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6 décembre 2004 — Thomas Friedman propose aujourd’hui “A new mission for America”. Le thème principal : l’indépendance énergétique. Voyons le programme.
« If President George W. Bush is looking for a legacy, I have just the one for him - a national science project that would be our generation's moon shot: a crash science initiative for alternative energy and conservation to make America energy-independent in 10 years. Imagine if every American kid, in every school, were galvanized around such a vision. Ah, you say, nice idea, Friedman, but what does it have to do with your subject - foreign policy?
» Everything! You give me an America that is energy-independent, and I will give you sharply reduced oil revenues for the worst governments in the world. I will give you political reform from Moscow to Riyadh to Tehran. Yes, deprive these regimes of the huge oil windfalls on which they depend and you will force them to reform by having to tap their people instead of oil wells. These regimes won't change when we tell them they should. They will change only when they tell themselves they must.
» When did the Soviet Union collapse? When did reform take off in Iran? When did the Oslo peace process begin? When did economic reform become a hot topic in the Arab world? In the late 1980s and early 1990s. And what was also happening then? Oil prices were collapsing.
» In November 1985, oil was $30 a barrel, recalled the noted oil economist Philip Verleger. By July of 1986, oil had fallen to $10 a barrel, and it did not climb back to $20 until April 1989. “Everyone thinks Ronald Reagan brought down the Soviets,” said Verleger. “That is wrong. It was the collapse of their oil rents.” It's no accident that the 1990s was the decade of falling oil prices and falling walls.”
» If Bush made energy independence his moon shot, he would dry up revenue for terrorism; force Iran, Russia, Venezuela and Saudi Arabia to take the path of reform - which they will never do with $45-a-barrel oil — strengthen the dollar; and improve his own standing in Europe, by doing something huge to reduce global warming. He would also create a magnet to inspire young people to contribute to the war on terrorism and America's future by becoming scientists, engineers and mathematicians.
» “This is not just a win-win,” said the Johns Hopkins foreign policy expert Michael Mandelbaum. “This is a win-win-win-win-win.” »
(…)
» Summoning all our energies and skills to produce a 21st-century fuel is George W. Bush's opportunity to be both Nixon to China and JFK to the moon - in one move. »
Le programme d’indépendance énergétique que Friedman propose, avec son effet politique et son effet moral, si caractéristiques du mythe Américain (« Summoning all our energies and skills… »), rappelle une autre circonstance.
En 1977, lorsque Jimmy Carter arriva au pouvoir, l’un de ses principaux projets fut d’assurer l’indépendance énergétique du pays. En présentant, le 20 avril 1977, son programme énergétique, il parla de la mobilisation nécessaire face à un danger qu’il comparait à celui qu’affronta l’Amérique le 7 décembre 1941, avec l’attaque de Pearl Harbor ; d’autre part, il compara l’effort qu’il demandait au pays à celui qui fut fait pour la conquête de la Lune (1961-69).
A cette époque, quatre ans après la Guerre d’Octobre (guerre israélo-arabe du Kippour d’octobre 1973), l’embargo sur le pétrole et la crise économique, ce qui était désigné comme la crise de l’énergie, — coût de l’énergie, indépendance énergétique, etc — constituaient une crise générale.
Pour l’Amérique, cette question, telle que la présentait Carter, devait avoir aussi une dimension morale, voire mythique, considérable. Carter était le Président élu par une Amérique plongée dans un immense désarroi, à cause du Viet-nâm et de la crise morale qui l’avait accompagné, de la crise politique et constitutionnelle du Watergate, issue indirectement de la crise vietnamienne, de la crise générale des institutions en 1974-76 (notamment les scandales de la CIA). Carter présentait le projet d’indépendance énergétique comme une Mission à la fois régénératrice (sortir de la crise Viet-nâm-Watergate) et mobilisatrice (retrouver l’esprit de la conquête de la Lune).
La dimension écologique du programme de Carter était également très forte puisqu’il proposait de développer des énergies alternatives non polluantes en même temps qu’il appelait les Américains à contrôler et à limiter leur consommation.
Son échec fut complet, comme on sait aujourd’hui, dans tous les domaines abordés. L’Amérique n’est pas indépendante énergiquement, elle consomme et pollue plus que jamais (25% d’émission de gaz polluants pour 7% de la population terrestre). Elle n’a pas retrouvé, — ni dans ce programme de 1977 ni dans aucune autre initiative, — l’élan moral et industriel dont les commentateurs de l’américanisme parent certaines autres initiatives telles que la riposte à Pearl Harbor (et la guerre de 1941-45 en général, avec le “projet Manhattan”) et la conquête de la Lune.
L’analogie de la tentative de Carter avec l’article que publie Friedman aujourd’hui est intéressante. La comparaison des deux événements mesure aussi bien l’échec de Carter que l’absence de “réveil” des énergies mobilisatrices (innovation industrielle et régénération morale à la fois) des Etats-Unis depuis le Viet-nâm. Le président succédant à Carter, Ronald Reagan, avait proposé “son” projet mobilisateur le 23 mars 1983 : la SDI (bouclier anti-missiles), ou “guerre des étoiles”. LA SDI était présentée par Reagan, le 23 mars 1983, plus comme un effort technologique pour assurer la paix (sortir de l’“équilibre de la terreur” et de la menace d’anéantissement nucléaire réciproque) que comme une arme anti-soviétique. Dans son discours, Reagan proposait aux Soviétiques le partage des technologies de la SDI (la chose fut prestement enterrée par le Pentagone).
L’indication était claire, on le mesure dans l’évolution jusqu’à GW : d’un projet non-guerrier (Carter), on en revenait aux armements. Par ailleurs et malgré la propagande républicaine, la SDI fut un échec complet de ses intentions de mobilisation collective des USA, et même de ses effets politiques. Comme le signale l’économiste Philip Verleger, opportunément cité par Friedman, « [e]veryone thinks Ronald Reagan brought down the Soviets. That is wrong. It was the collapse of their oil rents. » Effectivement, pour ce qui est de la contribution des facteurs économiques et industriels à la chute de l’URSS, le prix du pétrole est un bien meilleur argument que la course aux armements.
Il y eut encore, depuis l’échec de la SDI, quelques tentatives de mobilisation collective des USA du type “conquête de la Lune” (la lutte contre le SIDA, — proposée, sans rire, par Ronald Reagan en 1988, mais pas très longtemps ; “les autoroutes de l’information”, grand projet de Clinton). Sans sous-estimer les divers développements économiques et technologiques impliqués, aucun de ces projets ne réussit dans son fondement moral (mobilisation).
Que Friedman ressorte aujourd’hui une telle idée remontant en 1977 n’est que la mesure du désarroi actuel de l’Amérique. Le dernier projet en date de mobilisation (lutte contre le terrorisme) est un échec. Il est un échec opérationnel (aujourd’hui, on en est même à signaler qu’on a perdu la trace de Ben Laden) et un échec moral (les Américains ont réélu GW pour les “valeurs” traditionnelles US, certainement pas pour son “succès” en Irak). Au reste, si Friedman ressort la question de l’indépendance énergétique, c’est parce qu’il craint un recul de la recherche scientifique aux USA, — cette recherche qu’il faudrait au contraire accentuer pour trouver des énergies alternatives, — déjà en cours au niveau budgétaire et humain, comme conséquences de la guerre contre la terreur.
« Of all the irresponsible aspects of the 2005 budget bill that the Republican-led Congress just passed, nothing could be more irresponsible than the fact that funding for the National Science Foundation was cut by nearly 2 percent, or $105 million.
» Think about this. America is facing a mounting crisis in science and engineering education. The generation of scientists, engineers and mathematicians who were spurred to get advanced degrees by the 1957 Soviet launch of Sputnik and the challenge by President John Kennedy to put a man on the moon is slowly retiring.
» But because of the steady erosion of science, math and engineering education in U.S. high schools, the cold war generation of American scientists is not being fully replenished. America traditionally filled the gap with Indian, Chinese and other immigrant brainpower. But post-9/11, many of these foreign engineers are not coming here anymore, and, because the world is now flat and wired, many others can stay home and innovate without having to emigrate.
» If we Americans don't do something soon and dramatic to reverse this “erosion,” Shirley Ann Jackson, the president of Rensselaer Polytechnic and president of the American Association for the Advancement of Science, told me, we are not going to have the scientific foundation to sustain our high standard of living in 15 or 20 years.
» Instead of doubling the NSF budget - to support more science education and research at every level — this Congress decided to cut it! Could anything be more idiotic?
» If President George W. Bush is looking for a legacy, I have just the one for him — a national science project that would be our generation's moon shot: a crash science initiative for alternative energy and conservation to make America energy-independent in 10 years… »