La grandiose politique américaniste des Britanniques (suite et contre-suite)

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La grandiose politique américaniste des Britanniques (suite et contre-suite)


3 juillet 2004 — Revenons sur un article intéressant du Guardian du 28 juin, qui nous annonce que, bientôt, si ce n’est déjà fait (c’est un avis déjà répandu), le Royaume-Uni, qui fut longtemps l’un des premiers pays de conception et de progrès aéronautiques du monde, sinon le premier dans ses périodes fécondes, ne sera (n’est) plus capable de concevoir et de produire un avion de combat avancé, voire de participer de façon constructive et créatrice à sa conception et à sa fabrication. En cause ? Cette question surannée appelle toujours la même réponse, — la politique aveuglément pro-US de Tony Blair et, pour le domaine qui nous importe, l’inévitable, l’incontournable JSF.


« British defence industry sources have slammed the way the government negotiated a £10bn contract to buy the American joint strike fighter for the Navy's planned two new aircraft carriers. It could mark the “end of the UK in the manned aircraft business”, they warned. A senior source added: “We got legged over. The Americans are industrial and political gorillas.”

» The Ministry of Defence is planning to buy 150 JSFs for the two carriers which were themselves due to cost £2.9bn. BAE Systems, the project's original prime contractor, has warned that it would cost £4bn to build two 60,000-tonne carriers. Britain has contributed £2bn towards the JSF's development costs.

» But the contract means that Lockheed Martin — the plane's manufacturer — will maintain the aircraft, also known as the F35, and produce any updated version for 50 years, the sources say. “It's a bloody sight more than game, set and match. It's like eternity,” said an industry source. »


Le plus extraordinaire de ce constat est bien sûr qu’il y ait constat maintenant. C’est une évidence inscrite en lettres géantes que la coopération UK dans le JSF est un piège d’où les Britanniques sortiront dans un état pitoyable, et qu’en conséquence de cela leur pays perdra le statut de puissance technologique majeure ; c’est d’ailleurs en passe d’être fait, et le Royaume-Uni est, aujourd’hui en Europe, en train de tomber technologiquement au niveau de l’Allemagne, en-dessous de la Suède, et complètement et irrémédiablement distancé par la France.

Les Britanniques n’ont plus aucune alternative. Le chasseur Eurofighter Typhoon, qu’ils ont développé en coopération avec trois autres pays européens est techniquement un échec considérable, et, surtout, un avion bloqué dans son développement par ses problèmes techniques initiaux, et, par conséquent, bloqué sur les marchés à l’exportation, notamment et paradoxalement par la concurrence du JSF (et celle du français Rafale, qui a un beaucoup plus fort potentiel de développement). Les Britanniques ont donc embarqué dans un programme, le JSF, dont ils ne reçoivent rien du point de vue technologique et qui s’avérera l’un des principaux concurrents de leur Typhoon . (Il faut d’ailleurs noter combien tous les industriels britanniques cités dans le Guardian, ne songent même pas à mentionner le Typhoon.) Cette contradiction dans les termes mêmes des choix britanniques était évidente depuis longtemps.

Devant cette situation, les Britanniques finissent par tenter de réagir. Ils le font en lançant des mesures inédites, voire extraordinaires, comme cette menace lancée aux Américains d’interdire certains de leurs propres marchés d’armement aux sociétés américaines, si les transferts de technologies des USA vers le Royaume-Uni ne se font pas. C’est ce que signale Defense News dans son édition du 28 juin, où il est fait état de cette lettre du 28 juin du ministre britannique de la défense Geoffrey Hoon à son homologue américain Donald Rumsfeld.


« The British government has threatened to ban U.S. contractors from competing for significant defense work here if protectionist measures proposed by U.S. House Armed Services Committee chairman Duncan Hunter become law.

» U.K. Defence Secretary Geoff Hoon made the threat in a June 16 letter to his U.S. counterpart Donald Rumsfeld, and warned that the issue could begin to unravel the two nations’ close defense relationship.

» “The mutual operational, technological and industrial benefits we have enjoyed over years of equipment co-operation could quickly evaporate, with both of us being the losers and with obvious political ramifications,” he said in the letter, a copy of which was obtained by Defense News. »


Cette sorte de menace a peu de chances d’aboutir, les Américains ayant l’habitude de certaines récriminations britanniques qui se sont toujours terminées par des capitulations des mêmes Britanniques. De toutes les façons, il reste toujours l’argument suprême des Américains qui sont directement les interlocuteurs des Britanniques (les Américains du DoD et du gouvernement), qui peuvent finalement se défausser sur l’action du Congrès, protectionniste, entravant les transferts de technologies. («  The problem is coming to a head with a highly protectionist amendment to the US defence authorisation bill now before Congress. Industry sources say it would put up a “solid wall”. »)

Étrange situation historique, ce curieux suicide d’une nation connue et réputée, dans son action diplomatique, comme l’une des plus habiles et intelligentes de la terre. Cette alliance avec les USA, démontrée depuis plus d’un demi-siècle comme un marché de dupes aux dimensions colossales, atteint aujourd’hui son paroxysme. Reconnaissons-lui tout de même, ce qui n’est pas rien, quelques bons thèmes de discours pour le Premier ministre, par ailleurs surveillé désormais dans son enthousiasme pro-américain tant il devient dangereux à cet égard. Surréaliste, n’est-il pas ?