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1040L’on sait que la question du BMDE (système antimissiles US en Europe, largement répandu au-delà des dimensions européennes) n’a jamais cessé, depuis son apparition, d’être un point sévère de litige entre les USA (avec l’OTAN et les amis) et la Russie. L’on sait également que la question redevient, en mode activé, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être, savoir une crise entre la Russie et le bloc BAO. Enfin, l’on se rappelle l’épisode “off mic”, à Séoul, entre BHO et Medvedev, où le premier demandait au second qu’il passât au nouveau président, Vladimir Poutine, le message de prendre un peu de patience, en attendant que lui-même, BHO, soit réélu, parce qu’après les choses lui seraient plus faciles pour des arrangements rencontrant les préoccupations russes. Obama parlait spécifiquement du réseau BMDE (et de réélection assurée).
…Ce qui n’empêche la question, plus pressante, de savoir si la patience de “Vlad” résistera à des épisodes de cette sorte : en deux jours, des perspectives nouvelles d’expansion pour le réseau BMDE devenant global. (Il y a, depuis le début de la décennie, un projet de réseau antimissiles global spécifiquement US ; avec le BMDE, on est passé à une variante “européenne”, où les amis de l'OTAN seraient inclus dans les projets US, d'abord comme simples pays d'accueil de bases US, et depuis comme participants associés, plus activement engagés, sous l'égide chaleureuse de l'OTAN ; désormais, cette formule de participation association active tend à être étendue à la dimension globale. Démarche classique d'extension-absorption propre au Pentagone.)
• L’annonce par l’OTAN que des conversations vont avoir lieu, ou ont lieu c’est selon, sur la possible participation de l’Ukraine au réseau BMDE. Pour l’OTAN, il s’agit d’une occasion d’approfondir ses perspectives d’extension de ses contacts avec l’Ukraine, et d’expansion tout court d’elle-même vers l’Ukraine, selon le mouvement systémique suivi par cette organisation depuis la fin de la Guerre froide. Pour l’Ukraine, malgré une direction politique théoriquement plus proche de la Russie, il s’agit de disposer d’un moyen de pression sur la Russie pour d’autres questions bilatérales (notamment les exportations d’énergie russe vers l’Ukraine), – une idée qui supposerait que l’Ukraine n’est pas sérieusement intéressée d’entrer dans le réseau BMDE… Mais il s’agit là d’une position de départ, que les évènements peuvent faire se modifier.
Russia Today du 30 mars 2012 donne quelques détails sur l’annonce faite par l’OTAN : «The North-Atlantic Treaty Organization (NATO) is holding talks with Kiev over Ukraine’s possible participation in the alliance's planned missile defense system in Europe. According to the head of the NATO Liaison Office in Ukraine, Marchin Koziel, the deployment of the system's elements is a priority for the alliance. He says during the summit in Lisbon, NATO heads agreed on the possibility of involving non-member countries – or “third countries”- in the planned missile shield in Europe. Thanks to “its ballistics missiles, technologies, know-how, experience or simply the process of European integration,” Ukraine is such a country, he stated speaking at a round table meeting in Kiev, reports the Rosbalt news agency.»
• Après ses entretiens avec les dirigeants saoudiens au cours desquels un désaccord fut acté sur la question de la livraison d’armes aux rebelles syriens (les Saoudiens pour, les USA contre), Hillary Clinton a participé à une conférence sur les questions de sécurité affectant le GCC (Gulf Cooperation Council, regroupant les six pays du Golfe) où elle a émis sa proposition. Dans le vague de la proposition, la liaison avec le réseau initial BMDE n’est pas mis en évidence, mais il est bien entendu évident dans les plans du Pentagone, lequel a annoncé son intention d’y inclure des pays du Moyen-Orient de l’Asie (on passe, selon le principe énoncé plus haut, du BMDE, ou Ballistic Missile Defense Europe, au BMD tout court, ou GBMD pour Global Ballistic Missile Defense). Bien entendu également, la proposition est incluse dans sa logique dans la doctrine officielle du système BMDE puisqu’elle est présentée comme destinée à contrer les capacités supposées de l’Iran en matière de missiles. D'autres projets d'extension vers l'Asie s'appuient sur le prétexte de s'opposer au développement des missiles nord-coréens, présentés comme une monstrueuse menace.
Encore Russia Today, le 31 mars 2012 : «Raising security ties from a bilateral to a multilateral level, Clinton is breaking new ground by taking part in the first strategic cooperation forum between Washington and the six-country Gulf Cooperation Council (GCC). She said the US and Gulf States should take “practical and specific steps to strengthen mutual security, such as helping militaries improve interoperability, cooperate on maritime security and missile defense, and coordinate responses to crises.” US officials have said it is a US “priority” to help the GCC build a “regional missile defense architecture” against what they see as a looming ballistic missile threat from Iran.
»Earlier, the Pentagon unveiled plans to deploy elements of its global antiballistic missile defense system in Asia and the Middle East. American plans for the Middle East include the promotion of "interoperability and information-sharing" among members of the Gulf Cooperation Council as they acquire greater missile-defense capabilities. The countries involved are Saudi Arabia, Kuwait, Bahrain, Qatar, the United Arab Emirates and Oman.»
…Dans tout cela, il n’y a rien de concret, sinon la démonstration une fois de plus faite que la diplomatie US est d’abord une diplomatie de la quincaillerie, qu’elle est hors de contrôle du département d’État, y compris lorsqu’elle est en partie reprise en compte par l’OTAN qui parle d’un réseau antimissiles sous contrôle US, y compris lorsqu’elle est relayée par Hillary Clinton elle-même. Dans le premier cas de l’OTAN et de l’Ukraine, il s’agit d’un canal directement mis en place par la Missile Defense Agency (MDA) du Pentagone, avec l’OTAN comme relais, pour pousser ses possibilités d’expansion vers l’Ukraine. Pour ce qui concerne la proposition Clinton au GCC, il s’agit de renforcer une coordination incertaine des pays du Golfe vis-à-vis de la Syrie et de l’Iran, et plus précisément, lorsqu’il s’agit de l’Arabie, comme une compensation pour faire passer l’amère pilule de l’opposition des USA à la livraison d’armes aux rebelles syriens. Il n’empêche, dans ce dernier cas, le dossier sera prestement monopolisé par la MDA qui exercera toute la pression possible, avec ses arguments technologiques et strictement militaires, pour tenter de transformer les vagues perspectives de Clinton en des engagements sérieux. Tout cela baigne dans un flou qui est très caractéristique du climat de l’époque ; les objectifs politiques, quand il y en a, s’y égarent et s’y érodent, tandis que les arguments techniques purement militaires gardent la solidité du roc. C’est dire combien toutes ces propositions, qui ont une allure cosmétique de circonstance, peuvent éventuellement déboucher sur de véritables dynamiques autonomes d’expansion.
En attendant la concrétisation éventuelle de ces perspectives, on conviendra que tout cela n’est pas fait pour encourager Poutine à faire montre de la patience que lui demande Obama, par l’intermédiaire de Medvedev. On devrait même envisager, naturellement, que la MDA fera tout ce qui est nécessaire pour accélérer son mouvement bureaucratique et technologique d’expansion du réseau, cela dans les prochains mois d’ici l’élection présidentielle US (et l’éventuelle victoire d’Obama), pour tenter de verrouiller des engagements qu’il sera très difficile de défaire à cause des effets politiques négatifs : dans ce type de tactique, l’engagement n’a qu'un sens politique restreint mais le désengagement devient aussitôt un acte politique dès qu’il est envisagé, et qu’on considère souvent comme une charge trop difficile à envisager, avec la perte de prestige qu’implique la décision. D’ores et déjà, des indications de source arabe (les pays du GCC) annonçaient, sans surprise, que le Pentagone arrangerait rapidement des entretiens et des négociations pour concrétiser des participations à un réseau antimissile régional qui serait très rapidement relié au réseau européen. L’indiscrétion du micro sur les chuchotements d’Obama à Medvedev pour inciter Poutine à la patience obtiendraient ainsi comme premier effet d’accélérer le processus bureaucratique d’expansion du réseau antimissiles, de toute urgence et en mode-turbo…
Mis en ligne le 2 avril 2012 à 04H44