Européens, voici à quelle sauce vous serez gloutonnement mangés

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Européens, voici à quelle sauce vous serez gloutonnement mangés


20 février 2005 — Comme GW le dit lui-même, il n’est pas question qu’il abandonne sa méthode, héritée d’une longue et judicieuse pratique au long de son premier mandat,  —« I don't see how you can deal with people if you are not straightforward ». D’où quelques bonnes vérités assénées avec une grande claque amicale dans le dos des Européens. Cela nous est rapporté, avec la jubilation contenue d’un vrai patriote britannique, sous la forme d’une interview de GW, par The Daily Telegraph également britannique et patriote, ce 19 février.

[Entre-temps, car il faut savoir de qui l’on parle, — sans craindre le ridicule qui est devenu complètement inoffensif, “non-létal” selon les normes postmodernes. Il nous a été annoncé par un haut fonctionnaire de la Commission européenne, John Bruton (ambassadeur de l’UE à Washington et ancien Premier ministre irlandais): « I think there is a recognition that this President has got his mandate and speaks for a lot of Americans ». Cette parole originale et longuement réfléchie est confirmée en grandes pompes par le peuple américain, le peuple républicain dans tous les cas, qui nous annonce que, si le cas se présentait, — ce n’est pas impossible, virtualistement parlant, qui est le dernier cri de la modernité postmoderne, — il voterait à 62% pour GW (G.W. Bush) de préférence à GW (George Washington). Tout cela, du meilleur augure possible, John Bruton a le nez diablement fin.]

GW nous envoie donc deux salves solides. Inutile de chercher longtemps pour y trouver la patte de Rumsfeld, le seul ministre sérieux de son administration, avec l’aide de son sous-ministre Wolfowitz. Ces deux bordées concernent les ambitions de l’Europe au niveau de la sécurité et de la position politique en général. Elles fixent les limites du voyage de GW en Europe et de ce que les Européens peuvent en attendre, notamment au niveau de ce que certains Européens rêveraient être un “partenariat”, comme si les deux compères étaient égaux.

• Le commentaire de chapeau du Daily Telegraph fixe la chose clairement: « President George W Bush set strict limits on the EU's global ambitions last night, saying that there was no need for the Franco-German goal of forming an alternative superpower. » Cela est dit en termes sympathiques, selon la logique de l’efficacité américaniste, de la non-duplication, — tout cela renvoyant au fameux document de 1992 du Pentagone, rédigé notamment par le même Paul Wolfowitz, sur le caractère inamical pour les Etats-Unis de l’émergence d’une puissance alternative. (On trouvera, sous ce lien dedefensa.org, un ensemble de trois textes de William Pfaff de 1992, dont l’un qui commente le document du Pentagone/Wolfowitz.) Contentons-nous, explique GW, d’avoir les “mêmes valeurs”, nous Américains et vous Européens; Washington en tirera les conséquences pour établir les buts qu’Américains et Européens devront atteindre ensemble, sous inspiration et consignes américanistes. Point final. (Ah si, tout de même, en post-scriptum: la considérable concession de GW aux Européens est qu’il leur expliquera mieux pourquoi ils doivent vite fait obéir aux ordres.)


« “Some have said we must have a unified Europe to balance America. Why, when in fact we share values and goals? As opposed to counter-balancing each other, why don't we view this as a moment when we can move in a concerted fashion to achieve those goals?”

« The president said it was up to him to “do a better job of explaining the common goals and the fact that by working together we are more likely to achieve them for our own security”. »


• Dans cet état d’esprit, on comprend ce que GW fera de la proposition de Gerardt Schröder sur une régénération de l’OTAN: à la poubelle, pour être poli. L’OTAN marche très bien, merci, puisqu’elle permet aux Américains de donner leurs ordres. On ne voit pas qu’il y soit nécessaire d’installer une structure de dialogue, ou un truc du genre (« another high-level thing », dit Rumsfeld): dialoguer de quoi? Il suffit que les Européens écoutent poliment et s’exécutent. (A noter pour le folklore du professionnalisme journalistique et l’objectivité anglo-saxonne: l’interprétation de l’initiative Schröder par le Daily Telegraph vaut son pesant de cacahuètes transatlantiques, avec le terme widely comme cerise sur le gâteau: « Mr Schröder's words have been widely interpreted as an attempt to give the EU's fledgling foreign and military bodies more muscle. »)


« In an interview with The Daily Telegraph, his first with a British newspaper since his re-election last year, he pointedly rejected a call by Chancellor Gerhard Schröder for Nato to be overhauled. Mr Schröder's words have been widely interpreted as an attempt to give the EU's fledgling foreign and military bodies more muscle.

» “I disagree,” Mr Bush said. “I think Nato is vital. Nato is a very important relationship as far as the United States is concerned. It is one that has worked in the past and will work in the future just so long as there is that strong commitment to Nato.” »