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997La fameuse affaire de la dégradation de la cotation des USA par l’agence de cotation Standard & Poor, en août dernier, avait causé une énorme sensation et un mini-krach dans le monde financier. Cette décision suivait la crise politique (voir notamment le 6 août 2011) qui avait abouti à un compromis boiteux sur la dette colossale du gouvernement US d’un peu plus de $14.000 milliards. Il y a désormais la possibilité, sinon la probabilité, que les deux autres grandes agences de cotation (Moody’s et Fitch) rejoignent S&P et annoncent à leur tour, d’ici décembre, une dégradation de la cotation des USA. Cette possibilité anticipe ce qui est de plus en plus considéré comme un échec presque certain de la super commission, dite “Super Congrès”, formée en août pour décider de la répartition d’une réduction de $1.200 milliards de la dette publique. (La commission “Super Congrès” doit rendre sa décision le 23 novembre au plus tard, avant la fin de l’actuelle cession parlementaire.)
Russia Today, ce 24 octobre 2011, détaille la nouvelle.
«Only three months after Standard & Poor’s downgraded America’s credit rating, the other two top agencies — Moody’s and Fitch — could be considering a downgrade of their own in the very near future. This news comes from a report out of one of the biggest names in the banking industry, Bank of America Merrill Lynch, issued on Friday.
»“The credit rating agencies have strongly suggested that further rating cuts are likely if Congress does not come up with a credible long-run plan” to cut the deficit, Merrill's North American economist Ethan Harris writes in a report from last week. “Hence, we expect at least one credit downgrade in late November or early December when the super committee crashes,” adds Harris. […]
»Harris’ assumption is indeed just that, but Moody’s did in fact reveal that the US credit rating is currently under review for a possible downgrade. Speaking to Reuters last week, Moody’s lead analyst Steven Hess said, “It’s not that we’re waiting just for this committee to decide on the rating,” and that a failure from the super committee “would be negative information but it is not decisive in our view about the rating.”»
Russia Today rappelle l’appréciation du commentateur et auteur Jim Rogers, spécialisé dans les questions financières, faite en août dernier, concernant la situation politique US par rapport à la cotation de ce pays. Rogers parlait alors que le Congrès et le président débattaient encore d’un accord sur la dette. Il émettait un avis largement partagé par les commentateurs, et qui ne cesse de se confirmer… «They’re going to announce something either the day before, the day of or the day after and they’re going to say everything is okay. America is going to be in worse shape than it is now. They are going to continue to spend and drive us deeper into debt. I don’t see any chance of turning it around. Even if they default on August 2, 3, 4 — they’ll be back playing the same old games.»
L’avis de Rogers vaut bien mieux que les nuances apportées par Steven Hess, le premier donnant une appréciation essentiellement politique de la décision alors possible de la dégradation de la cotation, Hess plaçant plutôt la possibilité de la confirmation de cette dégradation par les deux autres agences de cotation sur un plan plus orthodoxe, – financier et économique. En effet, il s’agit bel et bien d’une situation politique, et la décision de S&P en août, et celle, probable, des deux autres agences, dans les semaines qui viennent, sont essentiellement politiques. Il s’agit bel et bien de l’incapacité de pouvoir washingtonien de prendre des décisions dans une situation financière, budgétaire et économique catastrophique (à laquelle on ajoutera désormais une situation civile et sociale également de crise grandissante, avec le mouvement Occupy Wall Street). Il s’agit enfin, bel et bien, d’une affirmation de plus des pressions de Wall Street sur Washington, pour que le pouvoir politique se décide à agir, comme on pouvait considérer que la décision d’août de S&P l’était également. On retrouve un exemple remarquable des dissensions et des blocages résultant de la prépondérance écrasante du pouvoir financier sur le pouvoir politique, alignant totalement ce pouvoir politique sur les banques certes, mais l’affaiblissant à mesure et le privant de la capacité de produire une politique forte et cohérente dont ont besoin ces mêmes banques, – exemple remarquable, également, de la dynamique d’autodestruction du Système. (Sur ce paradoxe contradictoire et autodestructeur de la puissance du corporate power jusqu’au “totalitarisme entropique”, voir le 24 octobre 2011.)
(A noter que cette situation des dégradations de cotation est différente en Europe, où les verdicts des agences de cotation, qui représentent un petit système totalitaire à elles seules, portent surtout sur les situations financières per se, et les pouvoirs politiques ne sont critiquées éventuellement que pour des raisons de lenteur à prendre certaines décisions. Aux USA, l’enjeu est autrement important, parce qu’il concerne directement la substance même des pouvoirs, notamment le pouvoir politique. La question de la dégradation de la cotation est effectivement l’exact reflet d’une puissante bataille intestine entre deux pouvoirs essentiels, dans une situation générale de crise d’effondrement, où chaque pouvoir entend en rejeter la responsabilité sur l’autre, en même temps que les liens d’allégeance des uns aux autres paralysent l’entièreté du Système en privant les uns et les autres d’une autonomie de jugement et en alimentant une paralysie chronique.)
Ces commentaires et l’annonce de la probable confirmation de “AAA à AA+” pour les USA (sinon pire ?) semblent renforcer le sentiment que la commission dite “Super Congrès” est complètement bloquée dans ses querelles intestines et ses querelles d’intérêts divergents, entre les deux ailes du “parti unique” (les républicains et les démocrates sont représentés en nombre égal dans la commission), entre les divers représentants des pouvoirs corrupteurs que concrétisent les différents parlementaires de la commission, aux intérêts également divergents. Si le “Super Congrès” échoue, il ne s’agira pas seulement d’une dégradation de la cotation, laquelle deviendra vite anecdotique, mais d’une étape de plus dans le naufrage du Système dans sa crise multiforme, dans tous les domaines, y compris avec l’exacerbation du mécontentement public qui dispose désormais du relai de la crise OWS pour s’exprimer ; étape à attendre dès décembre 2011-janvier 2012, soit exactement lors de l’ouverture des primaires de désignation des deux principaux candidats (ou trois, c’est selon, si un candidat indépendant émerge) à la désignation officielle pour les présidentielles. L’année 2012, décidément, semble siphonner en elle tous les motifs et toutes les causes d’un paroxysme peut-être décisif de la crise d’effondrement du Système.
Mis en ligne le 25 octobre 2011 à 06H39