Initiative Schröder et tempête à l’OTAN

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Initiative Schröder et tempête à l’OTAN


18 février 2005 — Nul ne peut douter que c’est avec les meilleures intentions du monde que le chancelier Schröder a lancé son initiative samedi dernier, à Munich. (Il demande l’instauration d’un groupe de concertation de haut niveau, au sein duquel USA et Europe pourraient discuter de problèmes non-militaires qui se posent aux deux blocs. Schröder expliquait que les relations dans leur forme présente, à l’OTAN, « ne font justice ni à l’importance grandissante de l’Union, ni aux nouvelles demandes de coopération transatlantique ».) L’OTAN est en train d’en subir les effets. Nos sources à l’organisation décrivent « la véritable tempête qui souffle avec la proposition Schröder et il est devenu en quelques jours impensable qu’on n’en parle pas lors du sommet de l’OTAN de mardi, avec GW Bush ».

Entre-temps, depuis samedi, Schröder est revenu sur le sujet — le 15 février, après une rencontre avec Barroso. « That some people at the conference itself may have held a somewhat different view is something I can fully understand. But I really believe that it contributes to a strengthening of NATO and transatlantic relations if we speak more openly on political issues than we have tended to in the past ». La position de Schröder est donc claire: « I Stand by what I said at the Munich conference. » Schröder est appuyé par Solana, qui déclare: « This is an initiative that goes in the direction of making more effective the trans-Atlantic cooperation. »

La violence de certains commentaires américains, par le mépris pour Schröder qu’on y distingue, est révélatrice de bien des attitudes et des jugements que rien n’a écartés dans les activités mondaines de ces derniers jours. Il ne peut étonner personne qu’un de ces commentaires soit, le 14 février dans l’International Herald Tribune, le fait de John Vinocur, homme-lige des remises en place des alliés récalcitrants, particulièrement les Allemands. L’intervention de Vinocur a été si brutale que IHT s’est cru obligé, renseignements pris, de rectifier le tir, ou, dans tous les cas, de l’adoucir notablement: non, après tout, Schröder ne dit pas que des insolences insupportables à des oreilles washingtoniennes.

Voici donc Vinocur-Bingo :


« Diplomacy in action. Here was Condoleezza Rice scooting to Paris and Brussels and Luxembourg, deftly working the idea that Europe mattered and the United States respected it. And here was a group of heavyweight American pols in town for a postscript, attending the weekend's yearly seminar of defense and security experts (Don Rumsfeld and John McCain among the Republicans, Joe Lieberman and Hillary Clinton for the Democrats) and thinking, fair traders all, there might be some signs of a quick and generous European response.

» The fact was that a speech by Gerhard Schröder, billed as a German-take-on-the-world and read out by Defense Minister Peter Struck (Schröder called in sick), grated. The Bush folk, trying so hard to be Europe-amenable seven days before the president's arrival, suddenly found themselves laboring not to look too wrong-footed, embarrassed or provoked by a message from the chancellor they did not fully expect.

» What they got from Schröder was a complaining five pages, mostly about the unsatisfactory state of trans-Atlantic relations. His call for an umpteenth blue-ribbon panel to assess what to do followed. But it did not sing, either of great affection for the old alliance of democracies that faced down the Soviet Union and led to German reunification, or of new idealistic ambitions for NATO, if the chancellor had any close to his heart. Alongside Rice's careful mix last week of high regard for Europe and passionately stated aspirations for freedom in places where there is none now, Schröder's horizons were almost provincial »


… Suivi du rectif’ (ou faisant fonction de), sous forme de l’édito de l’IHT du 15 février :


« None of that undermines the validity of the point Schröder made. NATO was not where Iraq was debated, nor is it where arms sales to China or the nuclear program in Iran are being discussed. That may be the way the Bush administration would prefer to keep things. But Schröder evidently took to heart what Rice said on her European visit about building a real trans-Atlantic partnership; if this is really to happen, he said in effect, the existing avenues of communications - most notably NATO - have to be re-examined. His aides subsequently insisted that his intention was not to bury NATO, but to rejuvenate it. At the least, he hoped to throw out some ideas for discussion next week at a NATO summit and in Schröder's scheduled meetings with Bush.

» We don't want to bury NATO either, but there is a lot to reexamine. Many leaders on both sides of the Atlantic would probably prefer to paper over the bitter disputes of the past three years with stirring affirmations of shared values and goals.

» Certainly there are many in the Bush administration who would prefer to keep NATO the way it is, as an alliance they can control or ignore. Schröder's message was that they cannot. It is precisely because the United States and Europe have seen the dangers of estrangement in Iraq, because they share so many challenges, and because the North Atlantic alliance is so critical to their common future, that they must embark on a serious and thorough review of what needs to be fixed, and how. »


Ces deux appréciations, la critique abrupte et la réhabilitation raisonnable peuvent également être vues comme complémentaires. En effet, le discours de Schröder demande deux choses, ce qui est bien mis en évidence par une analyse de WSWS de ce jour:

• D’une part, un rôle international accru pour l’Allemagne, passant notamment par un siège permanent (avec droit de veto) au Conseil de Sécurité de l’ONU. C’est ce qui a provoqué la colère de Vinocur.

• D’autre part, un rafraîchissement/rajeunissement de l’OTAN, avec sa transformation en organe de consultation entre UE et USA. C’est ce qui amène l’approbation de l’édito du IHT.

Les réactions sont chaotiques et désordonnées. Il n’est pas sûr que ce soit le fond des choses qui provoque ces réactions, mais plutôt le seul fait qu’il s’agisse d’une proposition sérieuse, portant sur la substance. La période actuelle devait être consacrée exclusivement à la forme, c’est-à-dire l’apparence, qui devait sanctionner l’irrésistible réconciliation USA-UE. On ne s’attendait pas à ce qu’une proposition fût introduite dans le circuit, qui portât sur le fond.

De même, à l’OTAN, ces derniers jours, nos sources signalent qu’on assiste à un changement étrange, en même temps que l’ordre du jour a été modifié à plusieurs reprises (les Ukrainiens, qu’on devait rencontrer le matin, ont été invités au déjeuné jusqu’alors réservé aux seuls 26 de l’OTAN. Puis le programme initial a été remis en place). Mais, plus important encore: « Il était entendu, disent nos sources, que ce sommet devait être très consensuel, donc porter essentiellement sur la forme et le moins possible sur le fond. Mais on assiste depuis quelques jours à un étrange phénomène. Des questions nouvelles sont inscrites à l’ordre du jour, qui portent sur des questions sérieuses, des désaccords sévères, etc. » Ces mêmes sources signalent qu'il n'y a pas encore de communiqué définitif, ce qui contraste notablement avec les habitudes et les traditions de l'OTAN, où aucune réunion importante ne s'ouvrait sans que le communiqué de cette réunion soit prêt, à la virgule près.

Le constat, bien plus que des prévisions difficiles à énoncer, est surtout d'un réel désordre. Cela marque le caractère inhabituel d'une rencontre dont l'importance a été démesurément grandie alors que l'accord était fait pour qu'on ne parlât que de sujets de forme et d'apparences consensuelles, alors que de nombreux et épineux problèmes existent.