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11813 décembre 2004 — Le deuxième aspect (après celui des opérations, envisagé ce jour) qui nous montre les Américains pris dans le piège irakien est leur indifférence aux pertes civiles que leurs forces causent, pertes qui sont considérables. Nous définissons cette attitude comme “ les Américains pris dans le piège irakien”, dans la mesure où cette attitude conduit l’opinion publique US à ignorer complètement la réalité du conflit irakien, favorisant du fait de l’absence de frein le domaine d’expansion des erreurs, des actes d’imprudence et d’inconscience de l’administration GW Bush, — un domaine qui paraît désormais illimité. A son tour, l’enlisement américain est lui aussi favorisé.
Dans le Daily Star de Beyrouth du 2 décembre
Le professeur Sachs décrit cette attitude américaine à propos de deux événements, la publication d’une évaluation des pertes civiles en Irak par The Lancet et l’attaque contre Falloujah.
« American behavior and self-perceptions reveal the ease with which a civilized country can engage in large-scale killing of civilians without public discussion. In late October, the British medical journal Lancet published a study of civilian deaths in Iraq since the U.S.-led invasion began. The sample survey documented an extra 100,000 Iraqi civilian deaths compared to the death rate in the preceding year, when Saddam Hussein was still in power - and this estimate did not even count excess deaths in Fallujah, which was deemed too dangerous to include.
» The study also noted that the majority of deaths resulted from violence, and that a high proportion of the violent deaths were due to U.S. aerial bombing. The epidemiologists acknowledged the uncertainties of these estimates, but presented enough data to warrant an urgent follow-up investigation and reconsideration by the Bush administration and the U.S. military of aerial bombing of Iraq's urban areas.
» America's public reaction has been as remarkable as the Lancet study, for the reaction has been no reaction. On Oct. 29 the vaunted New York Times ran a single story of 770 words on page 8 of the paper. The Times reporter apparently did not interview a single Bush administration or U.S. military official. No follow-up stories or editorials appeared, and no Times reporters assessed the story on the ground. Coverage in other U.S. papers was similarly meager. The Washington Post, also on Oct. 29, carried a single 758-word story on page 16.
» Recent reporting on the bombing of Fallujah has also been an exercise in self-denial. On Nov. 6, The New York Times wrote that ''warplanes pounded rebel positions'' in Fallujah, without noting that ''rebel positions'' were actually in civilian neighborhoods. Another story in The Times on Nov. 12, citing ''military officials,'' dutifully reported: ''Since the assault began on Monday, about 600 rebels have been killed, along with 18 American and 5 Iraqi soldiers.'' The issue of civilian deaths was not even raised. »
Pour poursuivre cette réflexion de Sachs, nous ajouterons qu’en cette occurrence, le virtualisme est également total et qu’il rassemble dans une attitude similaire, dans ce cas également, une majorité du public américain, des médias, et l’administration GW. On propose ici, rapidement, deux points confirmant ce jugement :
• Il n’y a pas de civils en Irak. (C’est-à-dire des civils innocents, c’est-à-dire : “il n’y a pas d’innocents en Irak”.) C’est ce qui est suggéré dans cette phrase de Sachs : « Yet this carnage is systematically ignored in the United States, where the media and government portray a war in which there are no civilian deaths, because there are no Iraqi civilians, only insurgents. »
• Il n’y a pas de critiques possibles d’une chose (les Américains commettant des atrocités contre les civils) qui n’est pas possible. C’est ce qui est suggéré dans cette remarque de Sachs concernant un éditorial du Wall Street Journal : « The Wall Street Journal actually wrote an editorial on Nov. 18 that criticized the critics, noting that whatever the U.S. did, its enemies in Iraq did worse, as if this excused American abuses. » Il faut étendre le propos à sa réelle signification, pour bien comprendre ce qu’il signifie de fondamental dans une psychologie américaine complètement dépendante d’une logique virtualiste, et il faut le faire en l’étendant à la prévision : quoi que feront les Américains, les autres feront pire, justifiant, et même innocentant l’acte des Américains à venir. (De même, Donald Rumsfeld disait-il le 9 novembre, à propos des pertes civiles à venir à Falloujah, qu’il n’y en aurait guère, et que, s’il y en avait tout de même, la seule certitude serait qu’elles ne seraient pas du fait des forces US, — comme le rapporta The Independent du 15 novembre : « Mr Rumsfeld confidently asserted last week that civilians had been given guidance on how to avoid getting injured. He predicted that there would not be large numbers of civilians killed, and “certainly not by US forces”. »)