonalité générale reflète la modération extrême de la ligne politique du Pentagone.
«The NATO alliance operates under a provision, known as Article V, that guarantees mutual defense, promising a “one for all, all for one” military response should any member be attacked.
»But Russia’s military moves into Georgia revealed a gap in the alliance, between those who say Georgia should receive speedy membership for future protection and those who say membership might draw the alliance into an unwanted war with Russia.
»A senior Defense Department official traveling with Mr. Gates acknowledged the “fears, perhaps, that Article V is not what we would have presumed it to be just a year or two ago,” even though Georgia is not a member of NATO.
»“I think it would be fair to say that the Baltics and some of the nations are looking at Georgia and saying: ‘What if this happens to me? What can I expect from NATO, given its capabilities and given what has happened in Georgia?’ ” the official said. “We have to build confidence there, we have to reassure, and NATO has to re-examine, ‘How would you respond?’ ”»
Le commentaire s’impose de lui-même. L’extraordinaire prudence du Pentagone (de Gates) vis-à-vis de la notion d’engagement de soutien militaire d’un membre de l’Alliance attaqué est caractérisée par cette phrase, qui concerne des craintes de certains pays (les pays baltes) quant à l’application de l’Article 5, ces craintes n’étant manifestement pas jugées sans fondement: «fears, perhaps, that Article V is not what we would have presumed it to be just a year or two ago…» Ce qui revient à dire que certains craignent que, dans la situation actuelle où la question d’une aide militaire en cas d’agression se pose concrètement, l’Article 5 soit réinterprété comme non-contraignant pour une telle aide militaire. En fait de “réinterprétation”, il s’agit simplement d’une interprétation évidente de l’Article 5, dont on sait qu’il ne fait aucune obligation de la forme d’aide à apporter dans ce cas puisqu’il laisse à chaque membre le soin d’apprécier quelle aide il voudra apporter. Jusqu’alors, “jusqu’à il y a un an ou deux”, on se contentait d’accepter l’ambiguïté qui se faisait croire à soi-même que l’Article 5 était contraignant. (Il est caractéristique de cette ambiguïté que Shanker, en présentant l'intervention de l'“officiel” et en expliquant rapidement ce qu'est l'Article 5, laisse entendre que l'intitulé de cet article rend compte effectivement d'une ambiguïté. Mais non, l'ambiguïté n'est pas dans l'énoncé du texte, il est dans l'attitude officielle qu'on a entretenue vis-à-vis de lui; l'attitude est (était?) ambiguë, pas le texte...)
(Pour rappel, toujours, ce fameux article, avec notre propre souligné en gras: «Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.»)
Ce que rapporte le NYT n’est pas une prise de position officielle mais une indication sérieuse qu’au Pentagone au moins, on n’entend pas accepter une interprétation d'un soi disant “esprit” de l’Article 5, dans le sens le plus large et le plus dangereux, qu’on préférerait en revenir à la lettre et à l'“esprit” qu'elle suggère, qui devient alors une position prudente et très mesurée des possibilités et des décisions d'intervention. Il est évident que les pays baltes, par exemple, ne l’entendent pas de cet oreille et avec cet esprit. Les choses progressant, il se confirme que cet Article 5 est véritablement une question fondamentale, polémique et déstabilisante pour l’OTAN.
Mis en ligne le 19 septembre 2008 à 09H18