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21 avril 2004 — L’article de Richard Norton-Taylor, dans le Guardian du 21 avril, est important. Fait inhabituel, qui accentue ce jugement, il est présenté sous forme de commentaire (Comment), alors que Norton-Taylor, spécialiste des affaires de sécurité au Guardian, écrit d’habitude sous la forme “informative” des articles normaux de journalistes.
L’article est un réquisitoire, à la fois contre la politique militaire et la politique suivie par les Américains en Irak et dans la guerre contre le terrorisme, à la fois contre la politique de Blair qui aligne complètement les intérêts et les actions du Royaume-Uni sur les Américains dans ces matières. L’occasion en est le sommet Bush-Blair, dont les partisans du Premier ministre avaient officieusement annoncé, — une fois de plus, comme avant chaque rencontre avec Bush, — qu’on verrait l’influence britannique sur les Américains, et qu’on trouverait alors justifiée la politique des special relationships.
Norton-Taylor termine son article de cette façon :
« The fact remains that Whitehall officials, spooks, military chiefs and even some diplomats have for well over a year been deeply unhappy — privately seething — over the policies and rhetoric of the Bush administration.
» For understandable reasons they do not want to be publicly identified. Have they privately told their political masters? Or have they not dared to, just as they didn't object to the government's highly misleading Iraqi weapons dossier?
» Blair will claim he has succeeded in getting the UN to play a bigger role in Iraq. Yet that is something the Bush administration itself now desperately wants. Since Blair has failed to persuade Bush to change his calamitous policies towards Iraq, the Middle East, and beyond, what really is the value of the special relationship? It is a question being asked increasingly in Whitehall, let alone the outside world. »
Publié et écrit sous cette forme, l’article de Norton-Taylor est significatif. Il n’a pas été écrit sans consultations avec certaines “sources” militaires du journaliste. Il met en évidence le malaise, surtout chez les militaires, avec cette mise en cause fondamentale des relations avec les USA (« and beyond, what really is the value of the special relationship? It is a question being asked increasingly in Whitehall, let alone the outside world »). Écrire cela à propos des militaires britanniques, en général les plus fidèles à l’alliance américaine, est un point d’une réelle importance. Il marque les dégâts en train d’être causés aux rapports anglo-américains par l’actuelle politique.
On notera que l’article de Norton-Taylor, bien sûr, n’est pas isolé. Le journaliste cite des courriers adressés régulièrement par des militaires aux journaux britanniques (et pas seulement au Guardian, et Norton-Taylor cite le Times). Surtout, le ton de l’article rencontre les constats que font nombre de diplomates et militaires européens, notamment français, dans leurs contacts avec les militaires britanniques. Cette évolution se fait notamment, “à la britannique”, de façon indirecte, — notamment par le désintérêt, voire l’oubli (voulu) complet des Britanniques de toute référence à l’OTAN dans les conversations sur les questions de sécurité européenne. Certaines orientations nouvelles, allant vers des formules avec une complète autonomie européenne, sont en train d’être développées.
Curieuse situation… Le paradoxe est de constater que Blair ne s’y serait pas pris autrement s’il avait voulu conduire les special relationships à un point de rupture.