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947L’accord du Sénat qu’a obtenu Obama dans la nuit de vendredi à samedi pour son “plan de stimulation” fixé à $780 milliards sera voté sans doute cette semaine, – avec l’aide d’un Ted Kennedy qui souffre d’une tumeur au cerveau et a essuyé une attaque cérébrale il y a quinze jours, et qui devrait être tiré de son lit pour venir voter. Le vote du Sénat présente une étrange perspective pour le président. Rarement victoire d’un président démocrate sur un programme aussi sensible aura été accueillie avec autant de fureur à l’intérieur de son propre parti, et du côté de ses partisans en général. Encore cette victoire n’est-elle pas encore “bouclée” et ne termine-t-elle pas la batalle puisqu’il faut qu’un compromis entre le Sénat et la Chambre soit atteint sur un texte commun définitif.
Le Sunday Times abordait justement, hier, la situation de ce point de vue de la colère des démocrates. On note ainsi deux lignes de critiques, qui rendent compte, chacune, d’un puissant courant qui ne vient pas des marges extérieures du parti mais bien de son establishment. D’une part, il y a les critiques de Robert Reich, que le Sunday Times a interviewé, d’autre part celles de la Speaker de la Chambre, Nancy Pelosi.
• A propos de Reich, d’abord, qui observe simplement, et dramatiquement, que le plan tel qu’il a été défini par les tractations s’avérera notablement insuffisant pour stopper la dégradation économique… «Professor Robert Reich, an adviser to Obama who served on his high-powered economic transition team, said the president’s bid to win Republican support for the bill had gone too far. “The danger is that the government is doing too little, rather than too much,” he said. “The stimulus package is critically necessary, but I fear it is not enough.”
»Obama had veered towards “compromising too much”, warned Reich, a professor of public policy at the University of California at Berkeley and a former labour secretary under Bill Clinton. “I want him to get as much bipartisanship as possible, but the stakes here are very high. If the stimulus package is not effective, the recession is going to get much worse,” Reich said.»
• Nancy Pelosi, elle, exprime une grande colère, remarquable par son intensité si l’on s’en réfère aux jugements présentés. Le Sunday Times note, justement, que cette prise de position de Pelosi, qui représente l’une des plus grandes influences démocrates au Congrès, pourrait laisser présager des relations difficiles entre le président et sa majorité démocrate; ce serait une situation inédite et dramatique pour un président à peine élu, et élu dans un si grand élan de popularité. «Nancy Pelosi, the powerful Democratic speaker of the House of Representatives, sparred with Obama over his determination to appease Republicans.
»“Washington seems consumed in the process argument about bipartisanship, when the rest of the country says they need this bill,” she said in a thinly concealed swipe at Obama, which could presage future rows between the White House and Congress. Pelosi described the cuts in the package as “very damaging” and said they did “violence to what we are trying to do for the future” on education and green energy.»
Est-ce le “perfect storm” pour Obama, c’est-à-dire la parfaite catastrophe politique? Tout est réuni pour cela. Il y a bien des raisons pour que Reich ait raison, parce que le plan a perdu, avec les compromis, une part importante de sa force et de son efficacité selon l’orientation voulue par les démocrates. Si Reich a raison, si le plan ne marche pas, Obama aura “gagné” l’opposition pleine de rancœur d’une partie importante de ses soutiens institutionnels, d’autant plus renforcée que la crise se poursuivra; il aura “gagné” du côté républicain un certain discrédit, la perception d’une certaine faiblesse de sa part, pour avoir cédé grandement à leurs demandes; il aura, bien entendu, “gagné” la poursuite de la crise, en outre dans des conditions psychologiques bien pires que celles qui prévalent actuellement. L’opération à ce stade est loin, très loin d’être concluante.
Obama a poussé à fond, dans cette phase, son penchant au compromis qu’ont relevé certains, notamment un diplomate britannique comme l’ambassadeur à Washington Sir Nigel Sheinwald (dans une appréciation du candidat démocrate, avant l’élection): un Obama “balançant avec assiduité entre les ‘pours’ et les ‘contres’…” En traitant sur le même pied les “pours” (ses amis démocrates) et les “contres” (les républicains), Obama obtient le résultat qu’il donne aux “contres”, qui sont infiniment plus faibles, des satisfactions beaucoup plus grandes relativement aux “pours”, qu’il semble donc délaisser son camp et la perspective d’une action réformiste, qu’il semble par conséquent beaucoup plus faible aux yeux des républicains. Cela fait beaucoup en une seule opération, et pour un résultat si incertain, si douteux. Nous sommes vraiment loin de l’enthousiasme de l’élection, de la joie grave et assurée de l’inauguration, du dynamisme des premiers jours; il s’agit d’une situation qui se développe très vite… Et que dire, et que faire si dans six mois, les conditions continuent à se dégrader, avec un gouvernement proche d’être insolvable? Encore des compromis aux républicains? (Et que dire, et que faire, pour la prochaine bataille qui attend Obama, peut-être dès les prochains jours, également au Congrès, pour le nième plan farci de centaines de $milliards, pour tenter de sauver les banques toujours à la dérive? Une très dure bataille de plus en perspective, disent les commentateurs.)
La situation à ce point est devenue si fortement incertaine, alors même qu’il reste à “boucler” un accord général sur le plan présenté au Congrès et voté par les deux chambres dans des versions notablement différentes. Pour l’immédiat, Obama semble devoir se lancer dans une nouvelle “campagne électorale” pour tenter de susciter un soutien populaire à son plan, en même temps que certains de ses collaborateurs entament une campagne auprès du Congrès, pour tenter de confirmer rapidement le “succès” de samedi au Sénat. C’est ce que signale le Guardian ce matin, pendant que la crise continue à s’aggraver.
«Barack Obama will launch a campaign to reassure Americans of his leadership on the economy today and prevent his rescue plan from stalling in Congress. Less than three weeks after his arrival at the White House, Obama is struggling to persuade a divided Congress to move ahead on an $800bn-plus (about £540bn) economic rescue plan.
»The White House had hoped to have a bill ready for Obama to sign by 16 February, when Congress is due to go into recess. But with that in doubt the president deployed his weightiest economic ally, the White House adviser, Lawrence Summers, yesterday to launch a persuasion campaign. “This [the present state of the economy] is worse than any time since the second world war. It's worse than I think most economists like me ever thought we would see,” the former treasury secretary told ABC television.
»Obama will take the push on the road today. He is due to travel to Indianatown, where unemployment has more than tripled to 15%, and will hold a press conference tonight in an attempt to build public support for the rescue plan. Tomorrow the president is due to travel to Fort Myers, Florida.»
A ce rythme, l’usure du pouvoir pris en main pourtant de si fraîche date va se manifester et rendre la position d’Obama très fragile, très rapidement. La situation politique aux USA risque désormais de se détériorer parallèlement à la détérioration de la situation économique.
Mis en ligne le 9 février 2009 à 06H12
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