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18 septembre 2004 — Le rapport final des “chercheurs d’ADM” américains, qui va prochainement être rendu public, contiendra la piteuse révélation qu’il n’y avait aucune arme de destruction massive en Irak, si l’on excepte celles qui y ont été amenées par les Américains depuis l’invasion. La nouvelle ne vaudrait pas quatre lignes tant cette réalité est connue depuis longtemps, si elle ne venait un peu plus bouleverser la perception que nous avons que l’Irak est un désastre absolu, — pour les USA et pour les conceptions occidentales en général. En Irak, bien entendu, chaque jour nous emmène un peu plus dans ce que The Independent décrit comme «Into the Abyss».
La nouvelle sur l’absence des ADM est notamment donnée par le Guardian de ce jour.
« The comprehensive 15-month search for weapons of mass destruction in Iraq has concluded that the only chemical or biological agents that Saddam Hussein's regime was working on before last year's invasion were small quantities of poisons, most likely for use in assassinations.
» A draft of the Iraq Survey Group's final report circulating in Washington found no sign of the alleged illegal stockpiles that the US and Britain presented as the justification for going to war, nor did it find any evidence of efforts to reconstitute Iraq's nuclear weapons programme. It also appears to play down an interim report which suggested there was evidence that Iraq was developing “test amounts” of ricin for use in weapons. Instead, the ISG report says in its conclusion that there was evidence to suggest the Iraqi regime planned to restart its illegal weapons programmes if UN sanctions were lifted.
» Charles Duelfer, the head of the ISG, has said he intends to deliver his final report by the end of the month. It is likely to become a heated issue in the election campaign. »
Il paraît que la crise irakienne revient, comme on dit, “au centre de la campagne électorale” US, — comme s’il y avait “un centre”, comme s’il y avait une “campagne électorale” aux USA.
La réalité est que le commentaire et l’analyse de cette crise, aux USA plus qu’ailleurs, sont aujourd’hui au bord de l’écoeurement et de la nausée d’une part, au bord de l’hystérie non-intellectuelle de l’autre. Les hommes politiques eux-mêmes ne savent comment en parler pour éviter jusqu’au bout la moindre référence à la réalité.
• Aujourd’hui, la campagne GW Bush s’active pour expédier toute trace d’un rapport d’estimations du renseignement US (National Intelligence Estimates), qui, en juillet, prévoyait une aggravation de la situation pouvant aller jusqu’à la guerre civile. « U.S. study has a dark forecast for Iraq » titrait l’International Herald Tribune du 17 septembre. Réagissant plus vite que l’éclair, puisque précédant la publication de la nouvelle, dans tous les cas telle que l’annonce le Financial Times de la veille, le candidat GW Bush se contentait de rejeter le rapport, point final : « Bush rejects bleak Iraq intelligence assessment ». Tout cela est accompagné des habituelles pitreries, y compris celles de Rumsfeld qui doit veiller au moral des troupes. Rumsfeld, dont la gloire aurait pu se passer de la performance des douze derniers mois, nous assure que “la guerre contre la terreur”, tout compte fait (des comptes à la Rumsfeld), globalement et tout bien considéré…
“The Taliban regime is gone. Those still not killed or captured are on the run. Despite a campaign of violence and intimidation, over 10 million Afghans have registered to vote, including 4 million women . . . And they've registered to vote in what will be the first free election in that country's history. Saddam Hussein's regime is finished. His sons are dead. He's in a prison cell, where he awaits the justice of the Iraqi people, which he will soon face. Libya has said now that it is renouncing its illicit weapons programs, and it says it will cooperate with the efforts to stop the spread of weapons of mass destruction and that it's seeking to reenter the community of civilized nations. Time will tell, but so far, so good...”
• A côté de ces cornichonneries, il existe une tendance générale aux USA, à Washington, dans les milieux des experts pas trop intoxiqués par la politique, pour dénoncer jusqu’à la nausée la course de la crise irakienne. L’analyse générale n’est plus l’analogie avec le Viet-nâm, mais qu’il s’agit de quelque chose de bien pire, — comme l’explique Sidney Blumenthal, qui a parlé avec nombre d’experts militaires US : « Far graver than Vietnam, — Most senior US military officers now believe the war on Iraq has turned into a disaster on an unprecedented scale. » La tendance est largement confirmée par une longue analyse de Jim Lobe, qui reprend les thèmes centraux des réflexions des experts. (Lire aussi un excellent texte de WSWS.org sur le sujet.) Quand nous parlons de nausée, c’est pour marquer une situation qui n’est pas éloignée de la révolte chez ces experts indépendants américains, constatant l’éloignement ahurissant du pouvoir exécutif et du monde politique des réalités irakiennes. Le pouvoir exécutif s’en fout, investi d’une seule idée qui est la réélection (GW, totalement indifférent à la réalité de la situation, inventant ainsi une formule renversée qui caractériserait son éventuelle réélection : “avec moi le déluge”). Lisez quelques remarques de Jim Lobe, qui donnent le ton de ce stupéfiant décalage entre la réalité du monde et la réalité de GW (notez les réflexions du sénateur républicain Chuck Hagel, qui semble implicitement parler des thèses de l’administration comme on revient d’une visite à un hôpital d’aliénés) :
« Against these stories – putting aside the other headlines detailing deadly suicide and other attacks that have killed scores of Iraqis in the past week – Bush's insistence in a campaign address to a convention of the National Guard Tuesday that “our strategy is succeeding” appears awfully hollow, a point made repeatedly not only by Democratic, but by some Republican lawmakers at a hearing of the Senate Foreign Relations Committee Wednesday. “It's beyond pitiful, it's beyond embarrassing,” noted Nebraska Republican Sen. Chuck Hagel, who has long been skeptical of administration claims that the Iraq occupation was going well. “It is now in the zone of dangerous.”
» Indeed, it is now very difficult to find any analysts outside of the administration or the Bush campaign who share the official optimism. Consider the case of Michael O'Hanlon, a defense specialist at the Brookings Institution and former National Security Council aide who has been among the most confident of independent analysts of the basic soundness of Washington's strategy in Iraq.
» “In my judgment the administration is basically correct that the overall effort in Iraq is succeeding,” he testified to a Congressional panel just 10 months ago. “By the standards of counterinsurgency warfare, most factors, though admittedly not all, appear to be working to our advantage.” This week, however, O'Hanlon, who has developed a detailed index periodically published in the New York Times that measures U.S. progress in postwar Iraq, was singing an entirely different song at a forum sponsored by Brookings and the Center for Strategic and International Studies (CSIS). “We're in much worse shape than I thought we'd ever be,” he said. “I don't know how you get it back,” he conceded, adding that his last remaining hope was that somehow the U.S. could train enough indigenous Iraqi security forces within two to three years to keep the country “cohesive” and permit an eventual U.S. withdrawal. “A Lebanonization of Iraq” was also quite possible, he said. »
L’embarras de Washington, — de ceux qui, à Washington, ne sont pas dans la farandole, le trip de la campagne, — est évidemment de savoir comment il serait possible de justifier, devant l’Histoire et devant le simple bon sens, la réélection de GW Bush le 2 novembre 2004. Pourtant, il y a de fortes indications pour que nous y courions. Le spectacle est simplement extraordinaire, tandis que les commentateurs parisiens comparent, sans rire, les valeurs respectives des programmes des deux candidats. La seule question qui se pose est de savoir si les Etats-Unis d’Amérique pourront encore résister un gros mois à cette extraordinaire bouffonnerie sans s’apercevoir de ce qui se passe. Après ? “Avec moi le déluge”.