En Irak, dont on ne parle plus guère, tout est comme à l’habitude : de plus en plus catastrophique…

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En Irak, dont on ne parle plus guère, tout est comme à l’habitude : de plus en plus catastrophique…


30 novembre 2004 — Cela est visible dans la presse internationale : selon les termes de Dahr Jamail sur son site dahrjamailirak.com, « Iraq appears to be conveniently slipping off the radar of the mainstream media ».

Certes, on parle moins de l’Irak, beaucoup moins. La raison de cette évolution tient, à notre sens, à deux événements qui se sont combinés et ont eu un effet démobilisateur, ou une sorte d’ “effet de lassitude”.

• La réélection de GW, après une campagne d’une intensité unique dans l’histoire électorale, a écarté pour l’instant l’intérêt pour une perspective qui n’est que la poursuite de la politique, — si tant est qu’il y en ait une, — en cours depuis la conquête du pays.

• La bataille de Falloujah, qui a été présentée comme une victoire par les Américains, n’a officiellement pas duré plus d’une dizaine de jours (en fait, elle continue, c’est tout ce qu’on veut sauf une “victoire”, etc, mais l’absence d’intérêt pour la réalité au profit de la version virtualiste américaine fait partie de cet “effet de lassitude”). La “bataille”, vue de très loin et avec les verres correcteurs qui vont bien, a semblé effectivement ne pas poser trop de problèmes aux Américains et les destructions et les pertes causées n’ont quasiment pas retenu l’attention d’un Occident tourné vers la défense de la démocratie en Ukraine.

Cette évolution tend à faire croire que les choses s’améliorent en Irak. On rencontre même, parmi les divers bavardages télévisés occidentaux tenant lieu de débats politiques, des “analyses” telles que “maintenant que l’Amérique est en train de gagner en Irak…” (entendu sur International, le 24 novembre, simplement à cause de la perspective des élections en Irak.

Bien évidemment, la situation est, dans la réalité, toute autre, si pas exactement inverse. Plusieurs textes nous rappellent que la situation générale en Irak non seulement est mauvaise, mais qu’elle ne cesse de s’aggraver.

• Un texte de Dahr Jamail, justement, en date du 29 novembre, sur la situation quotidienne à Bagdad, au milieu des pénuries qui s’accroissent, des conditions sanitaires qui empirent, du marché noir qui prolifère. Et, bien entendu, l’habituelle bataille qui paraît sans fin : « This morning I was awakened by the usual 7am gun battles nearby. They usually coincide with the morning mortar ritual of blasts hitting the so-called green zone. »

• Un texte de The Independent de ce jour, qui rend compte d’un avertissement de l’ambassade britannique à Bagdad de ne plus emprunter des vols commerciaux, ni la route principale menant à l’aéroport civil de Bagdad. (La chose, — la quasi-impossibilité pour la fameuse “coalition” de tenir la route la plus importante en Irak, — est confirmée par un témoignage rapporté par The Nation.)


« Disintegrating security in Baghdad was underlined in a sombre warning yesterday from the British embassy against using the airport road or taking a plane out of Iraq.

» The embassy says a bomb was discovered on a flight inside Iraq on 22 November. It shows that insurgents have been able to penetrate the stringent security at Baghdad airport. The embassy says its own staff have been advised against taking commercial planes.

» The warning is in sharp contrast to more optimistic statements from US military commanders after the capture of Fallujah in which they have spoken of “breaking the back of the insurgency”.

» The embassy says that the road between Baghdad and the international airport, perhaps the most important highway in the country, is now too dangerous to use. The advice says starkly: “With effect from 28 November, the British embassy ceased all movements on the Baghdad International airport road.” »


Parallèlement à cette situation du refus de la réalité irakienne, rythmée par les remarques du type “les Américains sont en train de gagner” des commentateurs -TV et parisiens, on constate une amélioration de la position de GW Bush dans les sondages.

L’ensemble forme une illustration typique de la situation de virtualisme, avec un éloignement de la réalité dans une interprétation positive de la situation, à toutes forces. A notre sens, cela va bien au-delà d’un simple effet de propagande, bien au-delà d’une attitude générale (d’ailleurs non concertée) des médias. Il y a une volonté manifeste d’une majorité de citoyens, d’une majorité de nos sociétés, d’affirmer que les choses vont bien, ou mieux, contre l’évidence d’une situation en détérioration constante.

Le peu d’échos rencontrés par l’étude du Defense Science Board, document officiel bien sûr, nous paraît renforcer cette hypothèse : dans ce cas, les médias écartent l’information officielle (ou en parlent fort peu) parce que celle-ci n’est pas conforme à cette volonté de refuser une réalité catastrophique.

Bien entendu et comme d’habitude, nous ne perdons rien pour attendre, à écarter la réalité. Plus encore : à l’écarter comme nous le faisons, nous sommes totalement démunis face aux événements et incapables, ni de les empêcher (bien sûr), ni d’en réduire les effets.