Le Pentagone est fou: comment s’en sortir?

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Le Pentagone est fou: comment s’en sortir?


3 mai 2005 — Ci-dessous, un extrait d’un article de Defense News du 2 mai relate l’atmosphère d’une audition, le 27 avril, entre les sénateurs de la commission des forces armées et le secrétaire à la défense Rumsfeld. Le sujet : les dépenses devenues incontrôlables du Pentagone, et comment s’en sortir. Réaction piteuse du bouillant Rumsfeld, pour une fois plutôt discret: « Something is wrong. »

Le constat est rapidement fait:

• Le DoD reçoit plus d’argent qu’il n’en a jamais reçu depuis la Deuxième Guerre mondiale. (A notre sens, il en reçoit plus que dans la plupart des années de guerre, une fois qu’on a tenté d’établir les équivalences. Seule l’année 1944, sans doute, surpasse en valeur relative les budgets réels d’aujourd’hui, et encore cela est-il discutable.)

• La plupart des programmes importants sont en pleine déroute. (Voir, sur ce site, quelques remarques sur le petit dernier, le programme des destroyers DD(X) de la Navy.) Le DoD est totalement incapable de répondre à sa programmation minimale pour les années à venir.

• Quelle est la clef de l’énigme? La recherche désespérée d’une réponse à cette question va beaucoup occuper le Congrès américain ces prochaines semaines et prochains mois.


« Spending on the U.S. military today surpasses anything since World War II, Sen. Daniel Inouye said. Yet even amid that bounty, the Defense Department cannot afford all that it wants to buy. Inouye, D-Hawaii, and other members of the Senate’s defense appropriations subcommittee expressed growing concern April 27 that tax money is being poured into the Pentagon at an almost unprecedented rate, but is buying less and less.

» The military is paying more and more for fewer fighter jets, cargo planes and warships, lawmakers said. Even as technology prices drop in the civilian marketplace and increasingly sophisticated consumer goods seem to become more affordable, technology costs for the military continue to climb, said Sen. Ted Stevens, R-Alaska, subcommittee chairman.

» Defense Secretary Donald Rumsfeld acknowledged that “something is wrong” with the Defense Department’s acquisition system, but he said it’s not just spiraling costs. Weapons being produced today are far more capable than those that they replace, he said. A ship built today might cost twice as much as its predecessor, but it will be three times more capable. Similarly, smart bombs cost more than dumb bombs, but one smart bomb can do the work of 10 unguided bombs, Rumsfeld said.

» Military leaders will examine the defense acquisition system in detail this year while conducting their Quadrennial Defense Review (QDR), he said. The QDR’s results will be factored into the Pentagon’s 2007 budget request to be sent to Congress in February.

» The soaring cost of weapons has become a central defense issue in the Senate this spring. Armed Services Committee members focused on weapon costs and contracting problems during hearings on the Army’s Future Combat Systems (FCS) and during a confirmation hearing for Kenneth Krieg to become undersecretary of defense for acquisition, technology and logistics. »


Cela fait quarante-cinq ans (formellement, depuis l’arrivée de McNamara au Pentagone, en 1961) que l’on tente de réformer le Pentagone. A la même époque, le dérapage a commencé, grâce à la première réforme lancée par McNamara (le TFX, chasseur-bombardier commun à deux armes, devenu en 1963 le F-111 garanti à $2 millions l’exemplaire, et acquis à partir de 1967 à $12 millions l’exemplaire).

On pourrait penser que le Pentagone n’est pas réformable. Probable. Ce n’est pas pour autant que l’issue de la catastrophe lui est interdite. On s’en approche lorsqu’un bombardier coûte $2,4 milliards (le B-2), un chasseur $347 millions (le F/A-22), un destroyer $7 milliards (le DD(X)), et ainsi de suite. Les arguments présentés par Rumsfeld sur l’augmentation des capacités sont sempiternels et sans intérêt, parfaitement sophistiques en ce qu’ils sont présentés dans l’absolu alors qu’ils doivent être mesurés relativement: les nouvelles capacités sont à évaluer dans l’environnement d’époque, avec des mesures de défense ou des contre-mesures adaptées à ces capacités et qui en réduisent d’autant les effets et l’efficacité. L’argument vaudrait et le coût serait peut-être acceptable si l’on avait produit un F/A-22 avec ses capacités actuelles dans les années 1950 ou 1960.

Le problème est que la cause centrale de la crise n’est pas le gaspillage et l’incapacité de la gestion; gaspillage et incapacité de gestion existent toujours mais sont relégués au second plan par un autre facteur qui est extraordinairement multiplicateur, qui est au cœur de la crise: l’incapacité de résister à l’“amélioration” technologique systématique, à la conception, en cours de développement, après, etc. Du même Defense News, à propos du DD(X): « Navy sources say the service does not blame prime contractor Northrop for the rising cost of the DD(X) program, a position that company also backs. “We’re on cost and on schedule, and mitigating risk as planned,” said Brian Cullin, a spokesman for Northrop’s Ship Systems unit. Instead, it’s the Navy’s ambitious effort to develop so many cutting-edge technologies, including new radar, electric system and gun, he said. »

Quant à Rumsfeld, nous lui conseillons de relire son brillant discours du 10 septembre 2001, qu’il pourra trouver sur notre site. Tout y est.