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1347Les Britanniques sont particulièrement inquiets des perspectives des probables restrictions US sur les transferts de technologies. Ils sont effectivement ceux qui se trouvent les plus menacés, dans la mesure où leur politique des quinze dernières années les a engagés fortement avec les Américains, les mettant à la merci de ceux-ci pour les technologies nécessaires à certains grands domaines stratégiques.
Des sources européennes signalent, dans la logique de cette situation, un récent développement des deux ou trois dernières semaines: les Britanniques se tournent vers les Français pour les presser d’envisager des partenariats bilatéraux où les deux pays développeraient ces technologies et en sécuriseraient réciproquement l’approvisionnement. Les Français, qui disposent de fortes capacités technologiques autonomes, sont en effet les seuls en Europe à pouvoir offrir aux Britanniques une porte de sortie de cette situation de contrainte extrêmement dommageable qui leur est imposée par les Américains.
Des développements intéressants sur les questions de défense durant la présidence britannique de l’UE (juillet-décembre 2005) constituent une hypothèse acceptable et qu’il est intéressant de garder à l’esprit. Peut-être est-il significatif de noter que, parmi les sujets d’étude en cours aujourd’hui au Royal War College britannique, on trouve un historique et une analyse des accords de Saint-Malo. (Les accords de Saint-Malo, initiative britannique majeure de défense européenne, ponctuèrent, six mois après, le constat d’une désastreuse présidence européenne (janvier-juillet 1998) du Royaume-Uni, conduisant ce pays à rechercher une initiative permettant de rétablir sa position européenne.)
Ci-dessous, voici ce que nous publiions dans la rubrique Journal de notre Lettre d’Analyse (de defensa-papier) du 10 janvier 2005, à propos de cette hypothèse:
« Les Britanniques entament leur présidence européenne (juillet-décembre 2005) avec le handicap d'une préparation psychologique désastreuse, — as usual d'ailleurs (en 2005 comme en 1998): derrière le catéchisme transatlantique, il y a le soupçon de l'alignement
» En novembre et décembre 2004, dans l'attente de la présidence britannique de l'UE pour janvier-juillet 2005, l'habituel sentiment s'est propagé. En gros, il revient à ceci, selon une source à la Commission européenne: “Tout le monde a commencé à se dire qu'il fallait boucler les dossiers urgents avant le 1er juillet 2005, ou bien les reporter à la présidence autrichienne, en janvier 2006, parce que le sentiment général est qu'avec les Britanniques on ne pourrait rien faire de sérieux.” C'est là une évolution psychologique particulièrement intéressante, qui a un précédent, qui est la précédente présidence britannique (janvier-juillet 1998). Cette évolution psychologique conduit en général les autres pays de l'UE, lorsque le Royaume-Uni parvient à une place centrale dans le processus européen, à lui retirer toute confiance dans ses capacités à fournir une orientation européenne à cause de ses liens avec les États-Unis. Le résultat revient à conclure que la présidence britannique est une ‘présidence perdue’, au cours de laquelle il ne faut pas espérer de grandes initiatives ni d'avancée européenne significatives. “Dès le mois de décembre, poursuit notre source, les Britanniques se sont aperçus de cette évolution et ont commencé à s'en inquiéter très sérieusement. Mais, bien sûr, que peuvent-ils faire contre cela?” Au contraire, cette prise de conscience ne fait qu'accélérer le processus. Conscients de provoquer cet effet, les Britanniques tendent à perdre le sens de l'initiative, ou bien ils prennent des initiatives maladroites: bref, ils en arrivent à se conduire comme si les préventions contre eux étaient justifiées, — à un point où, finalement, un observateur pressé mais non exempt de bon sens conclurait qu'elles le sont effectivement. Il est très probable que la présidence britannique va être une présidence de stagnation, d'isolement et de paralysie, exactement comme fut celle de janvier-juillet 1998, qui provoqua la profonde impression d'une situation catastrophique chez Tony Blair. Une telle perception d'isolement en Europe impliquait pour le Premier ministre britannique que l'un des deux piliers de sa politique (l'activisme européen, à côté de l'engagement avec les États-Unis) était branlant, sinon inexistant. La réaction de Blair fut de tenter de réparer cette catastrophe en lançant une grande initiative européenne. C'est de cette façon que naquit le processus de Saint-Malo. Dès août-septembre 1998, Charles Grant, alors “poisson-pilote” de Blair, se mit à émettre des hypothèses et à les soumettre à ses correspondants en Europe, mais surtout à Paris parce qu'il s'agissait d'une initiative de défense. Le 23 septembre 1998, ces premiers sondages se concrétisaient de façon plus publique par un article du Financial Times présentant l'idée d'une relance du processus de défense européenne. A l'automne qui suivit, les contacts se multiplièrent, essentiellement avec Paris que les Britanniques considèrent comme le seul partenaire sérieux en Europe au niveau de la défense (ils ne le disent pas mais ils le savent). Cela aboutit, en novembre 1998, à un document britannique dont certaines propositions recelaient un aspect révolutionnaire dans le sens de la défense européenne. Le document servit de base à l'accord de Saint-Malo du 3 décembre 1998, qui était le deuxième sommet franco-anglais des rencontres biannuelles régulières entre les deux pays. Ce précédent nous conduit à faire l'hypothèse que si, effectivement, la présidence britannique de 2005 ressemble à celle de 1998, elle pourrait, elle devrait être suivie d'une initiative européenne britannique tentant de réparer les dégâts. L'hypothèse doit être d'autant plus envisagée que les Britanniques se trouvent aujourd'hui bien plus engagés avec les Américains qu'ils ne l'étaient en 1998, à un point où le rééquilibrage européen s'impose d'autant plus. Une autre hypothèse est que les Britanniques aillent plus vite et tentent de proposer de nouvelles initiatives pendant leur présidence, toujours dans le domaine de la défense, pour débloquer ce qu'ils percevraient comme une situation de blocage pour eux au niveau européen. On devrait être très vite renseigné à propos de la possibilité d'une telle perspective. »
Mis en ligne le 22 avril 2005 à 11H05