La réforme du Pentagone ne désarme pas et ses perspectives se précisent
Cette semaine, le 8 août, un pas supplémentaire a été franchi sur la route délicate que suit l'administration GW Bush depuis janvier 2001, dans la voie de ?ex=998020800&en=2ed8ab53413349ff&ei=5040&partner=MOREOVER> la réforme du Pentagone et des forces armées. Pour la première fois, des déclarations publiques officielles, dont celle de Paul Wolfowitz, adjoint direct du secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, ont évoqué très précisément la réforme et les mesures qui pourraient être prises. Le général Myers, qui accompagnait Wolfowitz dans sa conférence de presse, a résumé l'un des points principaux qui commence à apparaître : « there is consensus we have to change. » (Cela, c'est désormais un des thèmes favoris que l'administration oppose à ceux qui prédisent que ses efforts sont sans espoir, et qui évoquent à l'appui de leur thèse les tensions considérables qui se manifestent, notamment au sein du Pentagone ; au contraire, dit l'administration, ces tensions sont le signe, d'abord que tout le monde défend pied à pied des positions différentes quant au contenu de la réforme qu'il faut faire, ensuite et, par conséquent, que tout le monde est persuadé qu'il faut une réforme.) Dans ses déclarations, Paul Wolfowitz a évoqué implicitement la nécessité de réduire les effectifs des forces armées («Au bout du compte, il faudra en venir au problème du volume des forces »). Ces interventions pourraient paraître surprenantes, à la lumière de ce qu'on a observé et entendu ces dernières semaines. Les commentaires n'ont pas manqué pour déclarer la réforme mort-née, tant sont grandes les difficultés d'imposer le changement à la bureaucratie du Pentagone, et tant, selon nombre de ces observateurs qu'on évoque ici, l'administration GW Bush aurait manqué d'habileté dans sa façon d'aborder cette question avec les forces impliquées dans ce processus (le Congrès, la bureaucratie, la hiérarchie militaire, etc). Ces prises de position officielles du 8 août (Wolfowitz et compagnie) constituent donc un nouveau tournant, ou/et un mini-coup de théâtre. Bref, la partie semble loin d'être jouée, comme l'estimaient les commentateurs pessimistes. Voilà pour la chronique ; il y aussi le fond des choses, et l'on doit faire plusieurs constats à cet égard : • le premier est que les mesures envisagées commencent à se concrétiser. En même temps que Wolfowitz parlait, des précisions étaient publiées sans susciter de démentis (le Wall Street Journal, puis le New York Times), et dont tout porte à croire qu'elles reflètent la réalité. Ces précisions chiffrent ou précisent les deux options qui seraient sur le point d'être présentées par le secrétaire àla défense Rumsfeld au président. L'une des deux options impliquerait une réduction de 10% du volume des forces (un peu plus de deux divisions de l'U.S. Army, deux porte-avions de l'U.S. Navy, seize escadrons pour l'USAF, etc)., ce qui constituerait un choc absolument considérable pour l'establishment. (Une soixantaine de parlementaires au Congrès ont averti, dans le cadre d'une plate-forme commune, qu'ils n'accepteraient aucune réduction du volume des forces de l'U.S. Army.) • le second constat est que la question budgétaire joue un rôle de plus en plus considérable. Il est désormais manifeste que la MD (Missile Defense) tient elle-même un rôle déstabilisant considérable, en attirant à elle une part significative du budget (près de 3% en 2002, à comparer avec le 0,3% du dernier budget Clinton). Il y a donc une pression budgétaire qui s'ajoute àla pression réformiste (lancer le développement de nouvelles technologies/nouveaux programmes). La deuxième option offerte par Rumsfeld au président implique le choix d'aucune réduction du volume des forces. Il faudrait alors envisager des coupes extrêmement sévères dans les programmes en cours (qui seraient tout de même touchés avec la première option, ne serait-ce que parce que l'équipement en matériels serait réduit). • Le troisième constat est que la question de la réforme, avec ces engagements officiels (Wolfowitz), devient de plus en plus politique, en impliquant de plus en plus nettement le gouvernement au travers de prises de position officielles. En d'autres termes, la réforme devient de facto une partie du programme du gouvernement et, par conséquent, une affaire de gouvernement qu'il sera de plus en plus difficile d'évacuer par des mesures inconsistantes, voire d'abandonner. Dans ce cas également, la perspective d'un affrontement politique sévère à Washington, sur fond de campagne électorale (les élections mid-term de l'automne 2002), ne cesse de se préciser et de grandir. • Enfin, le quatrième constat est que l'option de réduction du volume des forces est accompagnée, dans les commentaires qui sont faits, d'hypothèses sur les secteurs opérationnels qui seraient dégarnies. L'hypothèse essentielle, par élimination, revient avec une insistance significative et accompagne la possible réduction des effectifs de l'U.S. Army : il est hors de question de dégarnir le Continental Command (les USA), le Southern Command (l'Amérique Latine), le Central Command (le Golfe) et le Pacific Command (l'Asie), ce sera donc le European Command (l'Europe, bien sûr) qui écopera. Si la réforme va à son terme, nous devons nous préparer à voir les deux divisions restantes de l'U.S. Army en Europe être retirées (mais les contingents bosniaques et kosovars resteront, dans leurs Fort-Apaches respectifs). C'est pour le coup que les Américains deviendront des partisans forcenés de la PESD et diront aux Européens : puisque vous avez votre force européenne, vous prenez en charge la défense européenne.
Le style Berlusconi est un véritable système, à faire pâlir d'envie une république bananière et à réduire en poussière les structures de civilisation
The Economist persiste et signe. Après sa virulente attaque d'avril dernier, il attaque à nouveau, et sévèrement, l'action de Silvio Berlusconi. L'hebdomadaire britannique estime que l'activité du nouveau Premier ministre italien, avec la mise en place d'un loi qui doit lui permettre d'échapper à la justice (loi mise en point par une commission parlementaire présidée par un député qui est aussi l'avocat de Berlusconi), dépasse en impudence ?Story _ID=733366>l'activité courante d'une république bananière. Il n'est peut-être pas non fondé de dire que le système Berlusconi est en train d'installer au coeur de l'Europe quelque chose qui ne ressemble en rien à ce qui a précédé, ni en rien à ce qui existe dans le monde aujourd'hui ; un système d'État transformé pour être mis au service des intérêts particuliers d'un homme et transformant l'État en une entreprise privée, et préparé par de nombreuses années de quasi-monopole exercé dans le domaine de la communication et de l'information. Il s'agit d'une véritable révolution dans les systèmes de subversion du système de gouvernement classique, voire de la structure politique centrale de notre civilisation. Le 3 mai dernier, Jean Daniel écrivait justement dans Le Nouvel Observateur que « le vide provoqué par le discrédit des politiques n'est aujourd'hui comblé, en Italie, ni par le fascisme, ni par le populisme mais par une forme moderne de despotisme : la télécratie » Quel que soit le nom qu'on lui donne, le système subversif central des structures de civilisation est bien là, et l'affaire Berlusconi rend dérisoires et ridicules les alarmes européennes à propos de l'Autriche et d'Haider, et dérisoire aussi la sempiternelle mobilisation antifasciste de nos milieux politiques. L'affaire Berlusconi a peut-être l'avantage de réaliser, dans la réalité la plus voyante et dans notre quotidien, une sorte d'avertissement sans trop de frais (l'Italie en a vu d'autre et pourrait se sortir de Berlusconi aussi vite qu'elle y a été plongée) sur le réel danger de notre temps, un danger sans précédent connu, qui est un asservissement par des forces mécaniques de communication et d'information, sans but idéologique, et une position d'acceptation, de « servitude volontaire » (toujours La Boétie) du côté du public et du système politique démocratique. La cerise sur le gâteau, mais une cerise au goût étrange, est que le principal dénonciateur de ce danger, l'hebdomadaire The Economist, est par ailleurs le promoteur infatigable de tous les moyens (libéralisme, libre-échange, marché libre, dérégulation, refus de l'interventionnisme, etc) qui ont été utilisés au maximum par Berlusconi pour réussir son coup, et sans lesquels il n'aurait pu réussir son coup. Cela laisse à penser.