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107021 janvier 2005 — Bon anniversaire, GW. Le voilà rassuré, Dieu lui a donné le feu vert. Cela n’empêche pas ses partisans, — on parle des plus critiques, — de s’interroger à son sujet.
On parle plus précisément de Patrick J. Buchanan, dont la dernière chronique est intéressante. Malgré ses prises de position tonitruantes, sa réputation d’isolationniste suspect, son opposition résolue à l’aventure irakienne, Buchanan est resté républicain. Jusqu’au bout, il a vécu dans l’espoir que GW se débarrasserait du sortilège des néo-conservateurs pour redevenir un vrai conservateur en abandonnant son programme démocratico-impérialiste. (Buchanan a même voté pour GW Bush le 2 novembre 2004, il l'avait annoncé publiquement.) Il semble que Buchanan a perdu tout espoir. C’est une indication précieuse du moral présent dans les rangs des vrais républicains, ceux qui ont supporté pendant quatre ans, sans trop broncher, les Wolfowitz, Feith, Perle & compagnie, tout en détestant la politique “impériale” américaine.
Dans cette dernière chronique, le 19 janvier sur le site Antiwar.com, Buchanan fait pour GW la pire des comparaisons: il l’assimile au démocrate utopiste Woodrow Wilson, l’homme qui, en plus d’impliquer son pays dans la Première Guerre mondiale, conçut pour l’univers l’imposition de la démocratie universelle et termina malade en donnant la victoire aux républicains super-isolationnistes des années 1920. Buchanan marque bien la mesure de l’exaspération d’une partie non négligeable des républicains devant les projets grandioses de démocratisation universelle, avec une armée à bout de souffle, un budget en lambeaux, un déficit formidable, un moral partout en baisse, et une défaite politico-militaire en Irak comme rarement l’Amérique aura conçu de subir, même dans ses cauchemars les plus sombres.
« As with Wilson, Bush's belief in the salvific power of free elections has become near religious. He has told staff he believes that, 50 years from now, he will be remembered for his “forward strategy of freedom.” His inaugural address is to be about liberty. In the Oval Office last week, he elaborated on how democracy was going to transform the Middle East:
» “I believe democracy can take hold in parts of the world that have been condemned to tyranny. And I believe when democracies take hold, it leads to peace. That's been the proven example around the world. Democracies equal peace.” (…)
» …Bush has gambled his presidency, the lives of our soldiers, the prestige of the U.S. military, and our superpower standing in the world on the questionable proposition that democracy will, under our tutelage, take root rapidly in desert soil where it has never sprouted before.
» Wilson did not live to see the consequences of the disastrous peace he brought home from Versailles. President Bush, however, will likely reap the fruits, or witness the futility and failure of his great gamble, before he leaves office. »
Les derniers mots sont significatifs. Il existe désormais un courant d’analyse, où l’on trouve un nombre important de républicains, pour penser que GW ne terminera pas son second terme, ou le terminera dans une crise colossale où l’aurait entraîné sa fascination pour les conceptions radicales des néo-conservateurs. Il est désormais probable, si ce devait être le cas, que Bush n’aurait pas, pour le soutenir, l’entièreté du parti républicain. Pour cette fraction républicaine, dont Buchanan représente l’un des extrêmes, l’engagement néo-conservateur est effectivement néo-wilsonien, c’est-à-dire fondé sur l’utopisme démocrate, et il trahit les valeurs fondamentales du républicanisme originel. De nouvelles divisions s’instaureraient dans le pays, avec l’évidente tentation de l’isolationnisme, dont Buchanan est le héraut infatigable.
On n’a évidemment jamais vu un second mandat soi-disant triomphal (voir l’accueil fait aux résultats de l’élection) débuter dans une atmosphère aussi délétère. L’attitude de GW affirmant que son élection “triomphale” constituait une confirmation par les Américains de la justesse de l’invasion de l’Irak a été notamment ressentie non seulement comme une erreur, mais comme une insulte et une trahison par les conservateurs traditionnels. Toutes les analyses et tous les sondages ont montré que cette élection avait été gagnée sur les vieilles valeurs républicaines. La poursuite de sa croisade démocratique mondiale et globalisée par le président constitue une trahison de son mandat, aux yeux de ces républicains, et cela ne lui sera pas pardonné. L’inauguration d’hier marque l’ouverture de la crise intérieure du parti républicain. C’est un début tonitruant.