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1634On n'a pas été sans remarquer l'extrême discrétion, dans tous les sens du mot, du bombardier B-2 durant la campagne contre l'Afghanistan. Quelques missions au début de la campagne, annoncées sobrement, puis plus rien. Cela contraste avec l'extrême publicité qui avait accompagné la moindre des missions du B-2 durant l'attaque contre le Kosovo, en mars-juin 1999. C'était déjà un élément inhabituel.
[Un autre facteur ne cesse de se confirmer, qui est l'hostilité achevée de l'USAF pour une autre série de 20 exemplaires du B-2. Malgré la ferme intention de l'administration GW Bush dès son arrivée, confirmée après les opération en Afghanistan, l'USAF est restée inébranlable.]
Ces deux facteurs conduisent à suivre avec une certaine vigilance une éventuelle politique nouvelle de l'USAF vis-à-vis du bombardier B-2 et de ce qu'il représente, notamment le fait que ce bombardier intègre de façon extrêmement importante la technologie furtive. Un élément nouveau nous est apparu sous la forme d'une déclaration de James Roche, Secretary of the air Force, dans Defense News, 11-17 février 2002. Voici le passage qui nous intéresse :
« Q. Do you have any long-term plans to design a long-range bomber?
« A. We'll look at this over time. Right now, in the next era, we're going to concentrate on the weapons. But if we needed to very quickly decide what would be our idea of a bomber, we have that. We know that a future has to be stealthy and fast. It has to be able to defend itself. When the B-2 was designed, it was an incredible achievement. But it was designed before there were personal computers in offices, before cell phones. Nowadays, we know that supercruise and stealth can work together. »
Il y a des choses étonnantes dans cette réponse qui, à première vue, semble assez anodine et ne rien révéler de révolutionnaire. Le B-2 (alors Advanced Technological Bomber [ATB]) fut développé à partir de 1978-79, essentiellement dans les années 1980, dans la forme où il est actuellement, sans aucune défense individuelle, avec une vitesse subsonique (autour de 900/950 km/h, soit mach 0,95), sans capacité de vitesse dite supercruise (c'est-à-dire la capacité d'une vitesse supersonique sans post-combustion des réacteurs, utilisable sur une longue distance, en régime de croisière). Le B-2 était prévu pour des missions extrêmement dangereuses, soit la pénétration en solitaire du territoire soviétique, la recherche, l'identification, l'attaque et la destruction des missiles soviétiques ICBM mobiles SS-25 (par définition impossibles à repérer par avance puisque mobiles). Ç'était là la présentation qui était faite de l'avantage exceptionnel de la technologie furtive : puisque les radars soviétiques ne pouvaient détecter le B-2, le bombardier pourrait pénétrer dans l'espace aérien soviétique sans entrave et sans danger.
Ce que nous dit Roche, c'est que toute cette argumentation ne vaut plus rien. Désormais, il faut qu'un avion complètement stealth soit, en plus rapide, et capable de se battre contre des ennemis. Cela signifie qu'on n'espère plus que la technologie furtive le mettra à l'abri des radars adverses, — cette idée, connue comme une vérité révélée dans les années 1980, fait sourire aujourd'hui, dans les arcanes de la bureaucratie du Pentagone. Cet extraordinaire retournement d'une conception qui guida pendant un quart de siècle l'appréciation de la bureaucratie du Pentagone et de l'USAF (l'efficacité quasi-absolue de la technologie furtive pour mettre en échec la défense aérienne) se fait alors que n'existe plus dans le monde grouillant des ennemis repérés et potentiels de l'Amérique la moindre capacité pouvant approcher, même de très loin, les capacités défensives aériennes de l'URSS telles qu'elles étaient présentées dans les années 1980. Citons à cet égard un extrait du texte « Nos contre-leçons » publié dans la rubrique Analyse du Vol17, n°11, rubrique Analyse, de notre Lettre d'Analyse de defensa :
« Lorsqu'on se rappelle du problème de la défense aérienne dans les années 1960 (à partir de la guerre du Viet-nâm) jusque dans les années 1980 ; lorsqu'on sait que l'un des arguments, outre celui de la réciprocité face aux SS-20, pour l'installation des euromissiles type Pershing II en Europe en 1983, était l'affirmation de l'impossibilité pour des avions occidentaux type F-111, Tornado, B-52 et B-1B, de franchir les défenses aériennes soviétiques malgré l'arsenal de la guerre électronique (EF-111A, EA-6B, avions de suppression type Wild Weasel, AWACS, etc), on reste stupéfaits devant les événements des années 1991-2001, et plus stupéfaits encore que nul ne songe à les relever dans ce sens pour en faire une leçon majeure de la guerre moderne. (On parle de la guerre réelle, non pas de la guerre hypothétique contre une puissance hypothétique : cette idée existe constamment derrière notre propos.)
» Aujourd'hui, comme on l'a vu avec la guerre du Golfe, celle du Kosovo, et encore plus, récemment, en Afghanistan, le problème de la défense aérienne, et par conséquent l'hypothèque de la bataille pour la supériorité aérienne n'existe plus. Désormais, il y a ceux qui peuvent tout dans ce domaine et les autres, qui ne sont pas intéressés d'y figurer. Ceux qui peuvent tout sont en nombre très limité et ils font partie du même monde, aux intérêts entrecroisés et dont les querelles entre eux se vident, dans tous les cas jusqu'à nouvel ordre, sans faire usage des armes. »
La situation nouvelle que nous identifions implique dans sa logique l'hypothèse que le B-2 est mis de côté, avant d'être envoyé au musée, au bout d'une aventure qui a côté un peu plus de $45 milliards pour 21 exemplaires produits, pour une mise en service qui a commencé en 1997 pour les premiers B-2. Dans un contexte où la véritable menace (la défense aérienne), au niveau technologique et du déploiement effectif, est à des années-lumière de celle de l'URSS et n'évolue que très lentement, on est conduit à répéter notre conviction que le Pentagone ne vit plus, et de très loin, dans la réalité ; que ses évaluations ne se réfèrent plus à la réalité mais à ses conceptions technologiques et bureaucratiques figurant sur les disques durs de ses ordinateurs centraux et dans les comptes vertigineux de budgets qui, eux aussi, ont perdu tout contact avec la réalité ; que la programmation, les décisions de stratégie, la stratégie des affaires militaro-politiques, n'ont strictement plus aucun rapport, même très lointain, avec cette même réalité. L'Amérique, Washington, le Pentagone, ne sont plus unilatéralistes ou isolationnistes ; ils sont, littéralement, extra-terrestres.
Pour le cas qui nous occupe, nous conclurons par deux points, qui concernent bien sûr l'évaluation fermée du monde fermé qu'est le Pentagone :
• Désormais, la technologie furtive n'est plus le (seul) Saint Graal du monde de la programmation du Pentagone. Après une aventure qui, en un quart de siècle, a du coûter au trésor US entre $100 et $200 milliards (difficile d'évaluer ce que la technologie furtive a coûté en tout), après un développement général des forces (USAF) fondé sur l'idée que la technologie furtive était, à elle seule, l'alpha et l'omega de la bataille aérienne, voilà que cette technologie est ramenée dans l'espace relatif des vivants et des imperfections humaines.
• Le F-22 est aujourd'hui la référence passionnée de l'USAF, car c'est à partir de lui qu'a été élaborée la nouvelle équation de la supériorité absolue : technologie furtive + vitesse supercruise + armement de combat individuel (notamment défensif). C'est à partir de cette équation que seront désormais envisagés tous les projets, y compris une version de combat stratégique du F-22 (le F-22 transformé en mini-bombardier) et un futur bombardier. En quelque sorte, le B-2 sera sacrifié à la promotion publicitaire du B-2, et cause de sa mise au rancart accéléré.
La grande victime dans cette affaire, c'est la technologie furtive, la stealth technology, dans son statut quasi-surnaturel qui fut le sien depuis 1975-76. Ci-dessous, nous publions le texte Contexte de nos éditions du 10 février 2001 (Volume 17, n°10) de notre Lettre d'Analyse de defensa, qui traite de cette question de la critique de la stealth technology dans une perspective historique.
Récemment publié, un livre conte en détails le destin du programme General Dynamics/McDonnell Douglas A-12 (ex-ATA), abandonné en 1991 et ensuite objet d'un grave différend juridique entre les constructeurs et la Navy. Le livre est The $5 Billion Misunderstanding, de James P. Stevenson (Naval Institute Press) remarquable document d'enquête, à la manière américaine.
Après quelques précisions générales sur le programme ATA/A-12, nous allons nous attacher à examiner le rôle de la technologie furtive (stealth technology) dans ce programme, d'un point de vue critique voire polémique, à partir des informations très intéressantes que nous livre Stevenson, en précisant ces informations elles-mêmes qui nous invitent à être polémiques. (Nous parlons ici exclusivement de la technologie furtive intégrée sur les aéronefs, des avions d'armes comme le F-117A, le B-2, le F-22, le JSF/F-35. La question de la technologie furtive intégrée dans les unités navales, les sous-marins, etc, est complètement différente. Aucune polémique ne s'attache à cet aspect de la technologie furtive, tant la dimension navale, à cause du cadre de son évolution et des basses vitesses de cette évolution, intègre comme un avantage majeur toute technique qui permet une plus grande dissimulation, et tant la technologie furtive pour la dimension navale constitue un facteur bien plus aisé à intégrer et à contrôler à tous les points de vue. Pour les aéronefs, qui ont la caractéristique de l'extrême vitesse et du déplacement dans un univers à trois dimensions, les techniques de dissimulation, notamment par les pénalités aérodynamiques impliquées, ont toujours constitué un apport beaucoup plus problématique.)
Pourquoi notre intérêt pour la technologie furtive ? Parce que celle-ci est, avec la technologie de guidage de précision et les technologies des communications, l'un des trois piliers de la puissance militaire moderne telle que la définit l'Amérique, telle qu'elle est désignée comme archétypique de toute conception de la puissance, telle qu'elle nous est imposée en un sens, telle qu'elle influence à la fois nos politiques, notre vision du monde, nos conceptions. Il est du plus haut intérêt de peser ce que disent certains acteurs de l'envol et de l'intégration de cette technologie (les années 1980, où se situe l'affaire ATA/A-12, virent en effet l'expansion et l'intégration de la technologie furtive). On mesurera d'autant mieux l'historique de la stealth technology. Une telle recherche est d'autant plus nécessaire pour fixer la valeur réelle de la technologie furtive qu'il n'existe aujourd'hui aucune démonstration probante, ni encore moins convaincante, que la technologie furtive soit la panacée à la fois opérationnelle et stratégique que dit le Pentagone. C'est, dans tous les cas, ce que disent l'USAF et l'OSD (Office of Secretary of Defense) au sein de ce même Pentagone.
Maintenant, quelques faits rapides sur le programme ATA/A-12 pour mettre “en situation” l'approche de la question de la technologie furtive telle qu'elle apparaît dans ce livre. Au tout début des années 1980, alors que l'administration Reagan se mettait en place, le nouveau secrétaire à la Navy, John Lehman, une forte personnalité, commença à étudier le problème de la mission à grande pénétration de la Navy. Les A-6E Intruder, chargés de cette mission, commençaient à vieillir, et l'étude de leur remplacement s'imposait. Lehman devint rapidement partisan d'une version avancée de l'Intruder, le A-6F, aux normes duquel certains A-6E pouvaient être transformés, et d'autres A-6F pouvant être livrés sous forme de modèles neufs. Il lui apparut rapidement qu'il faudrait composer avec ce qui était la “mafia de la stealth” au Pentagone. Dès le début du développement des technologies de la furtivité, en 1974-75, s'était imposée dans certaines parties du Pentagone et à l'OSD tout-puissant, l'idée qu'aucun nouvel avion d'arme ne pouvait être conçu sans la technologie furtive. Lehman fut obligé de biaiser : il lancerait un nouveau programme (Advanced Tactical Aircraft, ou ATA) intégrant la technologie furtive, mais suffisamment loin dans le temps pour justifier le développement intérimaire du A-6F.
L'un des premiers aspects de cette appréciation de la technologie furtive dans le livre, et un aspect extrêmement spectaculaire (et que nous avons déjà mentionné dans notre Journal, Vol17 n<198>08 de dd&e), c'est l'attitude de l'USAF vis-à-vis de cette technologie. L'USAF avait été le service principalement intéressé par la technologie furtive, en 1975, alors que l'agence de recherche et de développement du Pentagone (la DARPA) s'y intéressait depuis 1973 sous l'impulsion de quelques hommes. Chose normale puisqu'il s'agissait de la technologie furtive pour véhicules aériens, l'USAF avait d'abord été contactée. Elle avait été d'abord réticente parce qu'elle craignait que la technologie furtive permît de développer des avions de combat très léger et la bureaucratie de l'USAF ne craint rien tant que l'abandon de la formule d'avions lourds, chargés de plus en plus de systèmes (et, bien sûr, avions de plus en plus complexes, coûteux, etc), qu'elle développe depuis plus d'un demi-siècle. Quoiqu'il en soit, à partir de 1975, l'USAF fut le service “parrain” de la technologie furtive, qu'elle commença aussitôt à intégrer dans des programmes opérationnels (F-117A et ATB, bombardier stratégique et futur B-2).
Lorsque l'U.S. Navy lança le programme ATA, en 1984, elle se tourna vers l'USAF pour obtenir de l'aide dans le développement du programme puisque celui-ci allait intégrer un certain nombre de technologies participant à la furtivité. La position de l'USAF fut totalement négative et elle n'en changea plus. Son attitude est expliquée par une volonté bureaucratique d'accentuer sa prééminence opérationnelle sur l'U.S. Navy.
Stevenson : « Une des raisons pour lesquelles l'U.S. Navy dépensa tant d'argent et subit des délais importants qui repoussèrent le premier vol du A-12 fut le refus catégorique de l'Air Force de partager les enseignements tirées du développement du F-117A et du B-2. L'obstination de l'USAF à refuser le transfert de technologies était explicable par sa volonté de prouver son affirmation, datant de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, que les porte-avions étaient inutiles dans la mesure où ses bombardiers pouvaient accomplir les mêmes missions. Du fait que l'Air Force, comme toutes les autres armes, estime que sa vocation est d'abord de réaliser une complète domination au Pentagone en faisant augmenter sa part budgétaire, elle réussit à enlever la mission d'attaque à grande pénétration des missions de la Navy et on n'est pas prêt de voir la Navy la récupérer. »
Cet épisode donne une idée de l'intensité des batailles bureaucratiques et de la force du corporatisme régnant parmi ces forces bureaucratiques qui n'agissent pas autrement que comme des groupes d'intérêt privés, sans se soumettre à un éventuel but commun de sécurité nationale. Il s'agit de la situation régnant à Washington, dans les services fédéraux, et qui interdit évidemment toute coopération inter-services ou inter-agences sérieuse, sans parler de l'hypothétique et utopique coopération internationale. (On peut extrapoler à partir de l'exemple ce qu'on doit attendre d'une coopération dans le grand programme actuel programme JSF, où certains pays non-US espèrent des transferts de technologies américaines.)
La position de la Navy était d'autant plus difficile qu'à partir du début des années 1980, la technologie furtive était devenue un article de foi à l'intérieur du Pentagone. Le témoignage de John Lehman, recueilli par Stevenson en 1997-98, permet d'avoir une appréciation intéressante sur la technologie furtive. Lehman est un ancien pilote de A-6 et une personnalité originale, au franc-parler célèbre dans l'équipe Reagan. Pour expliquer le cas du A-12, projet entièrement construit autour de la technologie furtive, Lehman rapporte que s'il avait présenté un projet normal à l'OSD, il aurait « été accueilli par un éclat de rire ». Pour Lehman, « l'affirmation selon laquelle vous deviez avoir la technologie furtive pour battre les Russes a été inventée de toutes pièces par OSD ».
Lehman montre le plus grand scepticisme à l'égard des vertus opérationnelles de la technologie furtive. Ses arguments n'ont pas pris une ride, surtout dans un univers caractérisé par la dégradation systématique des capacités de défense aérienne de nombre de pays, et, dans tous les cas, des pays potentiellement hostiles aux USA.
Parlant du raid d'avril 1986 contre la Libye et de la guerre du Golfe, Lehman constate : « La Libye et l'Irak avaient les meilleures défenses aériennes que les Français et les Soviétiques pouvaient fournir. La ville de Tripoli était mieux défendue que n'importe quel objectif en URSS, et nous y avons été sans avoir un seul de nos avions abattu. Nous aurions fait la même chose en Russie. Alors, où est la preuve que nous avons besoin de la technologie furtive ? » Les réalités n'ont jamais démenti le scepticisme de Lehman. Les pilotes de F-117A demandèrent, durant leurs missions de la guerre du Golfe, la protection électronique des avions-brouilleurs EF-111A et EA-6B. « En fait, explique Stevenson, c'est plus qu'un désir, les consignes de vol inscrites dans le manuel de vol du F-117A exigent le vol seulement de nuit et avec des brouilleurs. » Durant cette même opération Desert Storm, les “performances” du F-117A furent ainsi décrites par un analyste (M. Sprey) du Pentagone témoignant devant le Congrès en 1991 : « A haute altitude, les canons ne peuvent pas vous atteindre et les missiles guidés par radar sont très faciles à éviter, avec ou sans furtivité. En général, dans les guerres précédentes, il fallait entre 100 à 500 tirs de missiles pour toucher un avion. Il n'y a pas de grave menace quand vous les voyez arriver et si vous volez haut. Aussi, les F-117 ont réussi la même chose que les F-16 et les F-16 : quand vous volez haut, vous n'êtes pas touché. Il n'y a pas de miracle. »
Les affirmations des partisans de la technologie furtive sont décrites par Stevenson comme caractéristiques de « l'arrogance intellectuelle du type “nous savons et vous pas” ». Chuck Bernard, le directeur du Naval Weapons Center compare cette attitude à celle des partisans de la SDI, à la même époque : « Pendant des années, j'ai eu des conversations avec des collègues à partir de principes de physique sur lesquels nous étions d'accord. Du jour où ils entrèrent dans le cercle de Star War, leur position changea, pas les lois de la physique mais eux. [...] Pour la technologie furtive, c'est à peu près la même chose. » Le grand promoteur de la technologie furtive, c'est William Perry. Il la lança à la fin des années 1970 et réussit à l'imposer aux bureaucraties du Pentagone et la renforça grâce aux canaux de relations publiques correspondant (l'imagerie populaire de l'“avion invisible”). Homme charmant et apprécié de tous, Bill Perry était également un remarquable manipulateur de bureaucrates. Revenu aux affaires en 1993, comme sous-secrétaire puis secrétaire à la défense, il acheva de verrouiller la technologie furtive grâce à la bureaucratie.
Lehman quitta le Pentagone en 1987. Il en garde une certaine amertume, celle de la déception devant l'erreur et l'inaccomplissement. « Ce qui m'a toujours préoccupé, c'est cette impression que les futures augmentations de coût des programmes avaient un aspect si déterministe. Le problème, c'était l'approche impersonnelle qu'impose la bureaucratie. Je croyais qu'en libérant les gens, ils se mettraient à travailler juste et de façon créative et je me suis employé à les protéger du système pour que le bon sens puisse prévaloir. Dans la mesure où je croyais que je changerai leur culture, j'étais simplement naïf et dans l'erreur.» Lehman avait voulu faire sa glasnost, comme Gorbatchev. Échec, là aussi ... Il est parti et la technologie furtive est plus que jamais là, enveloppé de son aura un peu magique, et jamais démontré dans la réalité du monde.